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Critiques de Leïla Slimani (3309)
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Chanson douce

Tout a été dit déjà sur le livre de Leïla Slimani, et j'arrive après la bagarre- après le carnage plutôt.



Je viens de le lire d'une traite, ce matin, pour ne pas penser à ces lendemains- gueule-de- bois des élections américaines ni à ces autres lendemains gueule-de-bois bien français qui nous attendent dans quelques mois…



Je dois dire que le remède est souverain : j'ai été emportée par ce thriller terrible dont les premières pages, atroces, nous disent d'emblée à quoi il faut nous attendre. Sans rien enlever, pour autant, à la terrible fascination d'un récit dépouillé, factuel, ni à la pertinence de l' analyse impitoyable du lent processus de désagrégation et d'entropie qui fait de Louise, nounou trop parfaite, une folle infanticide .



Le récit de Leïla Slimani, en effet, démonte brillamment le mécanisme d'une impitoyable aliénation sociale, morale, sentimentale et psychique qui transforme une pauvre créature sans amour en machine à tuer.



Ce qui, à chaud, me frappe plus que tout, est l'importance que prend, dans cette folie dévastatrice, le manque douloureux, béant, d'un « quelque part où aller ». Une citation en exergue de Dostoïevski indique déjà cette piste : « Car il faut que tout homme puisse aller quelque part ».



Toute femme aussi.



Sans lieu à elle- c'est-à-dire sans lieu conforme à ce qu'elle est, Louise, vraie maniaque d'ordre, de propreté, de confort- qu'elle dispense si bien et si miraculeusement dans son lieu de travail- est vouée à l'inexistence ou à la vie machinale des bêtes et des fous.



C'est pourquoi la vue de l'homme qui défèque sans vergogne dans la rue, devant la porte de son misérable appartement où la douche pourrie s'est effondrée, la renvoie à une vision terrible de son propre avenir.



Si elle perd son travail, si la famille qu'elle a investie, charmée, circonvenue, ne refait pas un autre bébé pour l'occuper, s'ils ne l'emmènent pas en vacances dans cette île- mirage de Sifnios où elle rêve de trouver asile, si la voisine de ses patrons ne lui permet pas de gagner quelques sous supplémentaires pour payer les dettes qui l'accablent, Louise sait qu'elle ira grossir la cohorte des sans domicile fixe, des clochards et des fous qu'elle voit errer dans les rues de Paris.



Et quand cette menace se précise, elle bascule dans la folie meurtrière.



Le crime est atroce.



Les « patrons » , Myriam et Paul, sont pitoyables mais pas vraiment coupables : dévorés par leur travail, ils ont tout délégué à Louise, lui ont tout abandonné : enfants, maison, repas, loisirs, intimité…Elle semble avoir tous les pouvoirs, cependant il leur reste un terrible privilège: la congédier. Ils se sentent gênés d'avoir cette toute-puissance sur l' existence fragile et dévouée de celle qui est devenue une sorte d'esclave domestique consentante. Pire encore : ces jeunes bobos se sentent culpabilisés de trouver leur parfaite nounou, cette « pauvre Louise » taillable et corvéable à merci, petit à petit , envahissante, malsaine et secrétant un malaise diffus sur lequel ils ne mettent un nom que quand tout est trop tard.



Un livre sans parti pris, sans pathos, sans jugement qui donne à voir et à toucher du doigt non pas le processus d'une maladie mentale- même si Louise, comme on l'apprend a souffert autrefois de dépression grave, de « mélancolie délirante » et s'est fait interner- mais le processus d'une aliénation sociale, qui condamne la femme surtout si elle est fragile, pauvre, seule et mère célibataire et si elle se frotte à un monde qui n'est pas le sien : « Paul et Myriam ferment sur elle des portes qu'elle voudrait défoncer. Elle n'a qu'une envie : faire monde avec eux, trouver sa place, s'y loger, creuser une niche, un terrier, un coin chaud. »



Rectifions l'aphorisme de Blaise Pascal : tout le malheur des hommes est de ne pouvoir avoir une chambre où demeurer tranquille.



Tout le malheur des femmes comme Louise est de ne pas avoir quelque part où aller.Et tout le malheur qu'elle déchaîne vient de ce que personne ne l'ait compris ou vu à temps.



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Chanson douce

C'est clair, d'entrée de jeu, Leila Slimani ne ménage pas son lecteur. La scène inaugurale est sordide et fait froid dans le dos ( on comprend l'angoisse suscitée chez les mères qui confient leurs enfants, même à des « perles » pour pouvoir se consacrer à leur travail).



Et la suite n'est pas faite pour rassurer : la relation qui s'installe entre Paul, Myriam et Louise n'a au départ rien d'inquiétant. Bien au contraire, les parents comblés par la qualité des services de cette femme si dévouée , si prévenante, voient d'un œil bienveillant les bénéfices mesurables sur leur vie quotidienne : ils ont embauché la baby-sitter parfaite, une fée qui met de l'ordre dans leur vie , une Mary Poppins, une nounou de rêve .



C'est compliqué d'être patron, de trouver la bonne distance, de faire preuve de gratitude sans humilier , et d'autorité sans blesser . C'est le coeur de l'intrigue, le problème de la place prise (ou abandonnée par facilité à la jeune femme dont on ne connaît pas l'intimité, le passé, les galères)

Même les enfants y ont trouvé leur compte, jusqu'à ce que la situation échappe à tout le monde.



Les faits divers n'arrivent pas précédés de tambours et trompettes, et c'est tellement habituel que des proches soient abasourdis par les exactions de tel ou tel criminel, qui était un voisin si poli, si discret, jamais d'histoire.....et c'est aussi ce qui intensifie l'angoisse, plus dense et sournoise que dans un polar qui traite d'une enquête autour d'un tueur en série : celui-là , on le voit venir, il est l'incarnation du mal, les rôles sont distribués, il est sans doute plus facile à repérer et il ne viendrait à l’idée de personne de l’embaucher pour lui confier ce que l’on a de plus cher au monde! . Mais ici, les victimes comme le criminel sont tellement banals, tellement ordinaires que la suspicion n'a plus de support déviant pour canaliser les craintes.



Mine de rien, c'est aussi un état des lieux de la parentalité, des contraintes inhérentes aux doubles vies que vivent les jeunes parents tiraillés entre la réussite professionnelle et les exigences d'une vie familiale. Il n'y a pas de choix à faire, mais il n'en reste pas moins que ce n'est pas simple tous les jours.



Je n’ai pas complètement adhéré à cette histoire, peut-être parce que les motivations et le déroulement des faits qui amènent au drame ne me paraissent pas si clairs et qu’il reste une part non élucidée du passé de la meurtrière, qui empêchent de comprendre ce qui s’est réellement passé. C’est sans doute volontaire de la part de l’auteur, mais ça m’a laissé une impression d’inachevé.



Chanson douce, mais bien amère que celle que nous chante l'auteur.


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Le Pays des autres

Avec ce troisième roman, Leïla Slimani sort de sa zone de confort. Elle ouvre ses horizons bien au-delà de la bourgeoisie parisienne, bien au-delà du drame contemporain en lieu clos pour proposer une saga familiale sous forme de trilogie. Ce premier tome s'inspire de l'histoire de ses grands-parents et couvre les années 1946-1956.



Dès les premières pages, son talent de narratrice m'a embarquée, glissant d'un personnage à un autre avec une fluidité remarquable, alternant les points de vue dans une intensité croissante. Et tous les personnages sont absolument superbes car d'une richesse psychologique rare. Ils sont tous terriblement vivants dans leurs contradictions, leurs aspirations, leurs emballements, leurs errements, toujours observés avec bienveillance par Leïla Slimani.



Et tous vivent dans le pays des autres. A commencer par Mathilde, jeune alsacienne qui débarque à Rabat après avoir épousé un spahi marocain venu libérer la France durant la Deuxième guerre mondiale, emplie d'un appétit de vivre assoiffé, rêvant d'aventures à la Karen Blixen. Mais c'est l'opprobre des colons qu'elle rencontre, c'est la solitude, c'est une ferme miséreuse dans laquelle elle vit et c'est un mari qui s'assombrit et s'épuise qu'elle découvre dans une vie plate et morne. Mathilde est la petite soeur d'Emma Bovary. Durant tout le roman, son enjeu sera de trouver la voix de l'émancipation dans ce pays des autres sans heurter la culture de son mari, et pour cela, elle doit perdre son identité facle de Française pour s'en construire une autre, plus personnelle.



Un si beau personnage, c'est déjà un cadeau mais là, tous les autres sont tout aussi passionnants. Amine, son mari, le Charbovary du bled : lui le soldat qui a a touché en France le sentiment fugace d'être quelqu'un et qui une fois au Maroc, redevient un indigène ; il assume mal d'avoir une femme blanche qui ne le comprend pas, il en devient amer et autoritaire, et en même temps il a des valeurs chevillées au corps, le travail, l'honneur, la famille. Selma, sa petite soeur de seize ans, débordant de sensualité et obligée de l'étouffer pour vivre dans le pays des hommes. Et la merveilleuse Aïcha, la fille de Mathilde et Amine, enfant brillante, sauvage, secrète, scolarisée dans une école de bonnes soeurs où elle est la seule non blanche. Métisse dans un pays où il faut choisir son camp



Ce qui est formidable dans ce roman, c'est l'indulgence et la douceur du regard que l'auteure porte sur eux, ils ne sont jamais jugés. Et c'est ainsi qu'elle traite tout l'arrière-plan historique de ce Maroc qui se révolte pour ouvrir la voie à la décolonisation : sans sectarisme, sans manichéisme, mais avec tous les camaïeus de gris, en respectant les aspérités complexes de l'histoire. Il faut assurément beaucoup de maturité et de tolérance pour parler ainsi du monde.

Cette plongée dans l'histoire en parallèle de l'intimité personnelle de ceux qui la vivent est passionnante. Les logiques de domination colon – indigène, homme-femme sont décrits avec une acuité percutante. L'adjectif « romanesque » prend du sens lorsqu'on lit Le Pays des autres. Je l'ai dévoré. Le talent de conteuse de Leïla Slimani, son écriture fine et précise dénué de lyrisme lourdaud, l'épaisseur de ces personnages, j'ai tout aimé. J'aurais juste voulu m'enflammer, aller au-delà de l'émotion et de la vibration pour palpiter de partout.



J'attends avec impatience le deuxième tome qui sera centré sur les années 1970-80, les années de plomb au Maroc. J'espère y retrouver Aïcha. Et décidément, après Dans le jardin de l'ogre, après Une Chanson douce, après Sexe et mensonges ( la vie sexuelle au Maroc ), Leïla Slimani est vraiment une auteure importante.
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Chanson douce

Le roman s'ouvre sur cette phrase terrible : « le bébé est mort. » Une mère se tient en état de choc devant les petits corps meurtris de ses deux enfants. Elle pousse un long hurlement qui déchire la quiétude de cet après-midi du mois de mai. Quiconque perçoit ce cri animal comprend instinctivement qu'un drame est arrivé. Il y a un troisième corps dans l'appartement, celui de la nourrice qui a tenté de mettre fin à ses jours. Leïla Slimani reconstitue les événements qui ont mené cette tragédie. Elle raconte l'histoire ordinaire d'un couple de jeunes Parisiens nommés Paul et Myriam. A la naissance de son second enfant, Myriam a une opportunité professionnelle. Elle doit trouver en urgence une nourrice ; tâche qui s'annonce compliquée à Paris. Le couple reçoit la candidature de Louise. C'est une femme d'une cinquantaine d'année à l'allure stricte qui attire la sympathie des enfants et la confiance des parents. Tout se passe bien et Louise prend de plus en plus d'initiatives. Elle range, fait le ménage e prépare le dîner. Elle s'impose comme le pilier de la famille. Mais Paul et Myriam vont bientôt s'inquiéter de quelques signes alarmants.



Leïla Slimani nous parle de ces jeunes parents accaparés par leurs carrières qui délèguent facilement l'éducation de leurs enfants à une employée. Toujours débordés et pressés, ils renoncent à leur rôle de pères ou de mères au quotidien. Dans ce récit, Louise, la « super nanny », comble le vide laissé par les parents et renforce peu à peu son emprise sur cette famille. Elle remplit ainsi ses propres carences affectives. L'auteure nous montre aussi comment le couple, devenu employeur, va parfois avoir des mots humiliants pour leur salariée. Elle a pris une place au sein du noyau familial mais elle en reste étrangère. C'est une personne indispensable dont la présence n'est que temporaire. La psychologie des personnages est décrite avec pertinence. La tension est permanente. le lecteur secoué par un incipit poignant est ensuite captivé par un suspense qui ne faiblit jamais. Il suit avec intérêt la folie grandissante de Louise. « Chanson douce » est un drame psychologique dérangeant car parfaitement réaliste.
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Chanson douce

Tout à déjà été dit sur ce livre, mais tant pis.....



Un ouvrage féroce lu d'une traite ou presque, fascinant, glaçant, terrifiant à la fois, qui s'ouvre sur un cri affreux: celui d'une mére...

Le premier chapitre dégoupille une grenade en révèlant d'emblée l'assassinat de deux enfants et la tentative de suicide de leur nounou " qui n'a pas su mourir ".



L'Asphyxiant huit clos familial raconte l'histoire d'un couple --peu exploré à ma connaissance --dans la littérature, un couple ambigu, complexe que forment une baby-sitter et une mère

Quand Louise apparaît , visage comme "une mer paisible", blonde, menue, fine, presque transparente, efficace "fée du logis", la mére Myriam , avocate parisienne passionnée par son métier est d'emblée conquise.



Entre les deux femmes l'alchimie est immédiate " comme un coup de foudre amoureux".

Louise console, soude peu à peu les fantasmes de famille idéale : des enfants calmes et bien peignés, un ménage tenu au cordeau, le dîner préparé avec soin sinon avec amour..une perle rare......

Louise apprivoise impeccablement ce petit monde au fil des mois, tisse sa toile maléfique......

L'auteur décrit puissamment sa solitude et son impassibilité étrange, sourde, inquiétante , sa façon subtile de se rendre indispensable et de s'infiltrer, efficace, hypnotique, au sein du foyer.

Derrière les apparences policées se cachent les différences sociales, les préjugés, la relation asymétrique entre deux femmes qui, d'un bout à l'autre de l'échelle sociale se jalousent,même inconsciemment et s'observent à distance...des notes discordantes discrètes apparaissent ....

Le délire implacable de Louise ferme peu à peu toutes les portes...

Chanson douce est t-il un thriller ? Non , plutôt une fable tragique.

L'écriture est puissante, froide, contenue, nerveuse, comme tirée au cordeau, excluant toute sentimentalité .

L'efficacité romanesque est telle que le lecteur est tenu en haleine d'un bout à l'autre, c'est la force magistrale de cette manipulation, cette nounou à l'âme pourrissante qui vampirise l'espace familial jusqu'au drame ultime .....

L'auteur tire les fils de cette tragédie avec une maîtrise incroyable, sans affect;On en ressort sonné.



Cet ouvrage ressemble à une claque glaçante et terrifiante sur la maternité et l'aliénation domestique à l'ère de l'émancipation des femmes !

Âpre, violent, puissant ,magistral !

Un ouvrage que j'ai hésité à lire ,ma libraire me l'ayant déconseillé ......









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Le Pays des autres, tome 2 : Regardez-nous ..

Regardez-nous danser est le deuxième volet de la trilogie d'inspiration familiale démarrée il y a deux ans par Leïla Slimani. Le premier, Le Pays des autres, était centré sur les grands-parents avec notamment l'installation de l'Alsacienne Mathilde, après son mariage avec le spahi Amine dans une ferme ingrate de la région de Meknès, juste après la Seconde guerre mondiale. Dans le deuxième, douze ans ont passé et cette fois, le Maroc post colonial vit sous le règne d'Hassan II. L'éclairage est sur la génération suivante, en l'occurence Aïcha et Selim, les enfants de Mathilde et Amine.



J'ai retrouvé avec bonheur la justesse du regard de Leïla Slimani, toujours à fleur de peau de ses personnages. Elle poursuit avec une acuité toute sensible sa double radioscopie de la famille, à la fois étouffante et protectrice, et d'un pays qui se construit après son indépendance. C'est cette confrontation entre destins individuels et destinée d'un pays qui m'a le plus convaincue, avec au coeur la question passionnante de l'identité.



En 1968, Maroc et personnages ne sont qu'enchevêtrement de tensions et d'antagonisme entre conservatisme et aspiration à la modernité. Le pays peine à se forger une identité propre. Le néocolonialisme est insidieux, passant par exemple par des études universitaires dominées par les Européens ( Roland Barthes donne des cours à Rabat ) ou par la nécessité l'exil de la brillante Aïcha en Alsace pour étudier la médecine. Surtout, Leïla Slimani brosse un Maroc obsédé par le paraître et la suspicion, où chacun est soumis aux regards scrutateurs et à la surveillance implacable exercée par le régime autoritaire d'Hassan II qui réprime violemment des manifestations étudiantes tout en essuyant deux tentatives d'attentats régicides dans un pays aux inégalités sociales croissantes.



Dans ce Maroc, très loin d'un simple décor sans profondeur ni densité, l'auteure montre parfaitement comment la société pénètre dans le microcosme familial, s'insinue dans les trajectoires individuelles, notamment celles des jeunes. Aïcha, Selim et Medhi ( le futur mari d'Aïcha ) aspirent à l'ascenseur social par les études, ou à l'hédonisme, tiraillés en permanence. Comment s'arranger avec soi-même pour arracher son droit à être heureux sans trahir ses rêves dans une société aussi complexe et étouffante ?



Bizarrement, je n'ai pas été touchée par les personnages des « jeunes », notamment Selim, personnage pourtant intéressant, qui, élevé à l'occidentale, réalise qu'il a été arraché à une culture qu'il ne comprend plus, ni sa famille ni son pays, et se réfugie dans les paradis artificiels d'Essaouira, la hippie. Même chose pour Aïcha et Medhi, malgré les superbes pages finales dans lesquelles Medhi, plus âgé, s'interroge sur sa vie.



« L'âge ne suffisait pas à effacer les illusions. Tout aurait été tellement plus facile si les idéaux mouraient vraiment. Si le temps les faisait disparaître pour toujours et qu'ils ne trouvaient plus, en votre for intérieur, aucune attache. Mais les illusions restaient là, tapies en vous, quelque part Abimées, flétries. Comme un remords ou une vieille blessure qui se réveille les soirs de mauvais temps. On ne s'en débarrasse pas. On fait semblant d'y être indifférent. Toutes ces années, il avait connu une sorte d'exil intérieur. Survivait en lui une personnalité clandestine, réduite au silence et à l'immobilité, et qu'il ne laissait s'échapper qu'à de très rares occasions. Toute sa vie, plus que des autres, il s'était méfié de lui-même. »



Certains passages sont superbes mais je n'ai pas retrouvé le mordant et l'acidité du Pays des autres, ou alors de façon occasionnelle grâce au personnage de Mathilde désormais embourgeoisée après une vie à trimer ; et surtout celui de la tante mariée de force, Selma, superbe personnage de renégate toute en sensualité. Je me suis parfois un peu ennuyée, assoupie par un récit parfois sans relief qui peine à sortir d'un classicisme fluide mais sans aspérité. Quelques réserves, donc, mais qui ne n'empêcheront pas de me plonger dans le troisième tome.

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Dans le Jardin de l'Ogre

Les hommes peuvent croire qu'elle est leste et facile. Les femmes peuvent la penser prédatrice, les plus indulgentes dirent qu'elle est fragile, une chose est sûre, ils ont tous tort.



Adèle s'est mariée et a fait un enfant avec Richard pour avoir une respectabilité et un refuge après les moments sensuels, les instants de transgression, la débauche. Mais qu'est-ce qui pousse une journaliste jolie, mère d'un petit garçon, mariée à un médecin qui l'aime et lui fait confiance à l'addiction sexuelle ? Adèle ne sait pas, si ce n'est sa mère mal aimante, jalouse et indiscrète. Depuis son adolescence, la source d'un mal être, compensé par l'érotisme qui donne du relief à sa vie, mais accentue sa paranoïa et la pousse dans une fuite en avant mortifère.



Leila Slimani, que le sujet difficile de la nymphomanie n'a pas rebuté, raconte avec une indéniable finesse une vie gâchée par des pulsions, un désir insatiable, avec l'inévitable détresse de ne pouvoir y mettre fin. Dans ce premier roman porteur d'une grande tristesse, elle montre la solitude extrême, inextinguible et irrémédiable que crée l'addiction. Une maladie honteuse, prenant ses racines dans l'enfance, impliquant le besoin d'exister à travers le désir des autres, de combler un vide en se remplissant de n'importe quel homme, une malédiction qui confisque l'essentiel bonheur d'aimer et de s'aimer.
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Le parfum des fleurs la nuit

Magnifique. J’ai été éblouie par cette balade introspective nocturne au musée de la « Punta della Dogana » à Venise en compagnie de la délicate, émouvante et passionnante Leila Slimani. Ce livre court mais dense écrit pour la très belle collection « ma nuit au musée » des éditions Stock est un enchantement. J’ai adoré accompagner l’autrice dans ses errances et partager sa claustration, ses réflexions, ses rêveries et souvenirs d’enfance au coeur de ce musée d’art contemporain abritant une partie de la Collection Pinault. Au départ cet art « espace élitiste dont je n’ai toujours pas saisi les codes » l’intéresse peu, c’est l’idée d’enfermement qui l’a séduite. On flâne à ses côtés dans Venise tandis qu’« un soleil rasant, aux tons orangés, fait briller les façades des palais » jusqu’à ce que le crépuscule l’enserre sous un ciel « alourdi d’étoiles » avant de pénétrer dans le musée pour une nuit d’insomnie et de contemplation. Dans le silence de ces salles en clair-obscur affranchie du regard des autres elle se laisse peu à peu envahir par les émotions, les perceptions et réminiscences que lui inspirent certaines œuvres. Tout prend sens. Elle construit alors un pont entre art et littérature et déambule pieds nus dans ce lieu désert à l’ambiance onirique en livrant un récit lucide et poétique, admirablement écrit où présent et réel se mêlent aux souvenirs intimes et à l’imaginaire. A chaque sollicitation d’un de ses sens, rejaillit un souvenir chargé d’émotion comme lorsqu’elle hume l’intense parfum du galant de nuit, fleur de son enfance. Elle confie comment elle est parvenue à s’émanciper et fuir « toutes les cases qui enferment ». Femme de contraste à l’identité à la fois « plurielle et partielle » son roman est marqué par les oppositions. Cette visite guidée introspective est enrichie de références culturelles, de voyages, du douloureux souvenir de son père incarcéré. La création littéraire source de bonheur et de mélancolie y tient une place prépondérante « je fuis la comédie humaine, je plonge sous l’écume épaisse des choses ...Pour écrire il faut se refuser aux autres...décevoir...». Un roman qui a résonné en moi. Un bonheur de lecture.
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Chanson douce

La petite biche est aux abois.

Dans le bois, se cache le loup,

Ouh, ouh, ouh ouh

Mais le brave chevalier passa.

Il prit la biche dans ses bras

La, la , la , la.

La petite biche,

ce sera toi, si tu veux.

Le loup, on s'en fiche.

Contre lui nous serons deux.

[...]

Cette chanson douce ,

je veux la chanter aussi,

Pour toi, ô ma douce,

jusqu'à la fin de ma vie....



1950 - Henri Salvador -



Poupée de cire

énigmatique sourire,

quand son regard est ailleurs.

Poupée de son

Rumeurs et soupçons

Manifestes troubles de l'humeur.

Selon docteurs et diagnostics

"Mélancolie délirante"

mélant colique , toc et tic,

fureur mono-tonique persécutante.

Roman qui d'un revers de manche me hante

Mais en suçant mon pouce... m'enchante :-)















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Le Pays des autres

Le pays des autres est un grand livre, plein de souffle, d'une belle et forte simplicité, qui possède tout ce qu'on attend d'une lecture: une vision très personnelle et un souffle épique , historique, une parole décapante et des points de vue contrastés , une richesse d'émotions jointe à  une parfaite rigueur d'analyse. 



Leila Slimani s'inspire de la vie de ses grands parents, Amine et Mathilde, lui colonel des spahis, elle jeune fille gâtée d'une famille bourgeoise alsacienne, unis par une passion sensuelle et forte, et par un rêve héroïque de réussite , à la Karen Blixen, sur les terres arides des environs de Meknès.



Deux très jeunes époux, deux cultures, deux religions, deux éducations radicalement différentes-et l'amour. Mais celui-ci  mis à rude épreuve par celles-là. Sans compter que Mathilde comme Amine sont ce qu'on peut appeler des caractères..



 

Comme Mathilde, sensible et généreuse, comme la farouche et secrète Aïcha née de ces noces "de la carpe et du lapin", comme Selma la jeune et jolie belle-soeur, comme toutes ces femmes "modernes" qui luttent pour leur émancipation qu'elle soit financiere et quasi professionnelle, pour Mathilde, scolaire pour la petite Aïcha  ou sexuelle pour Selma, le Maroc d'après guerre rue, lui aussi, dans les brancards. 



Mais ce sont ceux de la colonisation, ce Protectorat français qui  met sous tutelle ce fier pays qui a cru mériter le respect de la France en combattant à  ses côtés et découvre, après la guerre, l' ignorance et le mépris de cette seconde "mère-Patrie" qui le  traite en enfant mineur ou en femme subalterne, jusqu'à l'éclatement des émeutes nationalistes et indépendantistes de 1956.



On devine que le pays acquerra plus vite son autonomie-sans parler des libertés démocratiques- que les femmes qui y vivent.



Voilà pour la saga familiale et la fresque historique. Mais c'est oublier ce qui fait tout le sel de cette première partie de ce qui est annoncé comme une trilogie.



D'abord, les personnages, jamais figés, jamais d'un bloc, toujours pris sous plusieurs angles pour éviter leur caricature ou leur simplification, et pour rendre, surtout , leur adaptation au réel, si différent de leurs rêves , retracer leur évolution dans un pays lui-même en mutation profonde. J'en veux pour exemple ce Noël alsaco- marocain bouleversant où Amine, le droit et honnête Amine,  va voler nuitamment un cônifère sur les terres du colon voisin pour que Mathilde ait son sapin, où il subit avec stoïcisme et fureur rentrée la condescendance méprisante des commerçants, en venant acheter un costume de père Noël.. .sans réussir à satisfaire les attentes de sa femme qui ne retrouve pas dans cette pauvre mascarade ses souvenirs  de Noël alsacien et pleure de déception devant un cadeau mal choisi tandis que les enfants sont épouvantés par ce père Noël incongru.



Les personnages sont modelés par leur expérience, par les grands événements de leur vie.



Plus tard, Mathilde, encore fantasque et rebelle, toute pleine de désirs inassouvis et d'amères déconvenues, part pour un séjour d'un mois en Alsace où son père vient de mourir. Après le bluff, les mensonges sur sa vie prétendument héroïque et romanesque, au Maroc, elle finit par confesser à une soeur qu'elle n'aime pas la triste vérité, faite de misère, de renoncement, de contraintes et de malentendus. Et par lui dire sa tentation de rester, en abandonnant au pays ses deux enfants.



Elle revient pourtant.



Et c'est, pour moi, un des plus beaux passages du livre : "Tandis qu’elle pénétrait dans la maison, qu’elle traversait le salon baigné par le soleil d’hiver, qu’elle faisait porter sa valise dans sa chambre, elle pensa que c’était le doute qui était néfaste, que c’était le choix qui créait de la douleur et qui rongeait les âmes. Maintenant qu’elle était décidée, à présent qu’aucun retour en arrière n’était possible, elle se sentait forte. Forte de ne pas être libre."



Tout un petit monde, bien campé et extrêmement vivant, fourmille autour de ce couple mixte déchiré, déchirant et pourtant solidaire aux heures graves.



Le récit procède par petites touches, jamais partial, toujours partiel, plein de facettes et d'antennes sensibles, attentif aux petits frémissements, aux grandes colères, aux terribles résignations, aux rêves entrevus et brisés des existences individuelles   comme aux secousses plus vastes et inquiétantes de l'Histoire en marche.



Leïla Slimani excelle à rendre les contrastes de paysages: Meknès avec ses ruelles et sa médina grouillante de vie, ses patios frais, ses odeurs prégnantes,  la campagne avec ses collines arides où toute exploitation agricole tient de l' exploit, la mer magique, dorée et bleue,  comme une récompense rare, un événement..



   Plus qu'une chose en particulier, j'ai aimé ...tout! 



La cohérence entre le particulier et le général, les contrastes subtils, jamais forcés, la vérité renversante des personnages, la simplicité,  le naturel et la force de conviction de la langue dont le lyrisme est toujours discret, les choix,  classiques et justes, sans esbrouffe, sans afféterie, sans tic...



Du grand Slimani. 



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Chanson douce

Lorsque j'emprunte "une chanson douce" à la bibliothèque, je ne sais pas encore qu'il vient d'obtenir le prix Goncourt 2016.

Ce qui m'a attiré, les critiques des lecteurs sur Babélio.

Ce que j'ai pensé de ce livre ? C'est difficile de faire une critique à peine le livre fermé. Il faudrait que je prenne un peu de recul peut être, mais j'ai peur de ne plus retranscrire mon véritable ressenti. Alors, je me lance.

Très bien écrit, l'auteur utilise des chapitres courts, des phrases courtes et du coup, elle nous emmène dans cette histoire sur un rythme soutenu, addictif.

La fin de l'histoire est connue dès le départ, dramatique, horrible.

Donc, pas de suspense, on sait qu'on n'évitera pas le drame.

On rentre ensuite dans l'intimité de cette maison. Un couple, 2 enfants, une nounou... presque un huis-clos.

Pour chacun d'eux, j'ai ressenti des sentiments partagés : on les aime, on les envies, on les déteste, on s'interroge, on se retrouve en chacun d'eux mais pourtant on ne les comprend pas toujours et on ne parvient pas à les aimer à 100 %, que ce soit les enfants, les parents ou la nounou.

Un malaise oppressant m'a pris au cours de cette lecture.

Dès le départ, on connait donc la fin, puis vient le déroulement de leur vie qui peu à peu les a chacun emmené jusqu'à cette fin terrible. Et pourtant, pas d'explications nettes et franches. Juste des faits où chacun peut trouver des explications, ou pas...

Un livre qui mérite le prix décerné.

Une lecture qui restera en vous, comme une chanson douce...
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Chanson douce

J'ai attendu longtemps que l'effet Chanson Douce s'apaise, que le livre sorte enfin en édition de poche pour comprendre comment il avait pu recevoir autant de critiques élogieuses.

Et là je crois que je vais me faire lyncher sur place parce que non, ce livre ne m'a pas plu. Mais pas du tout.

Les personnages sont tous tour à tour caricaturaux. Les parents bobo parisiens, les enfants égoïstes, la nounou bien propre sur elle qui cache des secrets, la belle-mère et son passé de révolutionnaire, l'associé du cabinet, les copains du couple.

L'histoire nous met un coup au plexus dès le premier chapitre. Puis s'effiloche lentement, devenant même vers la fin du roman complètement incohérente. Ou alors les personnages ne voient bien que ce qu'ils désirent voir.

Le style hésite entre le journal de vacances ou le rapport de police. Nous ne sommes pas épargnés des poncifs en tout genre. "Quelque chose était mort et ce n'était pas seulement la jeunesse ou l'insouciance. Il n'était plus inutile. On avait besoin de lui et il allait devoir faire avec ça. En devenant père, il a acquis des principes et des certitudes, ce qu'il s'était juré de ne jamais avoir."

Bon, alors tout cela pour un Goncourt ? Je crois que j'aurais dû garder l'habitude de ne pas investir dans les livres qui gagnent des prix...
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Dans le Jardin de l'Ogre

C’est un corps qui souffre.

C’est une vie vidée de sa sève que seuls les hommes peuvent remplir.

C’est une vie sans exaltation.

Entre un homme qui ne voit aucun plaisir dans l’acte charnel et une femme qui ne survit pour que cet acte.

Parce que cette femme se sent belle et déteste l’idée que sa beauté soit inutile, que sa gaieté ne serve à rien. Alors il faut que sa beauté plaise, excite et remplisse les étreintes.

Vie débridée obsédée par le besoin d’être désirée, malmenée, chahutée.

A dix ans, elle n’était qu’une petite fille que sa mère promenait aux alentours du moulin rouge, près des travestis, des prostituées, des drogués, ça ressemblait à un cirque aussi glauque qu’érotique. Une scène, une image suffisent à parasiter l’enfance vers un monde obscène.

Le mari ne voit rien.

La femme a peur d’être démasquée.



Un couple assis sur des coussins confortables.

Un couple absent l’un à l’autre.

Le mensonge flotte dans l’air.

Une odeur macabre s’infiltre.



Du sexe pour se remplir de ce qu’on a jamais reçu. Du sexe pour exister. Du sexe pour ne pas mourir.



Dans le jardin de l’ogre, il y a surtout Adèle, une femme en souffrance. Dans le jardin de l’ogre, il faut toucher ce qu’une femme a de plus précieux, son intimité. Une intimité porteuse de chagrin, de frustration et celle-ci se transforme en saccage intime. Dans le jardin de l’ogre, on ne revient pas indemne...
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Chanson douce

Un livre qui commence par la fin : une scène particulièrement atroce. Découverte d'un carnage ; mort d'un bébé, agonie d'une petite fille, effondrement et hurlement d'une mère, suicide raté de la meurtrière, nounou des enfants... Trois pages. Fin du premier chapitre... Circulez, s'il vous plaît, y a plus rien à voir...



S'inspirant d'un terrible fait divers qui défraya la chronique à New York il y a quelques années, l'auteure, Leila Slimani, raconte le glissement vers le désastre d'une femme et de la famille qui l'avait recrutée pour s'occuper des enfants.



Un jeune couple moderne. Ils s'aiment ; ils sont passionnés par leur job ; ils adorent leurs enfants, sans pour autant que l'un des deux veuille leur sacrifier sa carrière. Une famille comme il y en a beaucoup aujourd'hui. Myriam et Paul sont des bobos, plutôt bien-pensants, jusqu'à culpabiliser quand leurs intérêts les poussent à enfreindre leurs principes moraux.



Pour choisir la nounou des enfants, iIs ont vu plusieurs candidates. Louise leur a plu. Elle est... « normale, ... blanche, quoi ! » aurait dit Coluche ; pas Philippine, pas Ivoirienne, pas Marocaine ; et pas non plus obèse aux cheveux gras...



Bingo ! C'est l'oiseau rare. Parfaite avec les enfants, Louise s'avère aussi femme de ménage méticuleuse, femme de chambre attentionnée, cuisinière émérite. Une disponibilité de tous les instants. Enfants et parents s'attachent à Louise, qui leur devient indispensable. Louise, de son côté, prend racine dans la famille.



Des troubles dans le comportement de Louise attirent peu à peu l'attention du lecteur, puis des parents, sans pour autant déclencher de leur part une véritable réaction de méfiance. le lecteur, connaissant le dénouement, comprend qu'il s'agit de jalons dans la progression vers le drame. On lui apprend aussi que Louise est à la dérive depuis des années, sur le plan affectif comme sur le plan financier. S'accrocher à la famille comme à une bouée de sauvetage est devenu un réflexe de survie. Quand comprend-elle que cela ne peut pas durer ?



Chanson douce n'est pas un thriller ; absence de suspense, même si Leila Slimani confère à sa narration une atmosphère de tension, au moyen de phrases très courtes conjuguées au présent. C'est typiquement un roman noir, selon la définition que j'en donnais dans une récente chronique : une forme de littérature populaire, où un fait divers tragique se produit dans un univers de misère et de souffrance propre à faire disjoncter des individus fragiles.



Nous sommes en plein dedans. Louise souffre à la fois d'aliénation mentale et d'aliénation sociale.



Le débat s'ouvre : laquelle de ces deux aliénations préexiste à l'autre ?...



Le parti de Leila Slimani est clair : ce sont les marques et les menaces d'exclusion sociale qui font basculer Louise dans la folie meurtrière. Louise est une victime ! La construction du récit épargne au lecteur tout sentiment de rejet à son égard. le carnage est consommé avant le début du livre. Et à la fin de la dernière page, Louise appelle juste : «Les enfants, venez. Vous allez prendre un bain.» Ne manque-t-il pas quelque chose ? ... Occultation de la scène qui montrerait une femme monstrueuse égorger sauvagement un bébé et une petite fille se débattant désespérément...



Considérer la misère sociale d'une psychopathe comme la cause de sa démence, c'est entrer dans la culture de l'excuse. C'est une forme de bien-pensance que je trouve agaçante. C'est attribuer à la société et à ses travers – incontestables ! – la responsabilité des perturbations mentales de chacun. Nous sommes tous soumis à des formes de souffrance sociale sans pour autant devenir des assassins. L'aliénation sociale de Louise fait certes exploser ses barrières, ses « garde-fou » pourrait-on dire – jamais le mot n'aura été plus approprié ! Mais c'est son déséquilibre mental qui l'avait conduite à l'exclusion... Et il ne faut surtout pas se tromper de victimes...



Chanson douce soulève une autre question. La période des fêtes et des cadeaux approche. Offrir le prix Goncourt est une pratique courante. Peut-on offrir celui-ci à n'importe qui ?


Lien : http://cavamieuxenlecrivant...
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13 à table ! 2021

13 à table ! - 2021- 13 auteurs - Éditions Pocket - Lu en décembre 2020 - 5 €



Tout d'abord, je présente le petit mot signé Les Restos du coeur,

"Chères lectrices, Chers lecteurs,



7 ans, en amour c'est dit-on, une étape. Ce premier amour que nous vivons avec le monde du livre passe cette année ce cap symbolique. Nous nous retrouvons pour cette 7è éditions de "13 à table ! ", avec toujours autant d'envie et d'engagement de toute la chaîne du livre, des métiers artistiques aux métiers techniques. Depuis le début de cette aventure, près de 5 millions de repas supplémentaires ont pu être distribués aux personnes accueillies par les Restos du Coeur, grâce à eux, grâce à vous!

Un premier amour est le thème de cette éditions, partons cette année alors sur les routes de nos sentiments et de nos sensations".



Bonjour à vous !

C'est le premier livre de nouvelles "13 à table" que je lis, j'ai vu qu'il y en avait déjà eu six ! Chaque livre acheté procure 4 repas aux restos du coeur, donc un bon moment de lecture et une B.A. en cette fin d'année 2020 sinistre pour tellement de gens.



Je ne ferai pas une chronique de chacune des 13 nouvelles de 13 auteurs-autrices différents-es, autour du thème "un premier amour".



Dans l'ensemble, je les ai bien aimées, plus particulièrement celle de :

Jean-Paul Dubois - Une belle vie avec Charlie - elle arrache des larmes.

Frank Thilliez - Un train d'avance - un voyage étonnant dans le temps François D'Epenoux - 1973, 7è B - touchante



J'ai moins apprécié celle de :

Maxime Chattam - Big Crush ou le sens de la vie, le style peut-être.

Philippe Besson - Un film de Douglas Sirk - je ne saurais dire pourquoi.



Dans l'ensemble j'ai lu ce livre avec plaisir, il ne faut pas croire que ce sont des histoires à l'eau de rose " tout ne finit pas bien dans le meilleur des mondes, loin de là.



J'ajoute que la couverture est de Riad Sattouf, un ciel bleu, un nuage blanc qui sert de coussin de lecture à un personnage allongé à plat ventre et lisant, 3 coeurs rouges au-dessus de sa tête et un peu plus bas, la Terre.



Un livre à s'offrir, à offrir, une bonne action et un bon moment de lecture, voilà qui permettra à 4 personnes de faire un bon repas , n'hésitez pas.





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Le Pays des autres

« Ici, c’est comme çà » affirme Amine, spahi glorieux qui a contribué à la libération de l’Alsace où il a épousé Mathilde, quand le couple arrive au Maroc au lendemain de la Guerre.



La jeune épouse va découvrir la condition des femmes dans ce protectorat aspirant à retrouver sa souveraineté. Exploitée, outragée, défigurée par les coups de son époux, Mathilde vit asservie dans la ferme familiale. Tantôt soumise, tantôt révoltée, elle essaye d’éduquer et d’instruire Aïcha leur fille en la scolarisant dans un établissement tenu par des religieuses accueillant essentiellement des filles de colons.



Omar, le frère d’Amine, incarne le nationaliste pur et dur en lutte pour l’indépendance de son pays mais également farouche partisan de la dépendance des femmes, et notamment de leur soeur Selma … Celle ci est livrée par ses frères à Mourad, ancien ordonnance d’Amine devenu régisseur de leur ferme, qui l’épouse contre son gré. Et Mathilde, privée de son prénom, est rebaptisée Mariam lors de ce « mariage ».



Leïla Slimani expose le contraste croissant au fil des années entre le discours de libération politique et l’asservissement des femmes. Totalitarisme qui rappelle celui pratiqué au delà du rideau de fer comme le constate le docteur Dragan Palosi, un réfugié hongrois.



Cette bouleversante tragédie laisse peu de place à l’espoir dans ce premier tome d’une saga dont la suite est annoncée … puisse Aïcha et ses compagnes y découvrir les voies d’une liberté dont leurs mères ont été progressivement privées !
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Chanson douce

Dodo, les enfants do, les enfants dormiront bien vite, Louise y veillera.

La chanson est douce,

et le réveil brutal.

Car Louise n'est pas une fée, Louise est un monstre,

Froid.

Une folle, une déséquilibrée, une malheureuse, une mal aimée.

Une pas aimée

qui a tué la prunelle de leurs yeux, pauvres parents.

Leïla Slimani raconte votre calvaire et celui de la nounou qui charme petits et grands,

pour mieux les détruire,

pour ne plus exister.

Glaçant, terrifiant, ce roman formidable est leur histoire.

Dodo, les enfants do, les enfants dormiront bien vite, ils dormiront sans fin, Louise y veillera.

Dommage, Louise avait une belle voix et les enfants tout l'avenir devant eux.

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Le parfum des fleurs la nuit

Un confinement d'une nuit dans le Musée Punta dalla Dogana, à Venise, nous offre ce florilège remarquable de méditations, de réflexions et de citations sur la création artistique et sur la condition humaine.



Ces cent cinquante pages constituent un étrange objet littéraire, loin du roman, territoire sur lequel Leïla Slimani règne depuis quelques années. Pas d'intrigue à proprement parler, pas de héros, mais « cette nuit mes disparus vont me rejoindre » et le souvenir de son père et de l'attaque insidieuse dont il fut victime la hante. Une suite de dissertations, au fil de chapitres brefs dont l'ordre importe peu, en déambulant parmi des oeuvres d'art qu'elle découvre en néophyte et qui font écho à son propre travail de créateur et à son histoire.



Héritière cosmopolite de l'orient et de l'occident, Leïla se retrouve chez elle dans cette ancienne douane vénitienne qui était l'étape obligatoire de tout échange, source d'enrichissements mutuels. Avec l'empathie et la bienveillance qui sont sa marque de fabrique, elle livre ses confidences qui sont un hymne à la liberté et à la création littéraire.



Et je dois avouer que ces pages m'ont bouleversé en étant parfois le miroir de situations vécues, en m'amenant à prendre du recul et de la hauteur, et finalement en me faisant grandir.



Une nuit au musée assurément inoubliable.
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Chanson douce

Chère Mme (ou devrais-je dire Melle?) Slimani,



Je me permets de m'adresser à vous par ce biais pour deux raisons:



D'abbord, laisser moi vous féliciter...pour votre beauté. Oui, vous êtes très belle. Vous avez un visage de Madonne éxotique. Votre sourire s'ouvrant sur une rangée de perles blanches et parfaites embelli encore plus, si besoin est, la douceur de votre visage à la peau resplendissante. Vos yeux de biche brillent de mille feux, illuminant votre frond sans défaut. Je suis une femme, heureuse de l'être, mais je ne suis pas de celles qui trouvent que les autres ne sont belles que parce qu'elles ont la lumière qui les favorisent sur cette photo-ci, ou que les raccords de cette photo-là sont flagrants. Vous êtes très belle, pas seulement jolie, belle un point c'est tout.



Ensuite, parce que je serais heureuse de partager mon ressenti sur votre « Chanson Douce » avec les Babéliotes qui auront la patience de lire ma critique jusqu'au bout. Avec vous aussi, qui sait...Vous êtes peut-être Babelienne vous-même. Et, pour être sincère, bien que mon opinon importe peu, je vous remercie de bien vouloir noter que la chanson n'est pas douce du tout. Elle est froide, elle est plate, elle m'a glacé le sang et m'a quelque peu révoltée. Parce que Louise, fameuse nounou, ne m'a pas convaincue. Je suis restée sur ma faim et sur votre fin qui n'en est pas une. Pour moi, bien sur. La nounou est monstrueuse dès les premières pages, elle donne des envies de meurtres dès le premier chapitre. Il n'y a pas d'excuses pour un crime pareil. Un sloggan de mon adolescence disait « Touche pas à mon pote ». Je dirais « Touche pas à mon gosse ». Quiconque pratique un tel crime sur des enfants est indigne de vivre. En tant que maman, et pas toujours très patiente avec ma Princesse, je préfère me taper la tête contre un mur que de lever la main sur mon enfant. Je gronde, je rale, je cri même...et j'en ai honte. Mais je ne tape pas. Alors tuer...Mais bon, vous avez écrit un roman, c'est donc un roman que je me dois d'apprécier ou non. J'ai trouvé que vous avez laissé dans l'air trop de non-dis, la nounou est superficielle, son portrait trop flou...Les excuses que vous semblez lui accorder (rejet de la société, maladie mentale, solitude) ne servent qu'à me la rendre encore plus antipathique. Mais c'est surement ça, l'objectif. Les personnages des parents restent, eux aussi, à mon goût trop peu creusés. C'est comme si j'avais vu un film à la dernière rangée d'une salle de cinéma trop grande. Écran trop petit parce que trop loin de mes yeux. Et la fin, cette fin qui ne dit rien. Qu'est-ce qui a déclanché le coup de folie assassine ? Qu'ont fait les enfants. Je ne demandais pas de grandes descriptions sanglantes, non-non, surtout pas...mais, pourquoi ? Pourquoi ?



Je crois que quelque chose m'a échappé. Je ne suis pas très futée, vous savez. Vous avez tout de même reçu le Goncourt. Et qui suis-je donc pour juger votre roman, moi qui ne sais même pas si l'avis que je fini de poster va être suffisament clair pour que tout le monde comprenne bien que, sans avoir détesté votre livre, je ne l'ai pas adoré non plus. Je l'ai lu jusqu'au bout, sans aucune contrainte, mais j'en garde un souvenir froid. De glace.



Merci, Mme Slimani.



Signé: Paola93130



Aaaah, mas elle continou à êtrrrre touté maboule, ma pétite Paula. Depuis qu'elle est sour Bébélio, elle s'adrèsse à tous les écribains des libres qu'elle lit. Elle est maluca ! Comme si Moussieur Lemaitre, Melle Slimani ou lé pétit Joël benaient sour Bébélio pourrr saboirrr son opinionne sour ses lectoures. Bon, lé pétit Joël (Dicker), jé comprrrends bien qu'elle loui écribe, parrr page blanche interrrrpôsée : il est téllément mignone, céloui lá...Mas jé loui ai dijà dis qué les écribains, ça né bient pas sour Bébélio, c'est Moussieur SZRAMOWO qui mé l'a dit...

Signé : Grand-Mère Conceição
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Le Pays des autres, tome 2 : Regardez-nous ..

Le premier tome de la saga Le pays des autres nous avait fait quitter Amine et Mathilde Belhaj dans l’agitation d’un Maroc à la veille de l’indépendance de 1956. Nous retrouvons le couple franco-marocain à la tête de son exploitation agricole de Meknès, devenue en cette année 1968 un domaine prospère dans un pays qui a retrouvé le calme.





L’aisance des Belhaj les classe désormais parmi l’élite du pays, leur permettant de se mêler aux riches Français restés sur place. Cette apparente égalité cache toutefois mal l’insidieuse et méprisante suffisance des anciens colons. Déchirés par leur ambiguïté face à ces Occidentaux qu’ils sont fiers d’imiter et de fréquenter tout en étant douloureusement conscients de leur assujettissement, ils trouvent un apaisement dans la réussite de leur fille Aïcha, devenue médecin après des études en France, mais vivent très mal les aspirations à l’émancipation de leur fils Sélim. Il faut dire qu’à chaque revendication au changement, la répression du pouvoir royal est violente, ensanglantant les manifestations étudiantes et réduisant au silence les opposants politiques, comme ces militaires publiquement exécutés après leur tentative avortée de coup d’état.





Pourtant, dans ce Maroc, où, plus de dix ans après l’indépendance, rien en semble avoir vraiment changé entre les privilégiés qui mènent grand train et le reste de la population qui vit dans la misère, le vent encore timide de la liberté ne semble demander qu’à prendre de l’ampleur, au travers de quelques esprits soucieux de l’identité et des spécificités marocaines, de femmes au tout début de la conquête d’une difficile émancipation, ou de jeunes hippies curieusement rassemblés à Essaouira.





Passionnante, cette vaste fresque se vit de l’intérieur, au travers d’une famille inspirée de celle de l’auteur. Histoire intime et évocation historique se mêlent ainsi étroitement pour donner à la narration intensité et profondeur, dans une reconstitution sensible et habitée dont le souffle n’a d’égal que sa subtilité. Ce deuxième tome que l’on pourra lire de préférence, mais pas nécessairement, après le premier, est une nouvelle réussite qui fait attendre impatiemment l’ultime volet de la trilogie.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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