Citations de Léonor de Recondo (1066)
De la vie, on ne garde que quelques étreintes fugaces et la lumière d'un paysage.
L'amour est là, où il ne devrait pas être, au deuxième étage de cette maison cossue, protégé par la pierre de tuffeau et ses ardoises trop bien alignées, protégé par cette pensée bourgeoise qui jusque là les contraignaient, et qui, maintenant leur offre un écrin. Point de velours cramoisi, point d'alcôve confortable, mais un lit de fer et une couverture de laine qui leur gratte la peau. L'éblouissement à portée de doigts et de langues.
L’amour est là où il ne devrait pas être, au deuxième étage de cette maison cossue, protégé par la pierre de tuffeau et ses ardoises trop bien alignées, protégé par cette pensée bourgeoise qui jusque-là les contraignaient et qui, maintenant, leur offre un écrin.
Huguette, saisie par la beauté de cette musique, reste sur le pas de la porte avec son plateau. Elle écoute et, surtout, elle remarque la gravité du visage de Victoire, complètement absorbée par la délicatesse avec laquelle les notes sortent de ses mains. Poser doucement la pulpe de ses doigts sur la touche, appuyer juste ce qu'il faut pour en avoir l'âme blessée.
Mais tu es partie ; sans prévenir, tu es partie ;
chaque jour, ensuite, je me suis passée de toi, tu m’y as forcée ;
j’ai respiré sans toi, tu m’y as obligée ;
du jour au lendemain ; j’existais, je n’existe plus ;
j’étais la prunelle de tes yeux, tu deviens aveugle ;
j’étais ton cœur, il bat ailleurs ;
c’est aussi simple que ça ?
Le bonheur, ça ne dit rien, ça se tait.
Les tailleurs de pierre riaient de voir cet enfant de la ville, si prompt à les suivre dans la poussière, s'y frotter avec autant de plaisir. Voyant que les adultes ne lui prêtaient pas volontiers leurs ciseaux, il commença à dessiner tout ce qu'il voyait. Et les tailleurs cessèrent de rire tant le talent de l'enfant dépassait l'entendement. Certains prétendirent même que le diable y était pour quelque chose. Mais Michelangelo ne les écoutait déjà plus. Un chemin lumineux et sanguin s'était ouvert en lui et il s'était promis de le suivre toute sa vie.
Ils se tiennent tous les trois, les corps battants, les cœurs à l'arrêt, s'engouffrant sans hésitation dans ce monde glissant, fiévreux, exaltant, de l'amour.
— C'est quoi, le talent ? »
Michelangelo réfléchit.
« C'est ce qu'on a en soi et qu'on se croit obligé d'exprimer. »
Elle veut être seule avec sa mère dans la maison éclusière, avec ce présent, ce don du temps.
(page 120)
Seule sur le pont, elle se dit qu’elle n’a jamais été autant en prise avec le présent. Ce séjour stoppe net la fuite en avant, en la mettant face à sa mère, à cette plaie en passe de devenir cicatrice, qu’elle avait sans cesse évitée à force d’embuscades, détours, voyages, amours et tirades.
(page 153)
La beauté, certains soirs, désarme la mélancolie.
(page 52)
La tragédie n’est pas la mort, mais ce que l’on fait du souvenir.
Ama, je n’ai pas de mots, je ne porte en moi que du silence. Et pourtant ce silence, loin d’être vide, est plein de vie, plein de toi. Je le sens se mouvoir comme une force lente, constante, comme une masse ardente. Tes mains diaphanes l’ont sculpté pour lui donner tes traits. Je n’ai qu’à fermer les yeux, et tu es là, en moi, à portée de cœur.
Enlacée.
Comme j’aimerais te décrire ces silences qui sont les miens, leurs approches furtives de toi, à l’affut d’une caresse. Comme ils se faufilent dans mon souffle pour soulever, sur ta nuque, les mèches de cheveux qui s’échappent de ton chignon. Y déposer un baiser.
Ama, tu as chassé de mon âme tout ce qui devait l’être pour n’y laisser que l’essentiel de l’émerveillement et de l’amour.
Chacun de tes sourires abandonne, à son insu, une bribe de toi en moi. Ces bribes sont devenues un jardin fou, une forêt où chaque arbre porte un souvenir de nous. Je m’y promène à ma guise, toujours ébloui par ces instants passés ensemble et par l’espérance de ce qui nous reste à vivre.
Ama, perdons-nous encore.
Hanna à surgi comme un ange au début du mois d'octobre et, d'un battement d'ailes, elle a balayé tous mes discours politiques, toutes mes pensées rationalistes. Je ne pensais qu'à elle, je ne rêvais que d'elle.
Hanna est juive, elle s'est engagée à soigner les réfugiés pour être au plus près de la souffrance, elle est persuadé que son peuple endurera bientôt lui aussi l'exil. Peut être pire, me disait-elle souvent.
D'un coup de dent, elle a dévoré mon coeur, puis l'a gardé et je suis reparti de Gurs sans qu'elle me l'ait rendu. Tu vois, je suis revenu avec tout le reste, mais plus rien ne bat en moi.
Imagine une terre entourée d’eau, imagine que cette terre est coupée en deux par un canal. De chaque côté, des maisons, certaines très belles, d’autres plus modestes. Partout des églises, des gens qui vivent, bougent, marchent, naviguent, chantent. Chacun des quartiers est divisé en de plus petites parcelles entourées par d’autres canaux reliés par des ponts. Il y a de l’eau partout. Je ne m’en rendais pas compte avant d’aller à Padoue.
(pages 38-39)
Elle a compris les vertus du silence, de ce que l'on a à soi. Elle a longtemps cru que le partage était la seule manière d'exister. Je suis ce que je te dis. Ce que je ne te dis pas n'existe pas.
La vraie question est là. Doit-on être ce que voient les autres, être tel qu'on nous a aimé ?
Le printemps étant de retour, les conversations sortent des murs et prennent l'air frais du crépuscule.
Les mains ne mentent pas, elles laissent leurs traces, leur sensibilité faite de faiblesses.