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Citations de Clayton Lindemuth (61)


De mon point de vue, Cory Smylie est une fosse septique à face humaine. La seule bonne chose qui pourrait sortir de ce type un jour, c'est des pâquerettes - au cimetière. Quelqu'un qui traite un animal comme ça n'hésitera pas à en maltraiter d'autres.
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Au fil du temps, tandis que les fermiers voisins labouraient leurs champs, j’avais effectué une dizaine de descentes dans la vieille ferme de Brown afin de m’y procurer des tuyaux de cuivre pour mon alambic, et aussi quelques bardeaux, ceux qui ne tenaient pas bien, au bord du toit. Je m’étais également emparé de la baignoire en fonte et l’avais transportée sur la brouette de Brown jusqu’au ruisseau qui coule au bas de mon campement. Puis j’avais trimballé assez de bois pour construire une plate-forme au-dessus de la rive boueuse et planter un piquet auquel fixer le petit miroir trouvé sur un mur de la ferme abandonnée. Chaque soir, avant de me coucher, je monte sur ma plate-forme et remplis la baignoire d’eau du ruisseau, en y ajoutant des pierres du foyer afin que le bain ne soit pas trop glacial.
Si je me suis permis de récupérer tout ça chez le fermier Brown, c’est parce qu’on avait été potes. Et puis merde, parce qu’il était mort.
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Le mal est parfois si bien ancré qu’on va dans son sens sans le savoir
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Face à un champ, la seule manière de deviner l’épaisseur de la neige c’est d’examiner ce qu’elle recouvre. À certains endroits rien ne dépasse et les congères doivent déjà avoisiner les deux mètres de haut – alors que la tempête commence à peine.
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Il fait si sombre que je pourrais me redresser pour agiter mon zob sans qu’ils s’en aperçoivent. La petite arène est éclairée par une lampe à kérosène, sa lumière orange vacille dans le tourbillon des papillons de nuit ; tout autour, les fêtards rigolent, braillent, sifflent comme s’ils mataient des filles à poil. D’où je suis, pas moyen de distinguer les combattants qui s’étripent au milieu de l’arène, deux chiens élevés dans ce but ou peut-être volés à un gosse ; ou alors à un pauvre con comme moi.
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Depuis le début j'ai l'impression qu'il n'y a pas moyen que ça se termine bien.
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Il était convaincu qu’un expert peut mener un être humain par le bout du nez, pour peu qu’il connaisse ses désirs. Et, parce qu’en lui le vide était vaste, il ne pouvait aller contre sa propre nature.
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Le monde ne pardonne pas volontiers, même à un voleur affamé. Il pardonne lentement.
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Les chiens se battent pour un bout d’os, et peu importe à quel chien tu le donnes, les autres le lui voleront.
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Clayton Lindemuth
C’EST UNE AUTRE HISTOIRE


Il respire mieux, maintenant, même si sa trachée semble avoir morflé ; son souffle se met à siffler au moindre effort, par exemple dès qu’il se lèche les burnes. Faut dire que dans ce domaine il y met du sien, le Fred. Ça me rappelle l’histoire des deux vieux qui regardent un chien se lécher, le premier s’écrie : « J’aimerais bien pouvoir faire ça ! », et l’autre répond : « Je suis pas sûr qu’il aimerait, lui. »



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Un orphelin se demande à quoi ça ressemble d'avoir une famille, mais seulement un moment, car il se dit ensuite qu'il préfère ne pas en avoir, et que s'il avait des parents il leur dirait d'aller se faire foutre parce qu'il aime la solitude.
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UN ADIEU

À quelques mètres du foyer, je plonge le fer de ma pelle dans le sol. C’est là que Fred reposera, au milieu de tout ce qu’il aimait. J’enfonce mon outil avec le pied, enlève une grosse motte noire par à-coups, puis je recommence et heurte une racine. La racine est coupée en quelques furieux coups de pelle mais je m’acharne.

Cette tâche brutale me soulage. Je dois quand même maîtriser ma colère et la faire travailler pour moi. Déjà, faut les empiler, ces pelletées, pas les balancer n’importe où.

Un mètre de long sur soixante centimètres de large et un mètre trente de profondeur. Une fois Fred enveloppé dans sa couverture de laine, je descends au fond de la fosse avec lui, j’embrasse sa truffe froide en le serrant contre moi comme si ça pouvait le faire revenir à la vie. Il y a un cri dans ma tête mais ma gorge est silencieuse – de la rage dans mes yeux, mais ils restent fermés. Tandis que mes mouvements sont calmes et lents, mon âme exécute une danse guerrière.

Adieu, beau gosse, je t’aime.
Fred ne répond pas.




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Un calibre 45, on dirait. Des balles si lentes qu’on pourrait presque jogger à leurs côtés en taillant une bavette.
Des balles si grosses que, si on a le malheur d’être touché, on a brusquement autant d’avenir qu’une cale en bois devant une locomotive sans freins.
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LETTRE D’AMOUR


Ruth,

Je ne dis plus « Chère Ruth » mais le sujet a déjà été traité, alors je n’ai pas besoin d’y revenir. Ça fait si longtemps que je t’ai pas rappelé pourquoi je t’écris, putain, je me suis dit que je devrais peut-être te rafraîchir la mémoire, histoire que tu me sortes de la tête pendant un petit moment.

Au moins, Fred va mieux. Il n’a pas retrouvé l’envie de bouger mais il recommence à bouffer et à chier, c’est déjà les deux tiers d’une vie de chien.
Tu sais que je repère infailliblement les menteurs. Eh bien, je me rappelle quand on était ensemble, je me disais que t’étais la seule personne au monde qui ne mentait jamais. Même bourrée !

Putain, ça marche pas terrible, cette lettre, sachant qu’il n’y aura pas de réponse. Tu sais où j’habite. Si tu passes dans le coin, donne un coup de klaxon.

Baer

(...)

Ruth et moi, on baisait à faire rougir un lièvre de Californie et c’était pratiquement notre unique sujet de conversation. On était jeunes. Avant qu’elle me serve son colossal mensonge, j’étais convaincu qu’elle était la seule au monde qui n’aurait jamais de lueur rouge dans les yeux, la seule avec qui je ne risquais pas de me prendre une décharge électrique. J’ai passé ces trente dernières années à nier l’évidence pour ne pas avoir à admettre que tout le monde ment, sans exception. Tout le monde.



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Fred émet un grondement.
« C’est moi, espèce de grosse brute ! »
Noyé dans l’ombre de la bâche, il balance des coups de queue à la caisse de turbine à gazole qui lui sert de niche. Cette caisse a abrité quatre générations de clébards ; j’ai enfoncé les clous mal fixés et renforcé les coins avec des petits blocs de bois. Si je m’amusais à peigner les interstices entre les planches, je récolterais non seulement les poils blancs de Fred mais les poils roux de George, les poils bruns de Loretta et les poils assortis du pelage tavelé de Phil. Tous trois des parents à Fred, même si je serais bien en peine de préciser leurs liens de parenté.
Son grondement s’adoucit.
Il a sa façon de s’exprimer, j’ai la mienne et on se connaît suffisamment pour communiquer sans perte d’information. Pas de doute : à une borne de distance, il savait que c’était moi qui arrivais ; il n’a grondé que pour manifester son mécontentement et, maintenant que c’est fait, il peut se rendormir.
Le pauvre en a bien besoin.
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Et puis, savoir que le ravisseur de Fred était sûrement dans cette bande, ça m’a obscurci le jugement. Pas évident de tenir ma langue jusqu’à ce que mon plan soit au point ; j’avais trop envie de lui faire savoir qu’il ne perdait rien pour attendre, ce salopard.
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Stipe regarde toujours dans ma direction. Ses gars et lui ne sont plus que des ombres, des démons.
Lorsque l’arène se résume à une vague lueur parmi les arbres, au loin, je m’assieds sur une souche. Ils savent où je vis, c’est-à-dire où je bosse. Je n’avais pas prévu d’annoncer la couleur aussi tôt, mais mon incapacité à proférer des mensonges découle directement de ma capacité à les détecter.
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« Je veux bien vous croire au sujet du reportage, Baer. Mais alors, quel bon vent vous amène dans ma forêt ? »

Nos regards se croisent. Il a le front osseux. « J’ai pas de commentaire à faire. »

Je lui ai à peine tourné le dos que son battoir s’abat sur mon épaule pour me faire pivoter vers lui. La décharge d’électricité, c’est comme si j’avais mis ma langue dans du 9 volts. Ses yeux lancent des éclairs ; cette ordure serait capable de me descendre froidement.
D’une secousse, je me dégage.
« Oubliez pas ce que je vous ai dit, Baer, je foutrai le feu à votre baraque. Je vais travailler tous vos points faibles à la massue ! Et vous, quand vous sortirez enfin la tête de votre trou, ce sera pour voir cette monstrueuse massue vous tomber dessus une dernière fois. Vous avez intérêt à vous reprendre rapidement. Faut pas plaisanter avec le gagne-pain des gens. »
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Après avoir rampé en marche arrière, je me redresse péniblement. J’ai l’impression de m’être fait démolir le dos et les hanches au démonte-pneu, mais pas question de le montrer. On se retrouve face à face, Stipe et moi, il est balèze comme une barrique. Les yeux rouges de ses sbires me jettent des regards électriques depuis l’arène, cercle d’argile pisseuse et de merde sanglante.
Je me serais attendu à ce que mon frangin Larry soit là. Trente années de gamberge et je n’ai toujours pas décidé lequel de nous deux est le plus à blâmer, moi pour lui avoir pris Ruth ou lui pour me l’avoir reprise.
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La branche cède avec un bruit de détonation. Me voilà le cul par terre et soudain je n’entends plus les hommes, seulement les chiens. Les mains se tendent vers les étuis des flingues, les canons argentés luisent comme des ruisseaux au clair de lune. Ces types ont apporté de quoi défendre leur sport, et ils sont plus adroits bourrés que je ne le serais en étant doublement à jeun.
« Vous, là-bas ! »
Joe Stipe. Mêlé à tous les business possibles et imaginables, camionnage, combats de chiens, paris… Y compris le mien, la distillation illégale. Il y a quelques années de ça, Stipe m’a envoyé des gros bras pour que je mette la clé sous mon alambic. Depuis, on n’est pas vraiment copains.
Le voilà qui s’amène, entouré de ses sbires.
« Attrape une lanterne, George ! On a de la visite. »
Assis en crabe, je me prends la lumière dans la tronche.
« Tiens, mais c’est Baer Creighton.
– Baer Creighton, hein ? Fais voir. »
Stipe approche encore la lampe. « Ouais !
– Le dites pas à Larry, conseille une voix.
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