[...] Si on se montre trop dur, on est le flic blanc qui essaie de lécher le cul des patrons noirs. Si on laisse courir, on donne l’impression à des types comme Hanekom qu’ils peuvent continuer quand même. Et aux yeux des patrons noirs, on passe pour un raciste qui n’assume pas.
[...] Ils n’arrêtent pas de répéter qu’on est une nation arc-en-ciel à présent, et que le passé est oublié. Mais ils laissent les criminels nous exterminer les uns après les autres.
[...] Et où est-ce qu’on pourrait fuir ? On ne va pas tous partir en Australie !
[...] On ne déconne pas avec un Boer dans tous ses états. Encore moins quand il agite un fusil.
[...] Une bande de criminels terrorise la communauté juste sous votre nez. Et vous n’avez pas arrêté une seule personne… pas encore une seule. Vous n’avez même pas de suspect. Ils vous font tourner en bourrique. Et à présent, des gens se font tuer… des cambriolages continuent impunément et virent au meurtre et les Blancs extrémistes fomentent un soulèvement. Remettent sur pied les anciens commandos.
[...] Elle l’invita à boire un café à l’intérieur et le bombarda immédiatement de questions :
– Inspecteur, qui a fait ça ? Vous croyez qu’il s’agit des mêmes personnes que celles qui ont déposé ces trucs de sorcier ici samedi dernier ? Pourquoi ont-ils laissé le babouin devant chez Dam ? Vous croyez que ça a un rapport avec Freddie ? Pourrait-il s’agir du sangoma dont parlait Outanna ?
– Écoutez, dit-il, je n’exclus aucune possibilité à ce stade. Mais je continue à penser que vous ne devriez pas rester seule ici. Elle ouvrit la bouche mais il ne la laissa pas parler.
– L’endroit n’est pas sûr. Et personnellement, je crois que ce n’est pas bon pour vous.
[...] – C’est ce pays, Harry, dit-elle, le visage enfoui dans sa chemise. On a tous été abandonnés.
Notre communauté a pratiquement été mise à genoux. Nous fournissons de quoi manger à quarante-huit millions de personnes, mais on nous traite comme des moins que rien, comme une survivance négligeable et irritante du passé. Et l’attitude générale, c’est de dire : laissons-les aux criminels. Laissons ces derniers s’en charger. Comme au Zimbabwe. Des plans ambitieux de réforme agraire, qui en mettent plein la vue, mais les officiels qui sont censés les mener à bien savent à peine lire une recette de koeksister, sans parler de résoudre un problème agricole important. Alors en quinze ans, il ne s’est rien passé, et maintenant on refile le bébé à une bande d’intégristes de la terre, pour qu’ils règlent le problème. C’est ce qui est arrivé au Zimbabwe et c’est exactement la voie que nous sommes en train de suivre.
[...] C’est pour ça que je dis que cette terre est gorgée de sang. Nous avons tous du sang sur les mains.