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Citations de Laurent Graff (64)


Seul un silence soumis, expression de la vanité et de l'impuissance, peut être utile. Un silence qui ne cherche pas à être compréhensif, un silence qui n'a pas de destination, un silence dans le vide, un silence parce qu'il n'ya pas de mots. Mais un silence comme une main sur l'épaule, pudique, humble, humaine.
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"La mer. Un homme face à la mer contemple toujours son destin. C'est un rendez-vous d'entretien. Une salle de bains sans murs, avec un miroir si lointain qu'il nous fait tout petit. On se lave l'âme à grande eau, à grand ciel et à grand vent. On a les yeux qui pique d'infini. La bouche qui parle le vent. Les oreilles qui entendent le fond de l'air. La peau qui vieillit sur les os. Un homme face à la mer se met dans la balance. ça penche toujours du côté de la mer. Il se retient à la balustrade de sa vie. Puis il rompt le face-à-face, repousse la bouteille d'océan sur le comptoir de l'horizon. Il a son compte."
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"Ils sont tous là. Parents, frères et sœurs avec leur progéniture, réunis pour fêter notre "changement de dizaine", nous aider à franchir le "cap". Alors, frangin, ça fait quoi de vieillir.
On est à la moitié de sa vie, selon les statistiques. Notre vie est une équation sans inconnu, comprise entre le zéro et quatre-vingt ans, toute tracée, ordonnée, s'inscrivant dans un plan. Naissance, enfance, adolescence, accouplement, reproduction, vieillesse, mort. L'existence est une science exacte. Tout autre considération relève de la littérature - ce qui fait de l'homme, note-t-on, un animal foncièrement littéraire. (C'est toujours comme ça, le jour de son anniversaire - la solennité du jour, peut-être -, on éprouve le besoin de philosopher, d'émettre des idées larges et considérables.)
À l'invitation de la maîtresse de maison - à vos pupitres ! -, tout le monde passe à table et aux aveux : on est là pour bouffer, et c'est tout ce qui nous intéresse. Le calvaire des enfants commence alors, tenus d'assister d'un bout à l'autre à l'interminable repas de famille, aux discussions insipides et aux discours vaseux, aux dernières blagues des adultes. Par moments, tête baissée dans son assiette, on retombe en enfance, on aimerait aller jouer ailleurs. On se bourre de cacahouètes et on reprend un apéritif, un petit "cinquante pour cent", correspondant à peu près à notre participation. On donne bien de-ci de-là son opinion sur la question en cours, quelques mots de ponctuation qui n'ajoutent rien, simplement pour ne pas passer pour un ours trop mal léché. Mais en réalité, on est en retrait, légèrement décalé, derrière la caméra, et on filme le spectacle qui se joue, alternant gros plans impitoyables et vues d'ensemble, un vrai massacre. Là est toute la source secrète de nos maux, cet oeil assassin porté en permanence sur nous-même et ce qui nous entoure, cette distanciation qui nous empêche d'y croire et de vivre en adéquation, cette mise en perspective théâtrale de la vie, ce regard cynique et absolu, constant. La réalité perd tout crédit et devient une vaste comédie absurde.
"Comment?" La femme qui joue l'épouse s'adresse au mari : "Tu peux débarrasser les bouteilles d'apéritif?" "
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Il faut jouer le jeu si on ne veut pas être exclu . Peut importe que les règles nous déplaisent ,elles sont imposées par le genre humain, c'est comme ça et il n' y a pas à discuter;on doit s'y plier et prendre son mal de dos en patience.L'erreur est de s'obstiner à discuter et à renier les règles ;la faute est dès lors de s'y conformer et de vivre dans le mensonge.
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Chaque photo était une tentative pour la retenir, mais aussi un acte éminemment mortifère, qui la précipitait vers la mort. Je la voyais déjà d'un point de vue post mortem, de l'oeil du survivant qui fait sa provision d'images souvenir pour ses soirées d'hiver.
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Eros se leva et sortit la tête par le toit ouvrant. Au moyen de son téléphone portable, il visionna sur écran le paysage qui défilait, comme s’il ne pouvait pas voir de ses yeux sans passer par un filtre. Je me rappelai le temps où, moi aussi, je m’abritais derrière un appareil photo, préférant à la réalité immédiate, la mise en image de cette réalité, comme une mise à distance, une prise de recul. Combien de fois j’ai porté à mes yeux mon appareil pour me cacher d’un spectacle que je ne savais voir ? Derrière chaque photographe, il y a, en fin de compte, un grand timide qui a peur d’être au monde nu et désarmé. Les appareils ressemblent à des masques, des loups de bal costumé, derrière lesquels on se dissimule. Les photos sont des actes manqués, des paroles sous silence, des baisers refoulés, des sourires figés, des yeux qui se ferment.
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J'aime l'humilité du camping. N'avoir pour demeure qu'une toile de tente tenue par quatre piquets, ondulant au vent, se creusant sous le poids de la pluie ; sentir toute la précarité de son abri ; dormir au contact de la terre et endurer ses imperfections ; vivre à l'étroit et en faire un univers ; ne rien posséder et avoir le monde à portée de main ; à tout moment pouvoir plier bagage et prendre la route ; trôner dans son pauvre refuge au milieu de la vastitude et se délecter de sa petitesse effrontée. (p.74)
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Cela dit, l'ennui n'a jamais été un problème pour moi : j'aime l'ennui. J'y vois une forme de vie dépouillée très suave, un climat clément pour l'âme, un hamac suspendu aux palmes du temps. L'ennui et l'autoroute s'accordent parfaitement pour inoculer une douce monotonie, comme un fil fin pénétrant le chas de l'esprit, et apaiser nos consciences tourmentées. Quand d'autres s'irritent, s'impatientent, gesticulent, moi je me laisse envahir avec délectation par la lassitude. (p.42)
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Derrière chaque photo, par-delà le plaisir et la joie, il y a la peur, peur du temps qui passe, de sa fugacité, peur de voir puis ne plus voir,vivre puis ne plus vivre, avoir vécu et n'en avoir nulle trace démonstrative, nul souvenir tangible; derrière chaque photo, il y a la peur de mourir, et la preuve de notre mort
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Elle avait des cheveux qui emprisonnaient le vent, des yeux qui parlaient avec les mains, des mains qui cueillaient des fleurs partout où elles se posaient. Il était tombé amoureux.
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Je n'ai pas beaucoup voyagé dans ma vie. Je n'ai, par exemple, jamais pris l'avion. Avec mes parents, nous restions dans les limites du territoire, sans franchir les frontières. Par la suite, je n'ai pas éprouvé le désir d'aller plus loin. Soit on fait le tour du monde, soit on regarde le monde tourner. Au final, on voit la même chose. J'ai tendance à penser que les voyages ne sont que des illusions fatigantes et astreignantes, réclamant beaucoup d'énergie et une adhésion sans faille. Je n'ai pas cette soif d'horizons, cet appétit forcené de terre étrangère , de dépaysement. Le décor change, mais en vérité on n'a pas bougé. Où qu'on aille, on suit toujours la même route. Celle qui nous porte.
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- Je préfère vivre en humain et en mortel plutôt qu'en reclus soumis.
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Nous étions à la fois dans 1984, avec les drones de surveillance traquant les personnes qui défient les règles du confinement, et dans La Ferme des animaux avec la résurgence de la faune et le remplacement des hommes.
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La routine, je vous comprends, a mauvaise presse. Elle est synonyme d’ennui, de stérilité, de petite mort. On l’évite, on la fuit, on la combat. La nouveauté est le maître mot. La vie est faite de changement et d’innovation. L’école adverse va rechercher en toute chose la pérennité et la permanence, garantes de vérité. Ainsi est écarté tout ce qui est de la vicissitude. Ne doit subsister que l’essentiel, qui se définit en quelque sorte, par l’élimination de ce qui ne l’est pas. Ici, ce qui nous occupe est un peu différent et se démarque de ce dualisme. Il s’agit ni plus ni moins de résilier le temps. Et l’éternité ne connaît pas d’ennui.
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Laurent Graff
Terre à perte de vue. Je vais aveuglément au fil de mes pas couturiers, taillant la route un décolleté d'horizon.
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Laurent Graff
Je me souviens d'une parole assez malheureuse du commandant Cousteau, qui disait sans détours qu'il y avait trop d'hommes sur Terre, qui'il faudrait réduire la population de la planète de moitié pour que celle-ci puisse perdurer dans de bonnes conditions.
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Laurent Graff
Daniel, le gendarme, est venu discuter un brin dans l'après-midi. [ ...] Il a laissé son radar sur le bas côté de la chaussée, comme un pêcheur laisse traîner sa ligne, le temps de faire une balade.
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"une île est une terre d'inclusion : on en est. On peut tenter de résister, de se soustraire par orgueil : peine perdue. Elle nous détient. Dès lors que du bateau on a débarqué, on s'est embarqué sur l'île. On est libre de partir mais pas de rester."
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"En attendant, loger au Ritz ? Trop bruyant. On entend les téléphonages, l'eau des bains couler, les coliques des uns, les pipis des autres. Jacques Porel lui propose un appartement au quatrième étage de l'hôtel particulier de sa mère, 8 bis, rue Laurent-Pichat, près de l'avenue Foch, non loin du Bois hélas, d'où rhume et fièvre des foins à la clé. L'actrice occupe le deuxième étage, son fils chéri le troisième avec sa jeune épouse et leur bébé âgé de quelques mois ; le quatrième est en principe réservé à la fille, Germaine, mais celle-ci en Amérique, le voici disponible. Un hideux meublé, mais c'est en attendant mieux. Cet appartement se révèle au moins aussi bruyant que le Ritz, en moins confortable, et tout aussi cher. Là aussi, les cloisons semblent minces. Les voisins font l'amour tous les jours avec une frénésie dont Proust est jaloux. La première fois, il a cru à un assassinat. Mais il a dû se rendre à l'évidence. Il aurait préféré, tout compte fait, un assassinat. C'est toujours embêtant d'être exclu d'un bonheur."
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Rien n'a existé,notre vie n'est qu'un mirage dans le désert qu'on s'apprête à traverser.
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