Ils continuèrent, encore et encore - Joyeux Noël ! Joyeux Noël ! Joyeux Noël ! - et c'était comme si les mots se transformaient en aiguilles, en aiguilles chauffées à blanc qui frappaient, perçaient, s'enfonçaient dans son cerveau, joyeux Noël, joyeux Noël, joyeux Noël, de plus en plus profondément au point qu'il eut l'impression que son crâne allait exploser. Et lorsque le lutin suivant ouvrit la bouche, le Père Noël tendit le bras, l'empoigna par le cou et, avec un grognement bestial, resserra sa prise de toutes ses forces. Il étrangla la voix, étouffa les paroles, puis le lutin se mit à râler et à gigoter. Son bonnet glissa de sa tête, ses sabots s'entrechoquèrent, ses yeux menacèrent de sortir de leurs orbites, ce qui eut pour seul effet de le faire serrer encore plus fort.
Des lutins. Des lutins partout.
Certains étaient crucifiés, d'autres suspendus à des gibets ou plantés sur des pieux, d'autres encore se balançaient au bout d'une corde. Jeunes et vieux, hommes et femmes. Voilà où étaient passés les vautours. Ils profitaient du festin. La neige était ensanglantée, les mouches tournoyaient autour des visages figés.
Des morts. Des morts partout. Des corps torturés.
Exposés....
Désormais, ils distinguaient les kallikantzaros. Constataient qu’ils étaient dangereusement près. A une trentaine de mètres d’eux, tout au plus.
Ils voyaient aussi ce qu’ils avaient accroché à leurs ceintures.
– Oh, mon Dieu, murmura Aruld.
Des têtes de lutins, par centaines, en guise de trophées.
C’était trop absurde, trop grotesque. Quelques instants plus tôt, le Père Noël n’était rien d’autre qu’un personnage imaginaire, qu’un personnage de conte pour enfants auquel ils ne croyaient plus depuis le CP, lorsque Frederick avait entendu un camarade de classe dire que le Père Noël avait été inventé par les parents pour obliger leurs enfants à être sages.
Et puis, soudain, voilà qu’ils apprenaient que le Père Noël existait vraiment, qu’il était réel. Et qu’on l’avait assassiné.
Cela dit, j’ai l’impression d’avoir atterri dans un conte de Noël complètement déjanté. Le genre qui est interdit aux enfants et dont l’auteur est complètement barré dans sa tête…
Écoute.
Tu l'entends ?
Tu la vois ?
Tu la sens ?
Tu le devrais. Car elle est partout. Elle grouille, bouillonne, chante ! Vieille comme le monde, mais toujours aussi turbulente qu'une enfant. Elle est profondément ancrée dans ces murs massifs, coulée dans les fondations, invisible à l'œil nu. Et cependant elle est bien là, rien ne lui echappe, ni le moindre mouvement, ni le moindre jour, ni le moindre sourire.
La magie.