Pour porter cette robe, il fallait avoir des formes et de la poitrine, et comme je n'en avais pas elle flottait sur mon ventre et sur mes hanches.
- J'aurais vraiment dû en acheter une, ai-je marmonné en arrachant un fil. Amy ne m'aurait jamais laissée sortir comme ça.
J'ai regardé Kyle dans le grand miroir. Il était allongé sur mon lit, les mains derrière la tête, les yeux fixés au plafond. Avec son costume anthracite, de location tout comme ma robe, il détonnait complètement sur mon dessus-de-lit rose. Il a tourné la tête.
- Tu es bien, de toute façon personne ne remarquera rien.
- Si, Amy.
Kyle a soupiré en se remettant à fixer le plafond.
- Oui, peut-être, mais quelle importance maintenant ?
- Mais...
- S'il te plaît, Mac... Ça va être suffisamment dur comme ça...
Kyle a serré le poing comme s’il voulait frapper.
— Kyle…
— Laisse tomber, c’est pas grave.
— Kyle, pourquoi tu m’évites ?
— Pour t’éviter d’être seule avec un loup-garou.
— Je n’ai pas peur de toi.
Il avait l’air si malheureux que je me suis approchée de lui.
— Kyle ?
— Quoi ?
— Je ne veux pas que tu m’évites.
Et là, je l’ai serré dans mes bras. Je l’ai senti se raidir mais je l’ai serré encore plus fort. Je retrouvais son odeur, celle de la lessive que sa mère utilisait, et le goût de cannelle de ses chewing-gums préférés. Ainsi qu’une senteur nouvelle, plus boisée.
Kyle a fini par poser son menton sur mes cheveux.
— Ça m’a tellement manqué, ai-je murmuré contre sa chemise.
On s’était interdit de se prendre dans les bras l’un de l’autre quand il s’était mis à sortir avec Heather, et cette interdiction avait perduré même après leur rupture.
Il a déposé sur ma tête un baiser qui a diffusé sa chaleur jusque dans mon ventre.
— Pourquoi tu m’embrasses comme ça ?
— Pour ne pas aller plus loin, a-t-il répondu sèchement.
Avec les garçons, il suffisait de dire « trucs de nanas » pour qu’ils ne posent aucune question.
- Qu'es-ce que tu as dit ? Que tu m'aimais ?
Il a rougi.
- Ce n'est pas vraiment le moment. D'autant qu'il faut que nous redevenions amis,comme avant.
Mon cœur allait exploser dans ma poitrine.
- Kyle ?
- Oui ?
- La ferme.
Et je l'ai embrassé.
Un courant d’air m’a saisie et je me suis remise à frissonner. Kyle a reculé, et c’est moi qui me suis approchée de lui. Je lui ai attrapé le menton.
— Ce n’est pas à cause de toi, idiot, c’est juste que le sol est glacé.
Mon cœur s’est mis à battre la chamade : je touchais un loup-garou ! Mais non, voyons, c’était juste Kyle.
— Ça se sent que tu as peur de moi. J’ai un sixième sens, a-t-il ajouté en passant sa langue sur ses lèvres.
— Remarque, il y aurait de quoi ! Alors tu sens tout ? Le jour où j’aurai mes règles, tu le sentiras aussi ?
— Tu peux compter là-dessus. Jason et moi, on repère ça tout de suite ! a-t-il ricané.
Il a appuyé sur la détente. J’ai fermé les yeux en retenant mon souffle, mais au lieu de voir défiler ma vie c’est Amy qui m’est apparue. Puis quelque chose m’a heurtée. Une masse m’a projetée dans les airs, je suis retombée sur le dos et la masse s’est abattue sur moi en m’écrasant le buste. Une matière douce a effleuré mon visage. Quand j’ai rouvert les yeux, j’ai vu un loup au-dessus de moi. C’était Kyle.
Autour de moi, tout s’est évanoui. J’étais comme un papillon épinglé dans une boîte en verre.
Le loup a montré les dents quand Kyle s’est mis devant moi. Il a fouillé dans sa poche et m’a tendu ses clés de voiture et un petit couteau. C’était une plaisanterie : affronter un loup-garou avec un canif ! Autant envoyer un caillou sur un tank.
— Qu’est-ce que tu me veux à la fin ? a crié Jason.
— Oh ! rien ! Tu embrasses ma copine, tu la fais tomber, mais je ne te veux rien !
Je me suis relevée ; ils se fichaient totalement de moi.
— Ta copine ? Comme c’est mignon, a ricané Jason. Et tu vas l’emmener en boîte ? Fais gaffe, parce que les animaux n’y sont pas admis.
D’habitude, Tess soignait ses chagrins d’amour à coups de crèmes glacées, ce qu’elle appelait « le Jugement dernier ». J’avais été témoin de cinq déceptions avant Ben. Les garçons et les circonstances pouvaient varier, jamais les rituels.
— Si on finit découpés en tranches, je te maudirai même après ma mort, m’a glissé Kyle.