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Citations de Laurent Graff (64)


Cependant, on a beau se couper les veines, l'argent reste le sang du monde. Il est en chaque chose, il circule, fluide, immatériel, empruntant toutes sortes de réseaux, contaminant tout ce qu'il atteint, imposant sa marche.
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J'ai fait de ma maison une sorte de casque intégral. Je regarde la rue par la visière de la cuisine.
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Les photos sont des actes manqués, des paroles sous silence, des baisers refoulés, des sourires figés, des yeux qui se ferment.
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Il y a des bouches qui se fanent
  
  
  
  
Il y a des bouches qui se fanent de s’être fermés.
Quand elles sont associés à de beaux yeux,
il se creuse un regret dans le visage.
À la dame loueuse de vélos,
commerce pas très florissant.
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Je suis triste pour Calo. En quinze ans, c'est le seul collègue avec qui j'ai vraiment sympathisé. Avant de travailler à la SANEF, il était à la DDE. Il s'est fait virer pour vol de panneaux. Il a toujours eu la passion des panneaux, depuis tout petit. A dix ans, il connaissait par coeur le code de la route. Il a d'abord collectionné les panneaux en modèles réduits. Il les rangeait soigneusement par familles dans une vitrine fermée. Pour compléter sa collection, il en fabriquait lui-même, en carton ou en bois léger, du plus courant au plus rare, depuis l'universel Sens Interdit jusqu'à la traversée de kangourous des bords de route australiens. Parfois, il s'essayait à la création de panneaux inédits, comme le Danger, Risque de SDF, ou le Parking Souterrain Réservé aux Femmes
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Elle ne viendrait pas. Beck s'était rassis et se tapait un croûton de pain rassis comme on se ronge les ongles. Le pain craquait sous la mâchoire, puis croquait sous les dents comme du corail. Il n'avait rien à déclarer, n'éprouvait aucun sentiment précis, vivait dans l'écho de sa pensée. Sous ses yeux, tombait le magazine qu'il avait ramené de la décharge ; en couverture, la photo d'un lagon bordé de cocotiers à franges, ciel et mer bleus. Il y trempa son pain.
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J'ai passé de longues heures sur les bancs à contempler le monde. Il en est de merveilleux, incongrus, hautement improbables, dont l'emplacement est une révélation. Un homme sur un banc n'appartient plus à la réalité ou s'en détache. Ce simple gradin lui confère un statut de poète et lui prête une vision étendue. S'il est un lieu qui échappe à la tourmente, c'est le banc.
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Ce cliché ultime restant à prendre était tout autre, avait une valeur très différente. L’enjeu était à la fois personnel, intime, et universel, incluant l’histoire particulière du photographe et le monde dans sa globalité; d’un intérêt intemporel, présent, passé, futur, comme une image unique destinée à nous représenter aux yeux d’une civilisation extraterrestre. La photo, avec toute sa charge de solennité imposée, sera hautement symbolique, humainement déterminante. Elle devra être douée d’originalité, marier l’évidence et la surprise. Elle pourra être anecdotique avec la force édifiante d’une fable; panoramique avec l’intensité sourcilleuse d’une nature morte. Elle sera une tentative de synthèse, une démonstration, une célébration, un hymne. Depuis toujours, l’homme a ambitionné d’écrire Le Livre, de peindre Le Tableau, de composer La Musique, de réaliser Le Film; ce sera La Photo. Moi, Alain Neigel, simple photographe amateur, j’en donnerai ma vision, apporterai mon humble contribution à son édification. J’allais devoir faire un choix, éliminer ce qui ne me paraîtrait pas essentiel, ou pas assez, avec l’envie, l’espoir, l’exigence, de trouver mieux, jusqu’à ce que je décide que ceci, qui était devant moi, que je voyais, serait ma photo. Dans ma chambre d’hôtel, je commençais à y réfléchir. Défilait devant mes yeux, comme un kaléidoscope, toute une théorie d’images convoquées par la pensée.
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Il passa par différentes périodes et échappatoires. Il se réfugia dans la solitude, dans l'oubli, dans l'excès. il lui fallut du temps, des années, pour capituler. Aujourd'hui, sur les chemins, il menait sa vie au gré d'un balisage blanc et rouge, déroulant le tapis de ses pas, qu'ils lui appartinssent ou non, et s'il se présentait un signe, il le prenait comme un clin d'œil, une marmotte sortant de son terrier, un visage passant la porte. La marche lui avait fait découvrir une liberté cachée - enfouie sous le tapis -, un moyen simple et sain de s'esquiver.
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Laurent Graff
J'ai ouvert la bouche. En même temps, j'ai levé les mains. Mes yeux se sont écarquillés. J'ai pris ma tête dans mes mains à hauteur d'oreilles et j'ai serré. Je me suis mis à crier, comme une explosion, un big-bang, le crash d'une météore, le soulèvement d'un raz de marée. J'ai crié, crié, éperduement, et tout l'univers a résonné de mon cri, cri d'amour, de haine, de vie, de mort.
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"La pêche a été de tout temps la principale source de travail, d'où la devise de l'île : "De la mer nous visons." Mais depuis trente ans, l'activité n'a cessé de diminuer, la flotille est passée de quarante-six à onze bateaux, on ne dénombre plus que vingt marins. Avec l'ouverture sur le monde, l'île a perdu peu à peu son autarcie et s'est enchaînée à une dépendance extérieure; l'élevage et l'agriculture ont disparu ; les habitants se sont retrouvés les bras ballants, tout à portée de main venu d'ailleurs. Aujourd'hui, à part lever le coude, il n'y a plus grand chose à faire. On ne remplit plus les filets, mais les verres. On dilue le temps dans l'alcool, on sirote son ennui, on se noie à l'air libre. La vie est une bonne nouvelle qu'on arrose en permanence. Les jeunes sont pris entre deux courants marins, l'un qui emmène au loin et l'autre qui vous maintient, vous plaque contre les rochers ; ici, les racines sont de granit. Quand on a vécu sur un caillou au milieu de l'eau, les yeux toujours bercés par la houle, la terre apparaît monstrueusement ferme, à l'infini, c'est comme un monde sans rêve, un bloc de réel massif, ça vous gagne les pieds et vous attaque les prunelles, on a qu'une envie : la mer, de l'eau. Ceux qui partent reviennent tous, un jour ou l'autre. On n'abandonne pas son île, où l'on a grandi comme dans un moule, avec ses côtes dans nos flancs, ses dunes dans nos muscles. Ce n'est pas un lieu de naissance comme un autre."
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Le caillou qu’on ramasse
  
  
  
  
Le caillou qu’on ramasse et qu’on rapporte chez soi
n’a rien de vraiment extraordinaire.
Mais dans les décombres ou les cendres de sa maison,
plus que beaucoup d’autres choses,
on serait formidablement heureux de le retrouver.
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J’ai pour voisine
  
  
  
  
J’ai pour voisine une dame entre deux âges
– quarante et soixante-dix ans –
qui passe beaucoup de temps à s’occuper de ses volets :
les ouvrir, les fermer, les entre-fermer…
de l’intérieur, de l’extérieur…
le matin, le midi, le soir…
Il y a une infinité combinaisons.
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Le deuil est une affaire strictement intime qui ne supporte pas d'intrusion.
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" La silhouette du marcheur se détachait dans les champs comme une image d'un autre temps. On circule à moteur de nos jours, même hors des routes, c'est la règle et la norme d'une bonne intégration, une garantie d'honnêteté, c'est aussi la vitesse de déplacement en vigueur, on deçà de laquelle on perd ses droits, sa légitimité. Le marcheur, en semaine, quand il devrait travailler, s'apparente à un vagabond sans le sou, à un attardé, un hurluberlu ou un franchement douteux, un marginal à contourner. Le week-end, ça peut encore aller, c'est un sportif, un adepte de la marche de loisir, qu'on reconnait à sa tenue Decathlon. Combien de fois Bertrand avait-il essuyé sur son passage des regards de méfiance et de mépris? On lui avait tourné le dos, on avait fait semblant de ne pas le voir, on l'avait klaxonné, on l'avait éclaboussé, on l'avait poussé dans le fossé. Le piéton est un humain de seconde zone. En bord de route, c'est un total intrus, un empêcheur, un emmerdeur ; on n'est pas complètement en tord en le renversant, il l'a bien cherché. "
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Laurent Graff
Je me souviens aussi de cet autre homme qui avait choisi de vivre dans une maison de retraite à l'âge de trente-cinq ans. Considérées au sens strict, la maison de retraite et l'aire de repos sont assez voisines.
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Les photos n'ont plus ce caractère crucial et définitif qu'elles avaient du temps de la photographie argentique. Bonne ou mauvaise, une photo était irrévocable et était décomptée de la pellicule. Le développement du film révélait de manière implacable, dans l'ordre chronologique, images réussies et images ratées ; impossible d'échapper à la sentence et aux statistiques.
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Le ciel était nuageux sans être menaçant. En prison, il avait passé des heures, des jours, au total peut-être une année entière, à regarder le ciel par la fenêtre à barreaux de sa cellule. C'était un ciel petit, un string de ciel. un ciel de trou de serrure, qui ne défilait même pas tant il manquait d'espace. La privation de liberté était devenue un exercice d'évasion par la fenêtre. Il creusait des tunnels dans le ciel; Il attrapait au vol un avion qui traversait le rectangle de la lucarne pour se faire la belle. La météo faisait passer le temps. La pluie surtout tenait compagnie, toute proche, à portée de main. De tous, le ciel de nuit était le plus ennuyeux, qui se dressait en miroir de l'insomnie. A les porter aux nues, il avait usé ses yeux comme des semelles. Le jour de sa libération, personne ne l'attendait, excepté le ciel.
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Derrière chaque photographe, il y a, en fin de compte, un grand timide qui a peur d'être au monde nu et désarmé.
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A vouloir immortaliser des instants de vie, à vouloir arrêter le temps, j'en avais oublié notre vulnérabilité.
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