- Kale, murmurais-je en avalant la gigantesque boule au fond de ma gorge.
Ma voix me parût drôle, petite, brouillée. Pourvu qu'il me comprenne.
- Tu m'aimes ?
- Tu sais bien que oui, répondit-il tendu.
Je retins mon souffle pour ne pas paniquer. La réalité ne s'effilochait plus seulement sur les bord, elle se fendait en son milieu. Je devais l'empêcher de se déchirer en entier. Encore quelques minutes à tenir.
- Si tu m'aime, tu peux faire quelque chose pur moi, pas vrai ?
Malin, il me regarda d'un œil méfiant.
- Je ferai n'importe quoi pour toi.
- Alors je vais te demandais un service. Seulement tu ne vas pas apprécier.
(…)
- Tu as juré que tu ne le ferais jamais. Moi, je te le demande. Quoi qu'il arrive. Même si c'est difficile. Horrible. Il le faut.
Soudain il comprit.
- Tu as peur de moi ?
Mon rire mourut sur mes lèvres. Que répondre ? Oui, j'avais peur de lui. Il me terrifiait en vérité; mais pas pour les raisons auxquelles il pensait. J’écartai sa main et lui saisis le menton. Après avoir inspiré une dernière fois pour chasser l'angoisse, j'effaçai l'infime distance qui nous séparait.
- Vous avez fait quoi pour vous retrouver sur leur radar?
- Leur radar? répéta Kale. Comme sur un navire?
- Il s 'est enfui, intervins-je.
Alex n'en crut pas ses oreilles. Abasourdi, il me tira par la manche pour m'emmener discuter plus loin.
Aussitôt, Kale bondit près de moi et tendit la main vers Alex.
- Non! hurlai-je. [...] Tout va bien, Kale. Alex était simplement surpris. Pas vrai, Alex?
Celui s'intéressa à mes doigts qui retenaient encore le poignet de Kale.
-Que se passe-t-il à son contact?
Un point pour Alex. En temps normal, si Kale avait voulu le rouer de coups, je ne serais pas intervenue et j'aurai admiré le spectacle. Alex le savait. Je serais même allée chercher du pop-corn.
-La mort, répondis-je en lâchant le poignet de Kale qui en profita pour entrelacer nos doigts.
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Il examina la salle un long moment avant de me taper sur l’épaule et de désigner le premier étage. Une fille menue arborant un bustier en cuir bleu et des bottes vraiment sympas renversait un grand carton par-dessus la rambarde. Telle de la neige argentée, un million de confettis métalliques plut sur la foule. Un geste du poignet et ils se mirent à tourbillonner au-dessus de la piste au rythme de la techno. C’était magnifique.
Gagnée par la panique, je n'osai pas entrouvrir la porte. Mon coeur battait à tout rompre. Rester immobile. Rester immobile. Au bout de quelques minutes, je me détendis un peu. Kale se pencha en avant, écarta les cheveux de ma joue et frotta la sienne contre la mienne. Voilà qui était innatendu. Différent. Innocent. Mais cela ne changea pas ma réaction.
Ils nous isolent, nous cassent. Ils creusent notre cerveau jusqu'à ce qu'ils trouvent ce qui nous permet de tenir puis ils nous l'arrachent. La plupart craquent. Ils cessent simplement d'être et deviennent des armes fabriquées par Denazen. Les autres ne sont que des faibles. En échange de leur humanité, ils obtiennent un semblant de liberté.
"- Je ne m'y habituerais pas, m'annonça-t-il.
- A quoi ?
- A frôler l'explosion chaque fois que tu es près de moi."