Le garçon écarquilla les yeux. Un rat était perché sur l’épaule de Sadima. Tandis qu’un flot ininterrompu de mots de bébé sortait de la bouche de la petite fille, l’animal étira son cou et avança sa truffe vers ses lèvres en mouvement. Sans doute son haleine sentait-elle le grain, pensa Micah. Il se figea, sans savoir quoi faire. La bête s’enfuirait sans doute s’il lui faisait peur, mais il lui faudrait tout de même sauter par-dessus la barrière pour lui donner un coup de pied.
Il avait peur ! J'aurais voulu crier. Il n'essayait pas de faire du mal à qui que ce soit !
La respiration difficile, Sadima détourna le regard. Lorsqu'elle releva la tête, Somiss souriait.
- Donne-moi les clés, dit-il en abattant une main sur son épaule.
- Je les ai égarées. Je les ai fait tomber dans la forêt cette nuit-l...
Il la gifla durement. S'il ne l'avait pas tenue par l'épaule, elle se serait effondrée. Il se pencha ensuite vers elle, si près que ses lèvres frôlèrent celles de Sadima lorsqu'il murmura:
- Donne-moi ces clés, ou la maison et la grange partent en fumée.
Refusant de pleurer, Sadima se tint immobile un long moment.
- Je ne les ai pas.
Sommis la regarda droit dans les yeux puis lui arracha son foulard. Sadima recula, et ses cheveux tombèrent en cascade autour de son visage. Il en enroula une poignée autour de sa main et tira violemment la tête de la jeune fille en arrière.
- J'anéantirai tout et tout le monde ici si tu ne me rends pas les clés.
- Si je les avais, répondit-elle, je vous les aurais déjà données. Vous le savez.
Somiss tira un coup sec sur sa chevelure.
- Je te crois... Et maintenant, il est temps de partir.
- Je veux rester ici, souffla-t-elle.
- Mais tu vas quand même venir, répliqua-t-il.
Je me détournai de la falaise et regardai en direction de la ville. Sur la rive opposée du fleuve, le toit en cuivre de la maison des Eridiens brillait d’un éclat rose orangé dans la lumière de l’aube. Sur les coteaux de Ferrin, les fenêtres scintillaient comme des diamants. J’eu l’idée de me lever, de me pencher très progressivement par-dessus le rebord de la voiture, en faisant semblant de regarder quelque chose…
Je me contentais donc de ces réserves pendant quelque temps.Je pensais constamment à ceux qui mourraient de faim, mais au moins n'étais-je pas obligé de les voir, ce qui était un soulagement bien égoïste.
J’avais l’impression de partager ma chambre avec une chaise. Et encore. Sur une chaise, on pouvait s’asseoir.
Mes pensées se dispersèrent comme des oiseaux apeurés.