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4.08/5 (sur 6 notes)

Nationalité : Belgique
Né(e) : 1906
Mort(e) : 1996
Biographie :

Léo Moulin, né à Bruxelles en 1906 et y décédé en 1996, est un sociologue et écrivain belge de langue française. Ancien pensionnaire de la Fondation Jean Jacobs à Bologne, il devint professeur à l'Université catholique de Louvain et aux Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur ainsi qu’au au Collège d'Europe à Bruges.

Il est l’époux de la poétesse et essayiste Jeanine Moulin et le père du compositeur de jazz Marc Moulin.

Il fut aussi président de l’Institut belge de science politique.

En dehors de ses travaux d’érudition, il ne dédaignait pas se consacrer aux joies de la gastronomie et fut vice-président de la Fédération internationale de la presse gastronomique et du vin.

Source : Wikipédia
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Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Les vertus du cuisinier :

Les Coutumiers précisent ce que doit être un cuisinier (coquinarius) digne de ce nom. Voici ce qu'en dit par exemple, celui de l'abbaye anglaise d'Eynsham : «le cuisinier sera de cœur humble, d'âme bénigne, ruisselant (exuberans) de miséricorde, regardant pour lui-même, le refuge des malades : sobre et réservé, il sera le bouclier des pauvres, le père de la communauté ». L'Encyclopédie (XVIIIe siècle) va jusqu'à écrire que les cuisiniers ne boivent pas de vin, de crainte de se blesser le goût : avis à nos grands chefs !

Le coquinarius devra veiller en outre à ce que ses aides ne fassent pas de bruit en cuisine durant les repas ; à ce que la vaisselle et les casseroles soient propres, et propre aussi le fond des plats afin de ne pas salir la nappe.
Les coutumiers ne cessent de l'affirmer : dans la cuisine, il est le seul maître à bord. Il y est dit que l'abbé lui-même ne doit y mettre les pieds que pour des raisons impératives qui n'ont rien à voir avec ce qui mijote dans les pots. « On doit lui obéir, dit un texte des Jésuites, avec beaucoup d'humilité en tout ce qui touche au travail, et lui rendre toujours une obéissance parfaite ». Il ne doit pas « prier » de faire ceci ou cela, mais commander (« avec modestie »), en disant : « Fais ceci ou cela ». De la sorte, écrivent encore les Constitutions, « celui qui obéit doit considérer.... les paroles qui sortent de la bouche du cuisinier … comme si elles sortaient de la bouche du Christ ».
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« J’ai voulu dire ce que fut pour moi la foi laïque dans laquelle j’ai baigné jusqu’à mes trente ans environ, quelle a été mon évolution depuis, et pourquoi, militant pour l’Europe, je me suis penché tout particulièrement sur les valeurs chrétiennes, les problèmes de l’Eglise catholique, le caractère religieux de l’Homme et sons sens du sacré. […]
J’ai perdu la foi laïque sans accéder pour autant à la foi chrétienne. Certains de mes amis chrétiens s’en étonnent : « Puisque vous avez dans votre gibecière tant d’excellents arguments et contre la foi laïque et en faveur de la foi chrétienne, comment pouvez-vous encore ne pas croire ? » Je réponds invariablement que, si le mystère de la Foi est grand, celui de l’absence de foi l’est tout autant, même et surtout si ne s’y substitue pas quelque succédané, idéologie ou philosophie morale, comme c’est souvent le cas. Par ailleurs, la Foi n’est pas le résultat logique d’une série d’arguments, fussent-ils irréfutables. Elle n’est pas le chiffre en-dessous de la barre d’addition. Elle est, selon moi, une donnée immédiate de la conscience et du cœur sur laquelle l’intelligence peut s’exercer, et cela de façon d’autant plus pénétrante que celle-ci est éclairée de l’intérieur par les lumières de celle-là. » (p 7)
« Je dois beaucoup à l’Université de Bruxelles. J’y ai été formé à pratiquer le libre-examen, le doute philosophique, à en accepter les rigueurs et les exigences, à me soumettre aux conclusions auxquelles son exercice me menait. » (p 22)
« A mes yeux, le devoir le plus élémentaire de l’intellectuel est de rester fidèle, à travers tout, à ce qui le définit, l’authentifie et l’explique ; à son rôle, à sa vocation et à sa fonction, qui lui enjoint de n’utiliser que les moyens de la raison […] affranchie des préjugés, des stéréotypes et des passions. Cela suppose une lucidité critique, une impartialité et une volonté d’être impartial et objectif, un courage intellectuel qui lui fait dire tout haut ce que les autres osent à peine penser tout bas. » (p 23)
« Je suis arrivé aux positions que je défends aujourd’hui dans l’esprit même de la laïcité la plus pure, pas à pas, en un long cheminement sans heurts, par approfondissements successifs. Il n’y eut pas de conversion subite, […] ni d’état de manque ou d’angoisse métaphysique. Simplement il y eut la volonté tenace de découvrir, à tout prix, la vérité, fût-elle « frêle comme un papillon de mai », et douloureuse ; de rester fidèle, à travers tout, aux exigences les plus radicales d’une pensée libre. » (p 24)
« Pour rester fidèle au propos initial de ce livre, à savoir dire ce qui peut expliquer mon itinéraire intellectuel de 1930 à 1990, je m’attarderai sur le facteur religieux. Ma réflexion sur le destin particulier et, pour tout dire, unique de l’Occident m’a amené à privilégier celui-ci comme élément majeur d’explication. […] L’intuition que j’eus à cette époque du rôle décisif, positif ou négatif, que joue le facteur religieux dans l’histoire des peuples m’incita à étudier, notamment du point de vue de la réussite sociale et économique, les innombrables sectes, « religions », Eglises […] qui prolifèrent partout. […] J’en tirai la conclusion que le fait religieux est la véritable infrastructure d’une société (pour parler en termes marxistes), l’économie, les arts, la philosophie, la technique, les sciences étant, à bien des égards, la suprastructure, en relation dialectique avec cette infrastructure. (p 47-48)
Et si le sentiment religieux faisait partie intégrante du processus d’hominisation ? A supposer d’ailleurs que la religion ne soit qu’une invention de l’homme des cavernes pour échapper à l’emprise de ses terreurs animales, peut-on nier que ce « produit » de l’aliénation primitive, non seulement s’est prodigieusement enrichi, mais aussi et surtout a fait de l’homme ce qu’il est aujourd’hui ? Et que son affaiblissement est une des causes de la crise que vit notre société ? » (p 96)
« Pour moi, ce qu’il y a de valable et d’authentique dans les processus de sécularisation valorise et authentifie a contrario ce qu’il y a d’essentiel, d’irréductible et de spécifique dans le fait religieux. Ils dégagent une religion épurée, clarifiée, enfin débarrassée du fardeau encombrant dont l’avaient surchargée l’immaturité des hommes et le poids de l’histoire, une religion adulte s’adressant à des adultes, ceux-ci se révélant capables, dès lors, d’entamer le dialogue avec l’agnosticisme, les autres religions et les autres Eglises. (p 139)
Certaines infiltrations séculières nuisent, à n’en pas douter, au religieux, quand elles ne l’anéantissent pas : lorsqu’elles s’attaquent à des structures rouillées par les siècles, à ce que Romano Guardini appelle « des cadavres de gestes » et des « fantômes de mots », aux ignorances profondes des fidèles, aux aspects les plus extérieurs, c’est-à-dire les plus vulnérables de l’édifice, elle peuvent troubler un sentiment religieux infantilement vécu, réduit à l’état de convention sociale ou d’assurance tous risques. Mais elles ne blessent pas le cœur d’une croyance authentiquement vécue. Elles peuvent impressionner les masses et l’homme-masse d’aujourd’hui ; elles ne peuvent effacer le ‘levain’, ni le ‘sel de la terre’. » (p 140)
« Si sécularisé qu’il soit, croie ou veuille être, l’homme ne cesse jamais de jouer « à cache-cache avec le sacré » (R. Bastide).
En 1971, parlant de l’utopie, le Pape Paul VI estimait que « cette forme de critique de la société existante provoque souvent l’imagination prospective à la fois pour percevoir, dans le présent, le possible ignoré et pour orienter un avenir neuf ». De son côté, A. Macheret, recteur de l’Université de Fribourg, écrit : « Les utopistes ont généralement en commun le mérite de se démarquer des pesanteurs du quotidien et de poser des questions essentielles. » (p 168)
La seule question qui se pose aujourd’hui est de savoir quel type de religion orientera les esprits au siècle prochain. […] A moins que l’homme d’aujourd’hui, l’homme grégaire unidimensionnel, post-historique, « le dernier homme » de la philosophie nietzschéenne, n’opte définitivement pour la société consumériste – voiture, loisirs, défense des acquis sociaux, vacances, panem et circenses – dans laquelle il s’ébroue déjà. Dans ce type de société, le religieux n’interviendra plus que sporadiquement, pour le réveillon de Noël, la Toussaint et Pâques ; il n’éclairera plus la vie, la pensée et le cœur des hommes, l’astrologie, un paganisme sans grandeur, des traces d’animisme, un magma confus d’espoirs et de craintes y suppléant. C’est une hypothèse qui n’est pas à exclure. En fait, elle prend déjà corps sous nos yeux. » (p 173-174)
« La Foi, pour moi, est le fruit d’une rencontre, et celle-ci est exigeante ; elle doit pénétrer, imbiber la vie entière, et chaque moment de la vie. La Foi, ce sont des retrouvailles avec une personne aimée et longtemps attendue, « espérée » dit-on en castillan. Elle ne peut donc être modernisée, au sens où l’entendent certains catholiques « honteux » […]. Elle n’est ni « une intelligence des choses cachées », ni un savoir, ni une sagesse, même si elle ne refuse l’appui ni de l’un ni de l’autre, son histoire le prouve amplement. L’Incarnation ne peut être « naturalisée », ni le message chrétien réduit à un discours pour intellectuels, à une Déclaration des Droits de l’Homme plus ou moins remise à neuf, à un code moral intemporel, ou à un spiritualisme. Pour moi, théologien de quatre sous, la Foi se situe ailleurs. A la limite, elle est même autre chose que ce que j’appelle les valeurs chrétiennes. Le Message évangélique est certes porteur de ces valeurs, mais il est plus que leur somme et autre chose encore. » (p 191)
« La crainte d’être « mobilisé » [par les grandes houles populaires chargées de l’irrationnel le plus fou, les effervescences idéologiques, les utopies et les modes intellectuelles] a sans doute, sinon éliminé totalement, du moins affaibli considérablement en moi le besoin de croire, me laissant « amputé de l’éternel », comme dit Malraux. Non que je sois tenté de penser que « croire » est une forme de chute dans l’irrationnel, une aberration mentale que seule peut expliquer la grande peur de la mort : je respecte trop la Foi de mes amis chrétiens et leur manière de la vivre pour commettre une erreur aussi grossière. Pour ce qui concerne plus spécifiquement la Foi chrétienne dans son expression catholique, [lectures et échanges de vues] m’ont donné une idée que j’ose dire suffisamment éclairée pour ne point trop rougir de mon ignorance. Attitude, relève le père Bonnet, dominicain, qui « gêne les théologiens dans leurs chasses gardées et les politiques dans leurs dévotions totémiques », aussi bien que mes amis de la laïcité militante enfermés dans leurs absolus, et pleins d’inquiétude quant à mon devenir spirituel. » (p 204)
« J’écris non pour le plaisir d’écrire, moins encore pour fuir la réalité, mais pour sentir en moi monter une certaine plénitude du cœur et de l’âme, vibrer la joie indicible d’aller au-devant d’une parcelle, même infinitésimale, de vérité. […] Enivré de vivre un moment de lucidité, si cruelle soit-elle. Telle devrait être l’image du monde de ceux qui se disent incroyants, du moins s’ils veulent rester fidèles à eux-mêmes, à la logique de leur refus radical de toute forme de religiosité, de toute consolation à bas prix ou d’espoirs frelatés. Assumer un monde nu et privé de sens. » (p 206)
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Étrange destin que celui du mot "recette". Il vient du latin recepta, qui est le participe passé du verbe recipere, "recevoir". Le premier sens (XIe siècle) est celui de "lieu où l'on se retire" (sens que le mot italien ricetto a encore : "refuge", "asile"). De là, par on ne sait quel merveilleux détour, il passe, au XIIIe siècle, à l'un des sens actuels : "ce qui est perçu en argent", puis "action de recevoir de l'argent pour le compte de quelqu'un" (d'où au XVIIe , "charge du receveur des contributions et bureau où il en fait l'exercice"). .... Parmi la douzaine d'acceptions proposées par Littré, voici enfin notre définition, au sens d'indication reçue (on voit le lien) : "procédé dont on se sert dans les arts, l'économie domestique" (1393). Et de citer Voltaire parlant de la recette d'un potage. Le mot dans ce sens apparaît au XIVe siècle. Mais il ne devait pas être familier, car Furetière (XVIIe siècle) l'ignore.
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Au cours de son existence, l'homme mange de 75000 à 100000 fois et consacre, à cet exercice, de 13 à 17 années de sa vie éveillée, supposée être de 16 heures par jour.
Le Boire et le Manger méritent donc que l'on s'y intéresse. Car, "il n'y a rien dans l'intellect qui n'ait d'abord passé par les sens, écrit le philosophe Michel Serres, ... il n'y a rien dans l'intellect si le corps n'a roulé sa bosse, si le nez n'a jamais frémi sur la route des épices..."
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L'internationalisation de la « grande cuisine », d'origine française, laquelle s'étend (avec des succès divers) à l'Europe occidentale tout entière ; le succès du fast food, phénomène de société s'il en est, intimement lié à l'éclatement de la famille traditionnelle et du « socle » culturel sur lequel s'élevait le repas familial ; la multiplication, dans tous les pays d'Europe, des restaurants étrangers ou exotiques, chinois, indonésiens, grecs, arables, qui tout en rompant la régularité des cuisines nationales et en diversifiant les goûts, participent à la formation d'une certaine unité nutritionnelle européenne ; les magasins à rayons multiples, grandes surfaces ou négoces spécialisés qui présentent, dans chaque pays, le même richissime assortiment de mêmes produits nouveaux ou « désaisonnalisés », venant, hors saisons, de toutes les régions du monde, et présentés de la même façon, sous cellophane, lavés, coupés, surgelés, lyophilisés – si bien que l'extrême diversité aboutit à l'extrême monotonie ; les succès de la « nouvelle cuisine » qui, passé le très mauvais moment des extravagances et des erreurs de goût, a réussi à s'imposer, un peu partout en Europe, la légèreté de ses préparations (sinon de la note!), la beauté de sa présentation, sa volonté de libérer la cuisine de l'homme moderne des codes et des carcans du siècle dernier. Enfin, il n'est pas jusqu'à la multiplication des voyages, des croisières et des séjours à l'étranger qui, en amenant les cuisines locales à se plier aux goûts du touriste, quand ce n'est pas en essayant d'imiter la grande cuisine internationale, ne finisse par homogénéiser dans la pire direction, les goûts et les saveurs du monde entier, au détriment de toute authenticité. Certaines régions de l'Italie, de l'Espagne, de la Tunisie, sont, à cet égard, véritablement sinistrées, du moins du point de vue gastronomique.

L'ouverture spontanée de la société européenne à la nouveauté agit évidemment pour décloisonner, volens nolens, les cuisines nationales. Il est bien, personne ne le contestera, qu'il en soit ainsi ; mais c'est un peu de notre âme qui s'affadit, comme une vieille photographie, émouvante à force d'être fragile.

Bref, il y a quelque chose de fatal dans l'homogénéisation de la civilisation mondiale. C'est là, me semble—il, une des bonnes raisons de nous accrocher aux cuisines du terroir. Elles sont ce qui survit de nos racines lointaines (ou ce qui nous permet d'entrer en contact avec les autres terroirs de notre pays et de l'Europe entière).
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Ceux qui déplorent le raffinement en cuisine mais qui poussent au maximum la recherche et ses accomplissements dans les autres secteurs de l'art, non seulement sont en contradiction avec eux-mêmes, mais encore oublient, ou, s'efforcent d'oublier, tout ce qu'il y a d'affectif, à côté du gustatif et du symbolique, dans le fait de la convivialité et de l'hospitalité, au sens premier du terme, l'art de bien recevoir. « Convier quelqu'un, écrit Brillat-Savarin, c'est se charger de son bonheur pendant le temps qu'il est sous votre toit ». Tamquam Christus, dit la Règle bénédictine plus sobrement. Le plus humble des foyers qui reçoit des amis, fût-ce « à la bonne franquette », comme on dit, ne raffinera-t-il pas sur son menu ? Leur offrira-t-il ce qu'il mange tous les jours ? Ou bien par quelque recherche culinaire, quelque nouveauté, fût-elle coûteuse, quelque raffinement exceptionnel, ne voudra-t-il pas leur signifier toute l'amitié qu'il leur porte ? …..
Le véritable chant d'amour que Michel Serres prononce en l'honneur du Château Yquem (et comme on le comprend) n'est pas du « bavardage ». Le raffinement en cuisine,la recherche de la nouveauté, les rappels subtils du passé, de la vie paysanne, d'un pays lointain, insérés dans les courants d'une tradition créatrice, la rupture des goûts dans le déroulement d'un repas – tout cela est-il superflu ? Pour l'ignorant, tout peut se réduire à dire : « ce vin est bon ». Pris sous cet angle, les cinq actes de Phèdre peuvent se résumer en une sombre histoire de belle-mère sur le retour. Mais pour les gens évolués, cultivés, raffinés précisément ?
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Certains goûts peuvent nous paraître peu raffinés, et ils le sont par rapport à nos critères de civilisation. Je crois pourtant qu'à l'intérieur d'un système culinaire qui, pour nous, est barbare, ou grossier, il est possible de déceler des formes de recherches et de raffinements qui attestent que nous ne sommes pas les seuls à être « civilisés » en matière de cuisine.
Le grand cuisinier romain Apicius (1er siècle après J.C) donne une recette de « tétines de truie ». Nous nous récrions. A la lecture, il s'avère qu'il s'agit du ventre de la truie : c'est du lard maigre. En outre, il est question d'une truie tuée le lendemain du part, autrement dit : de la mise bas. Le fait important, à mes yeux, c'est que notre maître-cuisinier fasse la différence entre la chair d'une truie non pleine, la chair d'une truie pleine et la chair d'une truie qui a mis bas, et cela, à un jour près. C'est du raffinement au sens premier du terme : « acte qui dénote de la recherche, une grande et subtile délicatesse de perception et de goût ». L'équivalent de l'oreille musicale sur un autre plan. On peut répondre que cela ne nous plaît guère ou, même, ne nous tente pas. En avez-vous fait l'expérience ? Vous reprochez à cette recherche d'aller trop loin : pour beaucoup de gens, la différence entre un Beaujolais primeur et un Romanée-Conti 1969 n'est pas évidente et, dans tous les cas, ne vaut pas l'écart des prix.
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Les regrattiers avaient été, à l'origine, ceux qui revendaient du sel en petites mesures dans les pays de Gabelle. Plus tard, le mot a désigné des fripiers, des revendeurs de marchandises de seconde main oui de piètre qualité. Ceux qui exerçaient le métier de regrat ou de regratrie ne pouvaient pas acheter avant que les bourgeois ne se fussent fournis ; ils ne pouvaient aller au devant des marchandises, ou en acheter ailleurs que sur les ports, et en quantités limitées. Le métier finit par se spécialiser dans l'achat des restes des tables somptueuses. Ceux qui procédaient à la vente de la desserte des tables royales, portaient le le nom de Serdeau. Il va sans dire que ces usages se prêtaient à une multitude de trafics, pas toujours à l'abri de tous reproches, mais qui offraient l'avantage aux deux compères, le cuisinier et le regrattier, de faire chaque jour, quelques bonnes affaires, et aux pauvres, d'avoir une idée de ce qui faisait les délices des plus riches.
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Manger avec les doigts, en puisant à même le pot, ne favorisait certes pas les belles manières à table.
Jean Sulpice, auteur d'un libellus de moribus in mensa servandis (vers 1480) recommande de ne pas tenir longtemps les mains dans le plat. Ou, après avoir "frotté de la main quelque partie du corps déshonnête", de s'en servir pour "éparpiller la viande avec les doigts". Des doigts poisseux, "sales et gras", précise Erasme (1530) qui écrit que c'est "d'une incivilité bien grande.... de les lécher, ou de les essuyer à son vêtement. -Il sera plus honnête, ajoute-t-il de les essuyer à la nappe". De même, si le nez est "morveux", il est "vilain et honteux", de se moucher dans les doigts et de puiser ensuite dans le "pot" de la compagnie.
...
Anne d'Autriche, la mère de Louis XIV, n'hésite pas à plonger "ses belles mains" (ce sont les poètes qui le disent) en plein ragoût, afin de "porter à son bec... - maintes savoureuses pâtures, tant de chair que de confitures.
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Solitudo, inclusio, silentium. Ces mots qui définissent la vie cartusienne (= des Chartreux), lequel de nos contemporains n'a pas éprouvé la nostalgie de les vivre ? Ecoutons saint Pierre Damien dénonçant ceux qui courent de tous côtés : "Cette peste de bougeotte (...) et consument ainsi leur vie vainement. (...) Le silence, loin des bruits du siècle, qui permet de penser à l'essentiel, ce dialogue avec soi-même au sein de la communauté qui nous entoure sans cesse (...)"
Marcel Proust disait que les livres sont les enfants de la solitude et du silence. Ne le savions-nous pas ? Ignorons-nous que tout ce que l'homme fait de beau et de grand, il l'accomplit dans la quiétude de l'âme et la paix des ateliers, des bibliothèques et des laboratoires - ou des cellules des religieux ?
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