Ce matin j'aurais aimé descendre la Cinquième Avenue dans un défilé sans fin. Avec les millions d'habitants que compte New-York. Ils auraient déboulé de leurs maisons jusqu'à la Cinquième. Tous au complet. Cette grande armée de loqueteux qui a fait de New-York ce qu'elle est.
Les 400 000 toxicomanes.
La foule des assistés sociaux.
Le million de vieux qui vivent avec 1,15$ par jour.
Les 100 000 malades mentaux qui croupissent dans des meublés insalubres.
Les maîtresses de maison, terrées derrière de ruineux systèmes de verrous de sécurité.
Les 50 000 prostituées.
Les 300 000 ouvriers qui travaillent tous les jours, gagnent moins de 100$ par semaine, et subsistent on se demande comment.
Les riches chassés de leur ville par une population de jeunes chômeurs qui tuent et mutilent à l'aveuglette.
Les noirs et les portoricains qui, terrorisés, vivent dans des rues que les chiens eux-mêmes ont abandonnées.
Les millions de femmes et d'hommes qui acceptent encore de s'entasser dans le métro au lieu de le défoncer de leurs poings nus.
Tous ceux-là, oui. Tous les habitants de New-York qui auraient déferlé de leurs maisons, là où les cauchemars surviennent en plein jour, où les locataires sont avisés de ne jamais entrer dans un ascenseur avec un inconnu, où les filles sont violées dans les toilettes des immeubles d'affaires de la Sixième Avenue pendant leur quart d'heure de pause.
Et aussi ceux des rues de Greenwich, où les voyous tirent sur les passants s'ils leur refusent une pièce de 10cents ou s'ils ne leur donnent pas l'heure exacte ; où les femmes de quatre-vingts ans sont violentées par des gamins de treize.
Tous ces grands loqueteux de New-yorkais qui stagnent dans l'enfer le plus fragile que l'homme ait jamais créé.
J'aurais aimé voir la population de New-York descendre sans fin la Cinquième Avenue et hurler son besoin de vivre, d'être au coude à coude, de défiler sans cordon de police, sans un seul policier armé.
Juste des millions de gens qui auraient marché pour se sentir vivants, pour se montrer, pour ne plus avoir peur.
Juste une manifestation pour avoir le droit de vivre.
La plupart des gens sur terre cessent de réfléchir une fois qu’ils sont sortis de l’adolescence et qu’ils ont eu leur première expérience sexuelle. Nous nous en tirerions beaucoup mieux si nous ajournions les expériences sexuelles jusqu’à la vingt et unième année.
J'ai toujours été frappée que les gens aillent ensemble au cinéma.
Ça me semble une façon si collective de profiter d'un plaisir privé.
Le 14 avril
Harriet me dit que les filles lui ont donné un mois. Après, elle doit recommencer à se droguer.
Le mariage devrait être comme une rivière sauvage et non pas une suite de symposiums sur l'économie du ménage et les habitudes dont on ne peut se débarrasser.
Le corps est de l’électricité. Le cerveau marche à l’électricité. Les électrodes envoient de l’électricité dans le cerveau. L’électricité détruit les circuits qui provoquent la dépression profonde. Personne ne l’a jamais prouvé. Mais les médecins y croient.
Cela devient de plus en plus dur de vivre dans ce monde si personne ne se soucie de savoir si vous êtes vivant ou si vous êtes mort.
La réalité est peut-être plus complexe. A première vue, je crois que nous avons une tendance naturelle à vouloir oublier et que, constamment, nous nous en défendons. Nous en faisons l’expérience, chaque nuit, quand nous nous étendons pour dormir. Je pense que c’est pour ça que nous rêvons. Pour nous assurer que nous pouvons dormir sans crainte.
Une pilule de valium lui suffit pour cacher sa dépression. Pour la grillager au plus profond d'elle-même.
C. M raconte qu’elle va avec un garçon. Elle essaie de se faire faire un bébé. C. M. dit qu’elle ne voit pas d’autre moyen de s’en sortir. Si elle a un bébé, elle peut aller à l’assistance et demander qu’on lui ouvre un dossier personnel. Elle louera une chambre.