Citations de Lao She (190)
Je me sens toujours plus chez moi lorsque j'évoque le passé que lorsque je dépeins le présent.
Décidément, il suffit de craindre que quelque chose n'arrive pour que ça vous tombe sur la tête.
Même enrobées de sucre, les paroles de consolation sont amères.
A l’horizon grisâtre, perçait une lueur rouge. Les arbres, au loin, paraissaient plus noirs. Peu après, le rouge et le gris se mêlèrent ; le ciel devint couleur de raisins mûrs, avec par-ci par-là, des taches gris-violet et d’autres franchement rouge. Un point d’un jaune brillant se forma bientôt à l’horizon, donnant naissance à toute une gamme de couleurs chatoyantes. L’orient tourna au carmin, tandis que le reste du ciel virait au bleu. Soudain, les nuages s’ouvrirent, laissant le soleil darder mille rayons d’or. Une vraie toile d’araignée, tissée de lumière. Les champs, les arbres, les herbes passèrent du vert sombre à l’émeraude scintillant. Les branches de sapin se teintèrent de rouge et les ailes des oiseaux étincelèrent. Tout souriait. Devant le spectacle de cette aurore grandiose, Siang-tse eut envie de pousser des cris.
Les japonais qui étaient pourtant des bâtisseurs émérites n'avaient malheureusement pas remarqué qu'ils bâtissaient sur du sable.
Quand on est corbeau et qu'on vit parmi les corbeaux, il vaut mieux avoir un plumage noir plutôt que blanc.
page538
M. Guan avait une méthode bien à lui pour se faire des amis, consciente ou inconsciente. Il était toujours très cordiale avec les plus récents, certainement parce qu'il s'agissait là d'amitiés tout à fait intéressées, mais une fois le premier enthousiasme passé, cette cordialité disparaissait petit à petit, comme un petit pain cuit à la vapeur refroidit aprés être exposé au vent
Dans le garage, il s'était fait, malgré sa nature taciturne, quelques amis. Une oie sauvage, même si elle ne cacarde pas, recherche tout de même la compagnie de ses semblables.
«... sans mensonge, il n'y a pas de civilisation. Mentir est pour l'homme le plus noble des arts. Nous remettons tout en question sauf une chose : le mensonge est partout. L'histoire n'est que la transmission de mensonges. La presse n'est qu'une machine à diffuser le mensonge. Celui qui est doué pour le mensonge est le plus heureux des hommes car savoir mentir, c'est posséder la sagesse. Réfléchissez bien : au cours d'une journée, si on n'avait pas fréquemment recours au mensonge, combien de fois faudrait-il se battre? Et n'en va-t-il pas même dans la vie conjugale? Comment, sans l'aide du mensonge, un homme et une femme pourraient-ils se supporter pendant douze heures? [...]»
(dans «L'homme qui ne mentait jamais»)
Les hommes de talent sont rares, mais encore plus rares sont ceux qui savent les reconnaître.
(dans «Vieille tragédie pour temps modernes»)
C’est ainsi qu’une femme qui n’était jamais sortie de Peiping, au cours de ces années de tourments et de privations, se forgeait un caractère déterminé, courageux, responsable et que vaguement elle entrevoyait montagnes et océans. Son esprit s’était considérablement ouvert, son univers limité aux quatre murs de la cour se déployait vers ces paysages grandioses qui étaient peut-être son pays.
Page 232
La prison est l'endroit idéal pour vous convaincre que l'humanité ne s'améliorera jamais.
Or, seule l'amitié entre les nations peut servir de base à la découverte d'une culture, la paix ne peut régner dans le monde que si les nations cherchent à se comprendre et se respectent.
La beauté de la rhétorique peut parfois faire oublier la laideur de la réalité.
Les gens se disent rarement toute la vérité, et un visage de femme qui rougit exprime quelquefois plus de choses qu'un long discours. Le Veinard lui-même comprit la pensée de petite Joie. A ses yeux, elle était la plus elle fille du monde, car sa beauté venait de l'intérieur.
Page 291
Et il sentait son cœur se serrer comme jamais auparavant. Il avait l'impression de voir en Petit-Cheval son propre passé, et dans le vieux son avenir. Chose étrange : lui qui n'avait jamais dépensé un sou à la légère, il était à présent tout heureux d'avoir acheté d'un coup dix brioches à ces deux êtres.
Les personnes insignifiantes aiment que leurs actes soient bruyants.
Dans cette cour misérable, habitaient une huitaine de familles. La plupart n'occupaient qu'une pièce. Ils s'entassaient à sept ou huit dans un sombre réduit. Ces pauvres gens faisaient toutes sortes de métiers : tireurs de pousse, colporteurs, domestiques, etc. Ils trimaient à longueur d'année pour assurer leur bol de riz.
Il y a dix-neuf ans que j'ai écrit cette histoire. A travers elle, j'ai voulu exprimer ma sympathie pour le peuple travailleur et mon admiration pour ses solides qualités, mais je ne laisse entrevoir aucun avenir pour lui, aucune issue. Ces pauvres gens vivent dans la misère et ont une fin pitoyable. C'est qu'à l'époque, je n'étais capable de voir que la misère de la société et non l'espoir de la révolution ; je n'avais pas assimilé les vérités révolutionnaires. D'autre part, à cause de la censure rigoureuse de l'époque, j'évitais soigneusement de dire que les pauvres doivent se révolter. Peu après la parution de ce livre, j'entendis de la part des travailleurs des commentaires de ce genre : « Ce livre nous montre vraiment trop misérables et dépourvus de tout espoir ! » J'en ressentis beaucoup de honte.
Postface, page 335
Le chemin est semé d’embûches, mais l’homme a un cœur qui bat. Il doit lutter tant qu’il n’est pas dans un cercueil.