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3.8/5 (sur 15 notes)

Nationalité : Allemagne
Né(e) à : Zwickau , 1960
Biographie :

Karsten Dümmel est né à Zwickau en 1960. Son engagement en faveur de la liberté d'expression et pour les droits de l'homme ainsi que ses implications dans les cercles de littérature lui vaudront de connaître la prison et d'être la cible de mesures de discipline et de désintégration renforcées de la Stasi. Au printemps 1988, il figure au nombre des prisonniers politiques et «cas difficiles» rachetés par l'Allemagne de l'Ouest.

Chargé de cours à l'université de Tübingen, docteur en rhétorique, il participe depuis 1993 aux commissions fédérales de recherches sur les dossiers de la Stasi.

Il est le Représentant-Résident de la Fondation Konrad Adenauer (KAS) à Dakar.

Auteur et co-auteur de plusieurs publications sur le fonctionnement du ministère de la Sécurité d'État, il a participé en tant qu'expert et témoin à la promotion du film de Florian Henckel Von Donnersmarck, La Vie des autres. Il vit et travaille en alternance entre la France et l'Allemagne.

Le Dossier Robert est son premier roman
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Source : www.quidamediteur.com
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Bibliographie de Karsten Dümmel   (2)Voir plus

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Citations et extraits (10) Ajouter une citation
Les mesures offensives consistant en des entretiens disciplinaires et des convocations officielles ont eu des effets préventifs sur le sujet du processus opérationnel OV Cordon. Son activité hostile a pu être freinée sur une période assez longue. Un des objectifs du processus opérationnel est d’isoler totalement le sujet de ses amis, collègues et famille et de le maintenir en état d’inquiétude permanente. Le but est d’atteindre un degré d’insécurité provoquant chez la cible l’impression qu’elle ne contrôle plus sa vie. De plus, les convocations répétées (au minimum trois à cinq fois par semaine) viseront à pousser le sujet du processus à réagir contre nos mesures, ce dont nous nous servirons pour nous retourner contre lui au motif de retombées passibles de peine.
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Tôt le matin déjà, la tristesse s’emparait de lui, au lever et quand il partait travailler, il était triste au travail et triste en rentrant chez lui. Triste chez lui, car il savait très bien que Maria le savait triste. Et le soir sa tristesse se prolongeait car il savait que le lendemain serait pareil à la veille. Dépourvu de lumière et – sans horizon.
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En octobre de l’année 1949, dans la prison des femmes de Hoheneck / Stollberg, Martha F., condamnée à deux fois vingt-cinq ans de réclusion pour incitation au boycott, mit au monde un garçon qu’elle prénomma Hinrich, sans avoir demandé l’avis de son mari. Quelques jours plus tard, l’aumônier de la prison baptisa le petit de l’accouchée sous ce nom, obtenant ainsi pour l’événement une heure de récréation pour les codétenues des cellules du couloir II, bâtiment A. Quand le père de Hinrich, un maître boulanger d’Anklam qui purgeait dans le même temps sa peine à Brandebourg, eut l’occasion de voir son fils pour la première fois, celui-ci était déjà âgé de quatre ans, un mois et trois semaines. C’était en décembre 1953, dans l’une des dernières semaines de cette amnistie mémorable, dont la réalité ne fut que partielle.
À leur libération de prison et après la réouverture de leur ancienne boulangerie, les parents croyaient désormais pouvoir vivre tranquilles avec Hinrich et couler des jours paisibles dans leur chef-lieu retiré du Mecklembourg, même si les autorités municipales leur interdisaient d’embaucher un compagnon ou un apprenti au motif qu’ils étaient employeurs privés. Tout le monde avait besoin de pain et de petits pains, on se passait de grands discours. Les prix étaient fixés et inscrits sur des pancartes accrochées dans la boulangerie.
Dès l’âge de douze ans, et bien qu’il fût encore très fluet, Hinrich allait chercher la farine avec son père après l’école. Même en hiver, par froid glacial, ils poussaient la charrette à bras dans la neige, avec les trois sacs que le père consommait journellement dans son fournil. Trois quintaux – par jour – six fois trois quintaux par semaine – sept kilomètres, du moulin au fournil. Été comme hiver. Six fois trois quintaux, sept kilomètres.
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Arno demeurait isolé dans son équipe. On parlait peu entre collègues. Ils étaient plutôt sans langue. Les difficultés quotidiennes tenaient closes les bouches comme la fumée échappée du brûleur et les émanations de cendre rouillée dans l’ancienne chaufferie. Le plus souvent, ils s’exprimaient avec des exclamations brèves en lien direct avec le travail. Ce qui manquait, ce qui était utile. Ce qui marchait bien, ce qui marchait mal. Quand ils se mettaient à parler, Arno sentait les relents de WISMUTFUSEL dans leur haleine. Le mauvais alcool qu’ils éructaient au bout des premiers mots se répandait dans la pièce comme une odeur de pommes pourrissantes ou de bière éventée.
L’atelier et la chaufferie respiraient le silence.
Arno avait évité d’appeler le piquet d’incendie. Le numéro d’urgence était inscrit sur un bout de carton. Une feuille quadrillée, perforée avec soin, accrochée de manière visible au-dessus de l’établi avec son étau et sa perceuse. Une punaise faisait office de crochet. Les questions et explications lui auraient fait perdre inutilement son temps, pensait Arno, auraient été dérangeantes. Les choses s’étaient quand même arrangées sans leur intervention. Il avait appelé le dispatcheur pour lui signaler la panne, avait rempli le formulaire selon le règlement et avait agrafé les papiers ensemble. Soigneusement, avec un double pour tous les concernés. C’était tout. Pas de discussion, pas de lamentation, pas d’ennui. Tout était pour le mieux, se disait Arno, comme toujours, comme partout.
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Finalement, il s’en revint vers la banlieue. Il bifurqua dans l’une des multiples rues transversales. Il y faisait sombre. La rue avait été aménagée à la fin du dix-neuvième siècle, comme tout le quartier. Essor industriel, la ville à son apogée. Aujourd’hui, des toits éventrés, des cheminées effondrées, du stuc effrité. Les maisons avaient l’air miteux, délabré.
« Type de construction non solide, logements dépourvus de salle de bains et de WC, bons pour la démolition » avait déclaré le représentant de la municipalité au comité de la ville, il y a des années.
Celui-ci connaissait le quartier par ouï-dire.
Lui par contre aimait l’endroit parce que Maria l’avait aimé. Partout, elle avait vu une magie subtile, avait su trouver du charme à chaque maison, elle s’était engagée dans la conservation du moindre pignon insignifiant, du moindre balcon ou encorbellement, aussi miteux fut-il. À voix haute et à découvert.
Elle avait donné libre cours à sa colère dans des lettres. Appelé à la raison au moyen de pétitions. Avec des amis ou toute seule. Peu lui importait.
Dans ces rues, les magasins avaient disparu depuis des lustres. Plus de commerces, plus de boutiques. Rien que des immeubles de rapport et des entrées de service ; des arrière-cours avec des hangars et des ateliers, des garages ou des bâtiments isolés, à l’écart, remontant au temps de la fondation du Reich.
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Et puis, un jour, quelques semaines plus tard, la rue vit arriver un homme, gentil, émacié et tout pâle, il contrastait avec les autres types en maillots, ne cadrait pas avec la fabrique de réfrigérateurs & machines à glace Mettich ni avec les poteaux pour battre les tapis qui, de fait, incarnaient les buts des futurs championnats du monde de foot. Dans ses yeux, pas la moindre trace de divertissement. Dans ses yeux, on lisait la peur. Qui avait rampé le long de son visage, jusque sous sa chevelure, et siégeait dans chaque pore. Avait gelé en lui, voilà des années. Mais Johanna, la fillette, avait remarqué sa peur, comme elle l’avait remarqué au milieu de tous les autres. Issue du coin de l’œil, craintive. Elle connaissait ce regard chez sa mère. Et Johanna n’avait pas envie d’en savoir plus que ce qui crevait les yeux : un homme jeune d’à peine vingt-cinq ans. Qui se préoccupait de textes et de livres, qui se prénommait Robert et qui vivait avec Maria, elle l’apprit le soir même. Une soirée d’été tiède, semblable aux autres. Sans lune et légèrement fraîchie. Johanna n’arrivait pas à déterminer avec exactitude ce à quoi il occupait ses journées, de quoi il vivait. Dans l’immédiat, cela ne l’intéressa pas.
Et les trois étés qui suivirent furent vides et chauds. Seuls les hivers ficelèrent les années entre elles et gardèrent printemps et automne liés.
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La vieille aciérie était propriété du peuple à l’instar de la rue et du quartier. Seule la ville n’appartenait à personne – elle était déchirée, à l’image du pays et de ses habitants. Reposant encore dans sa peur. Elle ne dormait plus sans pour autant être réveillée. Et cependant elle baignait dans une brume de plaintes tourmentées et de désirs étouffés, de baisers humides et de coups sourds. Un manteau râpé l’enveloppait – usé jusqu’à la corde par le temps. Comme en dehors de ce monde. La ville en avait vu de toutes les couleurs. Destruction, mise à sac et division. Démolition et reconstruction. Adieu et arrivée. Douleur et séparation. Désespoir, trahison parfois – mais de compassion, jamais. Elle avait été maltraitée et violée, et elle s’était soumise en suffocant. Sans cesse, encore et encore. Et ce matin aussi, la ville semblait recroquevillée comme dans des chaînes. Inquiète et nerveuse, à se tourner d’un côté et de l’autre. Encore fortement étreinte par le souffle feutré de la nuit. La ville – Berlin, Berlin-Est – un lundi de septembre, trente et un ans après la fin de la guerre. Six heures vingt-cinq.
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Dans la ville d’Arno, les cimetières étaient différents. Il n’y avait pas de portails sud et nord. Ni au cimetière des Invalides, ni à celui de Sainte-Hedwig. L’accès et la sortie étaient barrés par des guérites et sentinelles. Voie à sens unique – impasse. Tombes et morts divisés comme la ville. De ce côté-ci même les anges refusaient de s’agenouiller. Tout honteux se voilaient la face devant le treillis en métal déployé, le Mur et le fil de fer de mise en garde. Ailes détournées, ils demeuraient dans l’ombre des tilleuls centenaires. Souvenir labouré et enfoui. Commémoration ensevelie. Nulle voix dans le ciel, nul gazouillis au sol, à peine un murmure dans l’herbe. Dans le sous-bois des abris envahis par la végétation. Zone interdite. Attention – Point de contrôle des laisser-passer. Berlin Mitte : Chausseestraße, Oranienburger et Invalidenstraße, Landsberger Allee, puis Ostkreuz, Plänterwald, Karlshorst, Erkner – la ville à l’extérieur de la ville. Et le pays autour. Immensité ouverte sans espace.
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Dans la ville d’Arno, les cimetières étaient différents. Il n’y avait pas de portails sud et nord. Ni au cimetière des Invalides, ni à celui de Sainte-Hedwig. L’accès et la sortie étaient barrés par des guérites et sentinelles. Voie à sens unique – impasse. Tombes et morts divisés comme la ville. De ce côté-ci même les anges refusaient de s’agenouiller. Tout honteux se voilaient la face devant le treillis en métal déployé, le Mur et le fil de fer de mise en garde. Ailes détournées, ils demeuraient dans l’ombre des tilleuls centenaires. Souvenir labouré et enfoui. Commémoration ensevelie. Nulle voix dans le ciel, nul gazouillis au sol, à peine un murmure dans l’herbe. Dans le sous-bois des abris envahis par la végétation. Zone interdite. Attention – Point de contrôle des laisser-passer. Berlin Mitte : Chausseestraße, Oranienburger et Invalidenstraße, Landsberger Allee, puis Ostkreuz, Plänterwald, Karlshorst, Erkner – la ville à l’extérieur de la ville. Et le pays autour. Immensité ouverte sans espace.
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Arno ne luttait plus. C’en était fini. Il ne pouvait plus vivre avec lui-même. Il s’était laissé aller. S’effondrant sans fin au fil des entretiens harcelants qui duraient depuis des mois et qui semblaient ne pas vouloir cesser. Ni aujourd’hui ni demain.
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