J`ai du mal à résumer ça ou à prendre du recul, pendant 6 ans j`ai été plongée dans cet album et j`ai travaillé essentiellement à l`instinct. Ce n`est que maintenant qu`il est sorti de moi et que je le défends auprès des gens que j`arrive un peu mieux à comprendre mon processus… Disons que la réalisation de cette BD a été à la fois une épreuve et une joie, une psychanalyse, un travail de fourmi, un désir de parler de l`Autre et un besoin de "digérer" des choses personnelles. Je me suis sentie très souvent comme Sisyphe au pied de sa montagne, face à l`apprentissage du dessin et l`enjeu du propos.
Ça reste toujours un mystère. Allez savoir pourquoi il a été important pour moi que cette amitié perdure… L`unique piste que j`ai c`est que cette amitié hors "territoire français" et ombre familiale a été pendant très longtemps la seule chose qui n`appartenait qu`à moi. C`était mon échappée, un espace où tout était possible. Je pouvais être différente au contact de Gom et elle aussi à mon contact. C`est d`ailleurs dit dans le texte de fin (qui est le premier que j`ai écrit au moment du scénario) : Cette amitié improbable nous a permis à toutes les deux d`échapper quelques instants à nos familles, nos milieux sociaux, nos pays… Et qui voudrait laisser filer ces petits éclairs de liberté ?
Ça a été très difficile je l`avoue. À chaque fois que je la retrouvais elle avait énormément changé. Voir son corps bouleversé, ses traditions disparaitre, à l`image du Vietnam plongé dans sa course folle vers le capitalisme, c`était à la fois dur et frustrant. J`avais envie de lui dire de ne pas abandonner sa culture, de ne pas manger de Mc Do dégueulasse, de remettre son costume traditionnel plutôt que ce jean fait en Chine - mais de quel droit empêche-t-on quelqu`un de vouloir ressembler à la minorité "riche" de la planète ? J`ai dû apprendre à lâcher prise, à cesser de m`accrocher à ce petit fantôme, cette petite fille idéale (moi-même?) sur laquelle je projetais tant de choses. L`enfant éternel, à Paris ou au Vietnam n`existe pas, on ne peut empêcher le mouvement. Ça m`a beaucoup appris, moi qui m`accrochais à l`enfance comme une tique à un chien !
Tout ça à la fois ! Au début il y avait aussi quelque chose du petit Prophète. Ce qui est très étrange étant donné que je suis laïque. Avant que je noue réellement une amitié profonde avec elle en retournant année après année au Vietnam, je faisais appel à Gom comme à un petit dieu… Comme on parlerait au dieu du vent ou des rivières quand un coup de blues nous plaque au sol, je faisais surgir la silhouette de Lo Thi Gom et ça allait mieux.
On se construit en résistante. En increvable. Comme beaucoup de Vietnamiens et surtout beaucoup de petites filles Hmong. (Ne me demandez pas où sont les hommes, on ne les voit jamais) Les jeunes filles Hmong sont d`une telle intelligence face à tous ces changements, malgré les injustices subies et les bâtons dans les roues, je vous prédis qu`à l`avenir elles feront de grandes choses !
Toujours aussi forte. Ce qui est un peu particulier c`est que, malgré le développement des nouvelles technologies, nous communiquons toujours essentiellement quand nous nous voyons en chair et en os. Nous ne sommes pas passées à la relation épistolaire (ça se dit quand même pour les mails?), sauf pour s`annoncer les naissances et les morts. En fait nous attendons de nous retrouver au Vietnam, à peu près une fois par an, pour nous dire les choses. Des soirées pyjamas sans fin.
Sa rudesse et la nature résistante de son peuple. J`aime l`idée qu`on apprivoise quelqu`un, qu`il faille revenir souvent pour comprendre un pays. Le lien créé n`en est que plus précieux. Et cette force qu`ont les Vietnamiens face à tout ce que l`Histoire leur a fait subir, cette fierté me touche. Ce sont des gens qui avancent, malgré les guerres, la colonisation, et encore aujourd`hui ce gouvernement corrompu qui cherche à les entraver…
Aucune idée ! Peut-être parce que c`était très écrit dès le départ et que je savais exactement où je voulais arriver ? Ou peut-être parce que je parle de moi, alors ça ne peut qu`être cohérent avec mes incohérences !
Je ne pense pas refaire tout de suite de projet aussi autobiographique, enfin, je n`espère pas parce que c`est quand même assez éprouvant. Mais pour l`instant j`ai encore du mal à m`effacer totalement du récit, c`est comme si j`avais encore besoin de mon regard sur les choses pour pouvoir les transmettre. Surtout, ce qui m`intéresse le plus c`est de parler de rencontre, et l`Autre n`existe que si j`existe en face (et vice versa)
La saga Malaussène de Daniel Pennac. Je les ai lus très jeune et ça a été une révélation.
Philip Roth, l`adoré.
Jeune ? Le jardin secret de Frances Hodgson Burnett, j`étais tellement bien dans ce jardin caché ! Et plus grande, John Steinbeck. Tout Steinbeck. Et Marguerite Duras… Je n`arrive pas à choisir, désolée !
Je dois avouer que c`est Autant en emporte le vent…
Cent ans de Solitude, j`ai beau essayer tous les ans, impossible de dépasser les 50 premières pages.
Oula… faire découvrir un livre aux lecteurs de Babelio… Dur dur. Le Seigneur des porcheries de Tristan Egolf, un livre incroyable, mais ils le connaissent surement. Sinon la trilogie du Grand Cahier d`Agota Kristof , mais ça c`est sûr que tout le monde le connait - si c`est pas le cas, courez-y !
Belle du Seigneur, j`ai haï ce livre de la première à la dernière page ! Il est brillant mais tellement agaçant…
"Frankly my dear, I don`t give a damn", la phrase que Rhett Butler dit à Scarlett O`Hara quand elle le supplie de rester à la fin, après qu`elle lui a bien cassé les pieds.
Je lis Double nationalité de Nina Yargekov, un roman vraiment surprenant et Kobane Calling, une BD sur la Syrie.
Dans le 164e épisode du podcast Le bulleur, je vous présente le second et dernier tome de La bête, que l'on doit au scénario de Zidrou, au dessin de Frank Pé et qui est édité chez Dupuis. Cette semaine aussi, on revient sur lactualité de la bande dessinée et des sorties avec : - La sortie de l'album Le voyage de Shuna, titre que l'on doit à Hayao Miyazaki et aux éditions Sarbacane - La sortie de l'album Berlin, 61 que l'on doit au scénario de Patrick Weber, au dessin de Baudouin Deville et qui est sorti aux éditions Anspach - La sortie de l'album La brute et le divin que l'on doit à Léonard Chemineau et aux éditions Rue de Sèvres - La sortie de l'album La traque, documentaire en bande dessinée qui revient sur l'affaire Xavier Dupont de Ligonnès, que l'on doit à l'enquête de Valérie Morice, au scénario d'Olivier Petit et au dessin de Valette, un titre édité chez Petit à petit - -La sortie du second et dernier tome d'Alors tout tombe, la nouvelle aventure de Blacksad que l'on doit au scénario de Juan Díaz Canales, au dessin de Juanjo Guarnido et qui est édité chez Dargaud - La réédition de l'album Les brumes de Sapa que l'on doit à Lola Séchan et qui est édité chez Delcourt
qui est lucy ?