On ne pouvait pas dire qu’il buvait, il n’avait jamais vraiment bu, mais je m’attendais quand même à ce qu’il rentre ivre à la maison, ou en tout cas avec un coup dans le nez. Joyeux, quoi. En chantonnant, en sif otant, bref, comme ça le prenait de temps en temps. Quand la porte s’est ouverte, je ne dormais pas, il était minuit et demi. J’ai un radio-réveil, le vieux de maman.
J’ai guetté les bruits qui, normalement, allaient suivre : il allait balancer ses chaussures, faire cliqueter les cintres en accrochant son manteau, peut-être se racler la gorge, ensuite il irait dans la petite salle de bains se brosser les dents, passer aux toilettes, tirer la chasse d’eau, ce genre de trucs.
Or tout était calme.
Ma grand-mère maternelle est morte l'an dernier, mon grand-père maternel est mort quand j'avais quatre ans. Ma grand-mère maternelle est morte quand j'avais douze ans. Et mon père est mort la semaine dernière. Aujourd'hui, il ne me reste plus que ma mère. Et mon grand-père paternel mais il vaut pas tripette.
Il gagnant bien sa vie, j'avais l'impression qu'il l'a gagnait même de mieux en mieux.
Il disait toujours :
- On a les moyens, on a les moyens, on a les moyens.
Notre mère avait les moyens de que dalle, il lui payait pile ce qu'il était censé lui donner, pas une couronne de plus. Je le savais, je lui avais posé la question vu qu'elle était toujours à sec.
- Les anges, ça n'existe pas, a dit mon père. Il n'existe que des être humains qui font les andouilles, commentent des erreurs, mais qui trouvent une solution et remontent en selles, c'est comme ça la vie.
Redevenir de bons amis et partager quelque chose. La nourriture par exemple.