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Citations de Leonardo Padura (882)


Malgré quelques aménagements récents, le vieux quartier chinois de la Havane était toujours un endroit sordide et oppressant où pendant des décennies s'étaient entassés les Asiatiques arrivés dans l'île avec le vain espoir d'une vie meilleure et même le rêve, vite assassiné, de s'enrichir. Même si au cours des dernières années les anciennes sociétés chinoises, de plus en plus obsolètes, avaient retardé leur prévisible mort naturelle en se transformant en restaurants - leurs plats gras étaient à des prix de moins en moins modiques - qui avaient donné une vie et une ambiance au quartier, la géographie de la zone continuait à exhiber, presque avec cynisme, une furieuse détérioration...Ces vieux édifices du début du XXe siècle, dont beaucoup transformés en solares où s'entassaient plusieurs familles, avaient oublié depuis longtemps l'éventuel charme qu'ils avaient sans doute eu un jour et, dans leur décadence irréversible, ils offraient un panorama de pauvreté compacte, Noirs, Blancs, Chinois et métis de tout sang et de toute croyance cohabitaient là dans une misère qui ne faisait aucune distinction entre les nuances de couleur et les origines géographiques, les rendant tous égaux et les poussant à une lutte pour la survie qui les rendait généralement agressifs et cyniques, comme des êtres désormais étrangers à toute forme d'espoir.
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Au début, seuls Horacio puis Clara savaient que Darío avait grandi en étant souvent en butte au mépris, à l’exclusion et même à la violence parce que depuis toujours il était ce qu’il était, quelqu’un de différent ; un petit con toujours dans son coin qui lisait des livres et allait tous les jours à l’école. Qui, même avec ses pantalons rapiécés, était, grâce à ses notes, le premier de la classe et l’exemple à suivre, celui qui était toujours élu étudiant d’avant-garde chez les pionniers et auquel on avait même accordé le privilège de sauter une classe.
(page 113)
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L'évaluation des livres prit une demi-heure, pendant laquelle ils burent deux cafés et, grâce à l'opiniâtreté de Condé, ils se mirent d'accord sur un chiffre qui leur sembla satisfaisant pour tout le monde. Quand le Conde prit place sur le canapé, Yoyi le Palomo préféra rester près de l'une des fenêtres aux verres de couleur, comme le boxeur qui attend dans le coin neutre la fin définitive du comptage ou le signal de la reprise du combat. Le frère et la soeur Ferrero s'installèrent dans les fauteuils et le Conde trouva pathétique la nervosité évidente de leurs gestes ; il pensa que la faim et les principes, la misère et la dignité, les privations et l'orgueil étaient des couples difficiles à marier.
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Bouddha avait raison, on a beau tenter de projeter beaucoup de lumière, l’obscur génère toujours de l’obscurité.
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page 85
[...] La Havane, c’était de la folie : je crois que c'était la ville la plus vivante du monde. Paris ou New York, de la merde, oui ! Beaucoup trop froides ... Pour la vie nocturne, il n'y avait pas mieux qu'ici. C'est vrai qu'il y avait des putes, la drogue, la mafia, mais les gens s'amusaient et la nuit commençait à six heures du soir et ne finissait pas. Tu t'imagines, dans une même nuit tu pouvais prendre une bière à huit heures en écoutant les Anacaonas aux Aires Libres sur le Prado, dîner à neuf heures avec la musique et les chansons de Bola de Nieve, puis t'asseoir au Saint-John pour écouter Elena Burke, ensuite aller dans un cabaret pour danser avec Benny Moré, ou avec les groupes Aragon, Casino de Playa, Sonora Matancera, te reposer un moment en savourant les boléros d'Olga Guillot, de Vicentico Valdés, de Nico Membiela ... ou aller écouter les jeunes du feeling, José Antonio Méndez avec sa voix rauque, César Portillo et, pour finir la nuit, à deux heures du matin tu pouvais faire un saut à la plage de Mariano pour assister au spectacle du Chori frappant sur ses timbales, et toi, là, comme si de rien n'était, assis entre Marlon Brando et Cab Calloway, à côté d'Errol Flynn et de Joséphine Baker. Et après, si tu n'étais pas complètement mort, tu pouvais descendre à La Gruta, là sur la Rampa, pour te retrouver au lever du jour, emporté par le jazz de Cachao, Tata Güines, Barreto, Bebo Valdès, le Noir Vivar et Frank Emilio qui faisaient un bœuf avec tous ces fous qui étaient les meilleurs musiciens que Cuba ait jamais eus ! Ils étaient des milliers, la musique était l'atmosphère et elle était à couper au couteau, il fallait l'écarter pour pouvoir passer ... Et Violeta del Rio faisait partie de ce monde ... [...]
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Quand un requin se baigne, il éclabousse .
( Proverbe cubain )
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Chaque fois qu’il le pouvait, Horacio assassinait le temps, qui pour lui aussi avait augmenté depuis qu’il était docteur en sciences physiques, en allant s’asseoir sur le muret du Malecón pour regarder la mer et, si ses neurones se réveillaient, réfléchir. Il contemplait la mer et il se demandait si les flots bleus avaient toujours la même couleur, la même densité et la même composition que trois ou quatre ans plus tôt, ou trois ou quatre siècles plus tôt. La masse liquide semblait incontestablement plus impénétrable, augmentant la sensation d’enfermement, de condamnation, d’asphyxie : l’évidence d’un prodigieux changement physique et chimique, ou la preuve d’une insurmontable insularité légale, géographique et spirituelle.
(page 96)
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Depuis qu’il avait quitté Cuba, près de quinze ans plus tôt, en se promettant de ne jamais revenir, Irving avait fait le même cauchemar que tous les Cubains jetés dans l’exil : il revenait un jour sur l’île et… on ne le laissait pas repartir. Il avait beau expliquer, dire qu’il n’avait rien fait de mal, supplier… il était piégé sans issue possible.
(page 137)
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Par la mer, par la terre, par les airs, par les frontières nord, sud, ouest. Par le détroit de Floride, les chutes du Niagara, les confins du Mexique ou, via Moscou, jusqu’au lointain détroit de Béring et les neiges de l’Alaska… Durant les dernières années de sa vie à La Havane, Marcos le Lynx était devenu une véritable encyclopédie des stratégies, moyens et systèmes pouvant permettre aux Cubains d’entrer aux États-Unis pour y obtenir le statut qui leur assurait au bout d’un an et un jour un titre de résidence légale. Marcos avait énormément d’amis qui avaient testé l’un ou l’autre de ces moyens, beaucoup d’entre eux avec succès.
(page 45)
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Vers la fin des années 1980, quelques mois après avoir subi l'opération réussie d'un cancer de la prostate, Daniel, poussé par cet avertissement de la mort et tout juste rétabli, surprit sa famille en prenant la décision de se rendre à Cracovie où il n'avait jamais voulu retourner. De plus, contre toute attente, Daniel Kaminsky choisit de faire ce voyage de retour aux sources, comme l'appelaient les juifs ashkénazes du monde entier, seul, sans sa femme ni son fils. A son retour de Pologne, où il passa une vingtaine de jours, l'homme, plutôt loquace en général, fit à peine quelques commentaires d'ordre général et très superficiels sur son périple vers son lieu de naissance : la beauté de la place médiévale de la ville et l'impressionnante mémoire vive de l'horreur synthétisée par Auschwitz-Birkenau, la visite du ghetto où les juifs avaient été confinés, l'impossibilité de retrouver la maison qui aurait pu être la sienne dans le quartier Kasimir, la visite de la Nouvelle Synagogue avec ses candélabres sans bougies, funèbre dans la solitude d'un pays encore dépeuplé de ses juifs et malade d'antisémitisme. Mais le choc des retrouvailles avec le cordon ombilical de son passé que pendant des années il avait tenté de couper dont il semblait même avoir réussi à se libérer depuis longtemps, avait ébranlé les recoins les plus sombres de sa conscience. Quelques mois plus tard, il rédigea enfin cette confession inattendue.

page 101
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Assis sur le sable, le dos appuyé au tronc d'un casuarina, j'allumai une cigarette et ferrmai les yeux. Dans une heure le soleil se coucherait, mais comme cela devenait habituel dans ma vie, je n'éprouvais aucune impatience et n'avais aucune expectative. Ou plutôt je n'avais presque rien : et presque sans le presque ! Tout ce qui m'intéressait à ce moment-là, c'était le plaisir de voir arriver le crépuscule, ce cadeau de l'instant fabuleux où le soleil s'approche de la mer argentée du golfe et dessine un sillage de feu à sa surface. Au mois de mars, avec la plage pratiquement déserte, la promesse de cette vision m'apportait une sorte de sérénité, un état proche de l'équilibre qui me réconfortait et me permettait de croire encore à l'existence palpable d'un petit bonheur, fait à la mesure de mes maigres ambitions.
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Et tandis que Walter rembobinait et sortait du Zenith le rouleau de pellicule Orwo qui était terminé, le Clan, souriant, se dispersa. Comme poussière dans le vent.
(page 132)
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Il apprit aussi, pour toujours, que la libération des pires instincts de la masse manipulée est plus facile à exploiter qu’on ne le croit généralement.
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La conquête de Hialeah par les Cubains avait fini par chasser même les familles nord-américaines, les plus résistantes et, à son arrivée dans la ville, Marcos put se rendre compte que les rares qui résistaient encore le faisaient en plaçant une bannière étoilée dans un endroit visible de leurs habitations, peut-être pour se rappeler à eux-mêmes dans quel pays ils vivaient.
(pages 51-52)
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Un écrivain, c’est un magasin de mémoires. On écrit en fouillant dans sa mémoire et dans celle des autres, acquises par les plus diverses stratégies d’appropriation. L’écrivain crée un monde à partir de tout cela. “… Construire un monde, cela veut dire construire les ramifications de complicité qui existent entre les personnages qu’on utilise, les citations, les mythes, les références, les lieux symboliques, les lieux de la mémoire”, selon Manuel Vázquez Montalbán…
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Ils avaient la chance de vivre à New York et il fallait profiter de tout ce que New York leur offrait (New York qui, en fait, avait tout et n’offrait rien), disait-elle souvent. Quant à Cuba, mieux valait ne pas en parler.
(page 31)
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Le garçon sourit à nouveau. Adela se dit qu’il lui plaisait bien, ce spécimen de macho insulaire cent pour cent made in Cuba, charriant tous les attributs visibles de sa condition et les tares les plus courantes liées à ses origines.
(page 26)
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Un homme amoureux devient un être irrationnel.
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La métaphore qui explique peut-être le mieux la conjoncture dans laquelle nombre d’entre nous ont vécu au cours des dernières années, je la dois à mon ami Fernando, auteur de la théorie du septième kilomètre.… Selon lui (il assure que cette découverte est le fruit de profondes méditations), les Cubains se sont lancés dans une course de dix mille mètres et, depuis plusieurs années, nous courons le septième kilomètre. C’est-à-dire que nous sommes arrivés au moment où, plus proches de l’arrivée que du départ, nous avons usé le meilleur de nos forces, mais il nous reste le tronçon le plus dur de la course et, comme le septième kilomètre semble infini, nous ne savons pas si notre énergie sera suffisante pour le dépasser et sentir que nous pouvons arriver à la fin d’un parcours qui, en plus, semble élastique, car le but tend à s’éloigner à chaque fois que nous croyons l’avoir entrevu au loin. “Tous les jours, quand je me réveille, je sens que je suis au septième kilomètre, me dit-il, et, bien que j’ignore si je vais résister, je m’en vais courir de nouveau, mais pas comme cet imbécile de Forrest Gump : je sais pourquoi je cours. Je suis conscient que si je m’arrête, je me mets hors-jeu, et pour vivre avec un minimum de bien-être, je dois rester sur la piste et courir, continuer à courir. Tu sais quoi ? La course finit par devenir une fin en soi et le but n’est plus d’arriver, mais de résister et de continuer à courir.”
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“Buenos Aires est une ville spectaculaire. Quand on a le temps, bon, des fois comme on a beaucoup de temps et qu’on aime les villes, on part se promener et, des fois, on va loin pour découvrir cette ville immense et on monte (j’ai appris qu’ici on ne peut pas dire on prend, prendre en argentin, c’est synonyme de baiser) dans le métro ou un bus, qu’on n’appelle pas guagua mais colectivo (ici, un guagua, c’est un môme, tu peux imaginer ce que veut dire prendre un guagua ! )”

( Un cubain en exil qui écrit )
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