JJDA : Kamel Hajaji, l'invité du 23/03/2012
N'attendez pas de tout avoir pour être heureux, tout de même...
Ici. Au cœur de ce quartier pauvre de Tunis. Où je vis. Au cœur de ces maisons pas finies en briques beiges, écorchées de gris. Au cœur de ces toits traversés de pics de fer qui attendent d’improbables constructions du premier étage. Au cœur de ces fenêtres à vieilles persiennes brunes et de ces portes rondelettes cabossées de mosaïque noire. Où je vis. Au cœur de ces palmiers immortels plantés dans le sol divaguant, pimenté de gravillons et de racines peintes à la chaux. Au cœur de cette médina bercée par le souk aux devantures en toile décorées de teintes vives qui se superposent comme un arc en ciel. Au cœur de ses rues ensablées qui se croisent ainsi que dans un labyrinthe…où je vis. Moi, Mohamed. L’enfant de la maison la plus mal fichue des alentours. Celle du rez-de-chaussée, là où la lumière passe mal. A l’ombre de la vie.
Jour J, le grand départ. Au final, y a que mon père qui l'a mauvaise. Il me casse les burnes avec ces histoires qui me regardent pas, le 11 septembre et toutes ces conneries:
- Haich oueldi, fais attention avec ce qui se passe. Et ces peurs qu'ils ont. Ne t'énerve pas, quoi qu'il se passe. Va en cours, décroche ton diplôme et reviens.
- Oui, je ferai attention.
Eh ouais: j'moisis dans un hôpital de fous à me raccrocher à cette Terre salace qui chavire alors que moi, déjà, je suis devenu un ange. Un ange, putain!
J'adore ce titre qui sonne et détonne: Fuck You New York. Ce mélange d'amour passionnel et d'insulte aiguisée, déguisée, jetée à ma face de rabza.
J'ai enfoncé mon bic, l'esprit vengeur dans la dernière page du Bûcher des vanités de Tom Wolfe, l'édition livre de poche avec en couverture, l'Empire State Building méchamment éclairé sur fond vert.