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3.29/5 (sur 63 notes)

Nationalité : Danemark
Né(e) à : Nykobing Falster , 1960
Biographie :

Knud Romer a étudié l’histoire littéraire comparée, se spécialisant en histoire de la mentalité et en théorie de la fiction.

Concepteur-rédacteur pour des agences publicitaires, il a également été interprète dans les films Les Idiots de Lars von Trier et Allegro de Christoffer Boe. De plus, il a fait publier de nombreux traités culturo-historiques sur des sujets aussi diversifiés que les pastilles de menthe et le suicide autoérotique.
Pour Cochon d’Allemand, Knud Romer a reçu The Danish Booksellers’ Golden Lauels, le prix BG Bank Debutant et le Weekendavisen’s literary Prize.

Source : lekti-ecriture.com
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Knud Romer : Cochon d'Allemand
Dans un salon de la Cité internationale universitaire de Paris dans le 14ème arrondissement, Olivier BARROT présente le livre de Knud ROMER "Cochon d'Allemand" dont il lit un extrait. Dans ce récit autobiographique à l'humour grinçant, l'auteur raconte son enfance douloureuse au Danemark. Programme illustré par des images de Knud Romer filmé.

Citations et extraits (21) Voir plus Ajouter une citation
Le matin, le soleil entrait par la fente des rideaux, traversait la pièce tel un tigre et me léchait la joue. Je me réveillais toujours avant qu'il me dévore ; il disparaissait aussitôt, mais je l'entendais mugir dehors. Je croyais dur comme fer que des tigres et des lions se promenaient dans les rues, parfois je croyais entendre d'autres animaux encore - des babouins, des perroquets -, et la haie qui entourait notre maison avait précisément pour fonction de tenir à l'écart les bêtes sauvages, exactement comme dans Pierre et le loup.
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L'ile de Falster était située, en fait, au-dessous du niveau de mer ; elle n'existait donc que dans l'imagination des gens qui s'obstinaient à y croire. Et quand ces gens-là ne pouvaient plus se tenir debout et se couchaient pour dormir, l'eau montait tout doucement, passait par-dessus les digues et inondait les champs, les bois et les villages, qui redevenaient une partie de la Baltique. Eveillé, posté près de la fenêtre, je la voyais venir : le jardin se remplissait d'eau, des poissons nageaient entre les maisons et les arbres ; la ville de Nykobing traversait la nuit, tel un paquebot de croisière. Le ciel grouillait d'étoiles de mer, et bercé par mes propres histoires, je finissais par m'endormir. Le matin marquait le début de la marée basse : le niveau d'eau baissait, elle se retirait, pendant que les habitants se réveillaient dans leurs lits, se levaient et employaient la nouvelle journée à se convaincre les uns les autres qu'ils existaient, que l'ile de Falster existait, que tout cela était bien marqué sur la carte. La ville sentait la mer et le poisson, les rues étaient parsemées d'algues et de méduses, il m'arrivait d'y ramasser un coquillage ou un oursin que je rangeais dans le tiroir contenant mes autres preuves de l'existence de l'Atlantide.
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J'adorais la cuisine de ma grand-mère, son Wienerschnitzel, son émincé de veau aux pommes de terre sautées et surtout son goulasch, que j'aimais par-dessus tout. Elle s'affairait à la cuisine parmi de vieilles cocottes et de grands couteaux, la viande et l'oignon crépitaient dans la poêle. L'air saturé d'épices, de paprika, de cannelle, de poivre chatouillait les narines ; les vapeurs qui montaient de ses marmites répandaient des effluves incomparables. Impossible de ne pas y tremper le bout du doigt, et lorsque enfin l'heure du repas arrivait et que le goulasch était servi, l'univers explosait en sensations gustatives qui pénétraient jusqu'aux tréfonds de l'être et s'y imprégnaient à jamais. On avait le sentiment d'avoir accompli un grand voyage, un périple de plusieurs années ; puis on se retrouvait à nouveau dans la pièce, la tête en feu - et on prenait encore un morceau.
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Je parcourus à bicyclette les quinze kilomètres jusqu' aux marécages au fond de la forêt de Hannenov. Le crépuscule s'épaississait, l'eau devenait noire et lugubre. Soudain, je les aperçus dans les buissons : les lucioles ! Je les ramenai à la maison, et quand tout fut prêt, j'invitai grand-mère à venir à la fenêtre. Dehors, les lucioles scintillaient dans l'obscurité comme des étoiles, formant sur la pelouse une constellation, celle d'Orion. Nous restâmes longtemps à les regarder. Petit à petit, elles se mirent à déserter l'endroit, les contours de la constellation se délavèrent, elle finit par disparaître. Tendu dans mon attente, je coulai un regard vers grand-mère : le comble du bonheur consistait à l'entendre dire « Ich bin so gerübrt. »
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(à la mort de sa mère)
Je finis par me décider à composer un faire-part moi même, sans le consulter, et réfléchis longuement à ce que j'allais y mettre.
A la fin j'écrivis trois petits mots au-dessous de son nom et des dates de sa vie, trois mots qui devaient remplacer tout le reste :
"O süBes Lied" ô douce chanson.
C'était une citation de Liebeslied de Rilke, un poème où il est question d'un archer qui fait résonner deux cordes d'un violon en les unissant en un seul ton : la musique la plus pure, la plus simple, la plus innocente.
C'était aussi clair qu'une fenêtre bordée de noir.
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[...] ... Lorsque nous franchissions le seuil de l'épicerie qui se trouvait à Enighedsvej, un soudain silence s'instaurait, les gens nous regardaient, puis nous tournaient le dos. Nous prenions place dans la queue qui devenait de plus en plus longue, notre tour ne venait jamais. Mère disait "pardon", faisait parfois un signe de la main pour attirer l'attention, n'y parvenait jamais - jusqu'au moment où les vendeuses ne pouvaient plus se retenir de pouffer et, en échangeant un regard avec les clients, se tournaient vers mère : "Vous désirez ?"

Mère demandait un pain blanc, un pain de seigle, un litre de lait entier et un paquet de beurre. Elle parlait nerveusement, avec un fort accent ; on lui refilait du lait qui avait tourné, du beurre rance, du pain rassis et on la trompait sur la monnaie ; mère baissait la tête, disait "merzzi beaucoup" et "exguisez-moi," et nous sortions pour ne plus y remettre les pieds. Nous nous rendions chez Bengtsen dont la boucherie se trouvait au coin de Grønsundsvej, traversions le pont viaduc pour passer chez le marchand de fruits et légumes, Østergade, au Café Jeppesen, Slotsgade, et le même scénario se reproduisait chez chaque commerçant.

Ainsi faisions-nous nos tours quotidiens dans une ville qui nous tournait le dos ; nous voyions tout de dos, avions toujours affaire à des gens qui s'écartaient, puis s'éloignaient, chaque fois que mère les abordait. Ils regardaient dans une direction opposée, leurs boutiques étaient fermées, leurs marchandises épuisées, leurs chaises déjà prises ; à la sortie de la messe de Noël, le pasteur refusait de nous serrer la main. Nous étions seuls dans le monde, mère tenait ma vie dans ses mains, et je tenais la sienne, en trottinant à ses côtés pendant que nous allions jusqu'à la Grand-Place, puis faisions tout le trajet de retour.

Une fois rentrés, la porte fermée, nous nous sentions en sécurité, soulagés. Mère accrochait [son manteau d'ocelot] dans le placard et rangeait les achats dans la cuisine. Puis elle se versait un verre de vodka, passait au salon et mettait un disque. Elle allumait un cigarillo, se rejetait en arrière sur le canapé, soufflait la fumée, et pendant le reste de l'après-midi elle faisait la fête, pour elle-même, en écoutant Zarah Leander, Marlene Dietrich, Heinz Rühmann et d'autres airs à la mode dans les années trente. Elle rêvait de Berlin. ... [...]
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[...] ... Quand enfin [ma tante] réussit à dégoter un mari, il était trop tard. Heinrich Jaschinski, dont la famille, originaire de Stettin, avait perdu tous ses biens, l'avait épousée à cause de son argent, pour pouvoir faire des études supérieures. Tout le monde le savait, y compris tante Ilse ; et tous les deux allaient en souffrir. De plus en plus acariâtre, elle serrait toujours plus fort ses lèvres et le noeud de son chignon, laissait croître la verrue qu'elle avait au menton, mettait trop de sel dans ses plats, terrorisait les enfants, et gâchait l'ambiance chaque fois qu'une occasion se présentait. "Ach, Ilsekind", petite Ilse, soupirait grand-mère. Nul n'y pouvait rien : la petite Ilse continuait à rudoyer les gens, à répandre des calomnies derrière leur dos et à faire des scènes à son époux. Elle gratouillait le canari, qu'elle appelait "mon coco", et sa voix était aussi sèche que le biscuit qu'elle lui donnait à manger.

Chez les Jaschinski, il y avait plus de règles à suivre que dans l'algèbre, et mère me les faisait répéter bien à l'avance, m'instruisant de ce que je devais ou ne devais pas faire et comment je devais me comporter. Je me présentais en costume-cravate, je disais "oui, tante Ilse" et "merci, Dr Jaschinski" ; l'essentiel consistait cependant à ne pas énerver le canari, c'est pourquoi il fallait éviter tout vêtement de couleur jaune, car cela l'excitait. L'oiseau, dans sa cage, ne pipait mot ; moi, j'attendais le moment propice et, dès que tante Ilse quittait la pièce, je sortais un mouchoir jaune, l'agitais et me mouchais avec - et le volatile entrait en furie. Il se mettait à pousser des cris, il s'égosillait, il était hors de lui ; le teckel gambadait autour de la cage, aboyait et mordait le tapis. Ilse nous raccompagnait, pestant et jurant, je tendais la main à son mari en murmurant "je m'excuse", et je voyais un petit sourire se dessiner sur ses lèvres. ... [...]
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Tous savait qui j'étais, on venait de le leur apprendre : j'étais un cochon d'Allemand, fils de "Mme le directeur", une nazie qui puait l'arrogance. Je passais la quasi totalité du temps au centre d'un cercle formé par des garçons et des filles qui me bousculaient, me crachaient dessus et scandaient des injures.
Le plus pénible était de les entendre insulter ma mère.
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Pendant toute la journée, j'avais été le cochon d'Allemand, obligé de me cacher pendant la récréation, car tout - mon casse-croûte, mon vélo, ma tenue - servait de prétexte pour rire, même son prénom (celui de sa mère) leur semblait ridicule et ils bêlaient : " Hilde-gard ! Hilde-gar!".
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Nykobing Falster est une ville si petite qu'elle se termine avant même d'avoir commencé.
Quand on est dedans, on ne peut pas en sortir, et quand on est dehors, on ne peut pas y entrer.
Dans les deux cas, on se retrouve du mauvais côté, et la seule preuve de son existence est l'odeur qui imprègne les vêtements : en été ça sent les engrais, en hiver la betterave à sucre.
C'est à cet endroit que je naquis en 1960, et c'était la façon la plus sûre de ne pas exister du tout.
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