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Citations de Julio Cortázar (178)


HAPPY NEW YEAR

Écoute, je ne demande pas grand-chose,
seulement ta main, la tenir
comme une rainette qui dort contente ainsi.
J'ai besoin de cette porte que tu m'offrais
pour entrer dans ton monde, ce petit bout
de sucre vert, joyeux de sa rondeur.
Me prêtes-tu ta main cette nuit
de fin d'année et de chouettes enrouées ?
Tu ne le peux pas pour des raisons techniques. Alors
je la tisse avec l'air, ourdissant chaque doigt,
la pêche soyeuse de la paume
et le verso, ce pays d'arbres bleus.
Je la prends ainsi et je la soutiens, comme
si de cela dépendaient
beaucoup des biens du monde,
la suite des quatre saisons,
le chant des coqs, l'amour des hommes.

31-12-1951
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Non pas délibérément, mais à la fois en le voulant, nous devrions vivre le présent de telle façon que le futur soit le plus riche possible de passé.
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Julio Cortázar
"Porque, sin buscarte, te ando encontrando por todos lados, principalmente cuando cierro los ojos..."

"Parce, sans te chercher, je te trouve de tous les côtés, principalement quand je ferme les yeux..."
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Trois ou quatre jours, sans qu'il me dise jamais qu'il veillera à ce qu'il n'y ait pas ce qu'on appelle une agonie, laisser le chien crever lentement, à quoi bon ; je peux lui faire confiance, les drenières pilules seront toujours vertes ou rouges mais dedans il y aura autre chose, le grand sommeil dont je lui suis déjà reconnaissant tandis qu'il reste là au pied du lit à me regarder, l'air un peu perdu parce que la vérité l'a vidé, pauvre vieux.

(Liliana pleurant)
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Si l'on pouvait déchirer et jeter le passé comme le brouillon d'une lettre ou les épreuves d'un livre. Mais il demeure obstinément et entache le texte définitif et je crois que c'est cela le futur véritable.
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C'est drôle, les gens croient que faire un lit, c'est toujours faire un lit ; que donner la main, c'est toujours donner la main ; qu'ouvrir une boite de sardines, c'est ouvrir indéfiniment la même boite de sardines. "Tout est exceptionnel au contraire", pense Pierre en tirant maladroitement sur le vieux couvre-lit bleu.
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LE RECELEUR

Celui qui s'en va de son pays parce qu'il a peur,
il ignore de quoi, peur du fromage avec souris,
de la corde entre les fous, de l'écume dans la soupe.
Alors il veut se transformer, comme un figurant,
les cheveux, pris dans les grilles de la gomina et du miroir,
il les relâche en houppe, il ouvre sa chemise, modifie
les habitudes, le vin et la langue.
Il se rend compte, le pauvre, qu'il se maintient mieux, et il dort
comme une marmotte. Il change même de style et il a des amis
qui ignorent son histoire provinciale, ridicule, casanière.

Par moments il se demande comment il a pu attendre si longtemps
pour s'en aller du fleuve sans rivages, des cols durs,
des dimanches, lundis, mardis, mercredis et jeudis.
Partir à zéro, oui, mais attention :
un même miroir signifie tous les miroirs,
et le passeport dit que tu es né et que tu existes,
et de peau blanche, le nez avec l'arête droite,
Buenos Aires, septembre.

De plus il ne l'oublie pas, cet art est limité à peu de gens,
ce qu'il a voulu, cette soupe d'étoiles et de lettres
qu'il mangera infatigablement
dans de nombreuses tables d'hôtels variés,
la même soupe, pauvre type,
jusqu'à ce que le petit poisson intercostal se plante et dise assez.
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- Ce truc du temps c'est compliqué, ça m'attrape par tous les bouts. Je commence à me rendre compte peu à peu que le temps c'est pas comme une bourse qu'on remplit à mesure. Je veux dire que même si le contenu change, il ne peut entrer dans la bourse qu'une certaine quantité et après ça, adieu.
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ABATTAGE

Cherchez, cherchez, oiseaux...
Jules SUPERVIELLE

L'arbre se changea en main qui chasse des nuages
inutilement tendue vers la lumière au loin ;
sur ses doigts se promenaient de minuscules lézards
qui guettaient entre les feuilles un souvenir obscur.

Des haches l'abattirent, on lui ouvrit la poitrine
à l'aide de crochets, rengaines et paumes baveuses ;
le faîte reposait son oreille sur le sol
enrobé dans sa pluie de grenouilles violacées.

Tombèrent le pin, l'ombu, le mauve eucalyptus,
le peuplier de lait et le saule de douleur.
On les passait la nuit par la scie ou la hache
pour tromper les oiseaux et recenser le bois.

( Les papillons inlassables dans les creux de l'air
de tous côtés cherchaient l'emplacement des feuilles ;
le criquet égaré déambula longtemps
et les oiseaux nichèrent dans l'image disparue ).
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Double invention


Lorsque la rose qui nous émeut
chiffre les termes du voyage
lorsque dans le temps du paysage
s'efface le mot qui dit neige,

un amour nous reconduira
jusqu'à la barque du passage,
et dans ces lèvres sans message,
ton signe ténu s'éveillera.

Je suis en vie car je t'invente,
alchimie d'aigle dans le vent
au ras du sable et la pénombre,

toi dans cette veillée tu animes
l'ombre avec laquelle tu m'éclaires
et le murmure qui m'imagine.


(Crépuscule d'automne, p.179)
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ça, je suis en train de le jouer demain, c’est horrible, Miles, ça, je l’ai déjà joué demain.
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Tu me regardes, tu me regardes de tout près, tu me regardes de plus en plus près, nous jouons au cyclope, nos yeux grandissent, se rejoignent, se superposent, et les cyclopes se regardent, respirent confondus, les bouches se rencontrent, luttent tièdes avec leurs lèvres, appuyant à peine la langue sur les dents, jouant dans leur enceinte où va et vient un air pesant dans un silence et un parfum ancien. Alors mes mains s'enfoncent dans tes cheveux, caressent lentement la profondeur de tes cheveux, tandis que nous nous embrassons comme si nous avions la bouche pleine de fleurs ou de poissons, de mouvements vivants, de senteur profonde. Et si nous nous mordons, la douleur est douce et si nous sombrons dans nos haleines mêlées en une brève et terrible noyade, cette mort instantanée est belle. Et il y a une seule salive et une seule saveur de fruit mûr, et je te sens trembler contre moi comme une lune dans l'eau.
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Il aime les séries concentriques de pensée, les petites séries d'idées à rayons croissants et décroissants. On part du grain de café, de la cafetière qui contient le liquide, de la cuisine qui contient la cafetière, de la maison qui contient la cuisine, du pâté de maisons qui contient...On peut prendre l'image par les deux bouts, par le grain de café qui englobe mille univers ou par l'univers de l'homme qui est un univers dans on ne sait combien d'autres univers et n'est peut-être -il se souvient d'avoir lu cela quelque part- qu'un peti bout de la semelle de la chaussure d'un enfant cosmique qui joue dans un jardin (dont les fleurs sont les étoiles). Ce jardin fait partie d'un pays qui fait partie d'un univers qui est un petit morceau d'une dent de souris prise dans une sourcière posée sur une table dans le grenier d'une maison de banlieue. La banlieue fait partie...C'est un petit morceau de n'importe quoi, mais un morceau petit et l'immensité n'est qu'une pitoyable illusion.
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POLYCHROMIES

Il est incroyable de penser qu'il y a douze ans
j'en ai eu cinquante ni plus ni moins.

Comment pouvais-je être si vieux
il y a douze ans ?

Bientôt il y en aura treize depuis le jour
où j'ai eu cinquante ans. Ça ne paraît pas
possible.
Le ciel est de plus en plus bleu
et toi de plus en plus belle.
Ces preuves ne disent-elles pas
que quelque chose s'est détraqué dans les montres ?
Le tabac et le whisky se promènent
dans ma chambre, ils se plaisent
avec moi. Pourtant
il est incroyable de penser qu'il y a douze ans
j'ai eu deux fois vingt-cinq.
Lorsque ta main voyage sur mes cheveux
je sais qu'elle cherche des fils blancs, un peu
étonnée. Il y en a dix ou douze,
tu auras un prix si tu les trouves.
Je vais me mettre à lire tous les classiques
que j'ai manqué étant vieux. Il faut se dépêcher,
ceci ne tombe pas du ciel, d'ici peu
cela fera treize ans à partir du jour
où j'en ai eu cinquante.
Quand il en fera quatorze, je pense
que j'aurai peur,
quatorze est un chiffre
que je n'aime pas du tout
pour te dire la vérité.

Nairobi, 1976
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La lâcheté tend à projeter sur les autres la responsabilité qu'on refuse.
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C'est toujours la même chose, me voilà heureux de nouveau pouvoir penser que les critiques sont beaucoup plus nécessaires que je ne suis moi-même porté à la croire (en privé) ; les créateurs, eux, depuis l'inventeur de la musique jusqu'à Johnny, sont bien incapables de tirer les conséquences dialectiques de leur oeuvre, de postuler les raisons et la transcendance de ce qu'ils écrivent ou improvisent.
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Comme rien ne les amusait plus que de jouer avec les mots, ils inventèrent, en ces jours-là, le jeu du cimetière. Ils ouvraient le dictionnaire, page 558, par exemple, et ils jouaient avec le hackery, la haquétie, le haquebute, l'hadrotome, l'haceldama, le hadru et le hadur. Mais au fond, ils étaient un peu tristes en pensant à toutes les possibilités perdues à cause du caractère argentin et de la fuite-implacable-du-temps. A propos de pharmacienne, Traveler soutenait que c'était la classe noble d'une nation profondément mérovingienne, et lui et Oliveira composèrent en l'honneur de Talita un poème épique où les hordes pharmaciennes envahissaient la Catalogne en semant la terreur, le piperin et l'ellébore. La nation pharmacienne aux superbes chevaux. Méditation dans la steppe pharmaceutique. Ô impératrice des pharmaciens, aie pitié des talochés, des talonnés, des talamasques et des taillables qui se taillent.
Page 268
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Michel est coupable de littérature, d'échafaudages invraisemblables. Rien ne lui plait tant que d'imaginer des exceptions, des individus hors de l'espèce commune, des monstre qui n'ont pas forcément un aspect répugnant.
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-Au fond, dit Gregovorius, Paris est une énorme métaphore.
Il tapa sur sa pipe, tassa un peu le tabac. La Sybille avait allumé une autre Gauloise et chantonnait. Elle était si fatiguée que cela ne la vexa même pas de ne pas comprendre la phrase. Comme elle ne posait pas précipitamment une question, selon son habitude, Gregovorius se décida à expliquer. La Sybille écoutait comme de loin, protégée par l'obscurité de la pièce et la cigarette. Elle entendait des choses isolées, le nom d'Horacio qui revenait, le désarroi d'Horacio, le vagabondage stérile des amis du Club, les bonnes raisons qu'ils se donnaient pour croire que tout cela pouvait avoir un sens. De temps en temps, une phrase de Gregovorius se dessinait dans l'ombre, verte ou blanche, parfois c'était un Atlan, parfois un Estève, puis un son, au hasard, tournait sur lui-même, s'épaississait, enflait comme un Manessier, comme un Wilfredo Lam, comme un Étienne, comme un Max Ernst. C'était amusant, Gregovorius disait : « Ils sont tous occupés à regarder ces routes babyloniennes, si je puis dire, et ... » et la Sibille voyait naître un Deyrolles resplendissant, un Bissière, mais déjà Gregovorius parlait de l'inutilité d'une ontologie empirique et soudain c'était un Friedlander, un Villon délicat qui réticulait la pénombre et la faisait vibrer, ontologie empirique, des bleus de fumée, des roses, empirique, un jaune clair, un creux où tremblaient des étoiles blanc pâle.
Page 158
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Il n'y a rien de tel que de partager un oreiller. Ça vous éclaircit les idées. Parfois même ça les supprime carrément, comme ça on est tranquille.
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