Il est des livres pour lesquels toute critique est inutile. Rien de ce que vous pourriez dire n'aurait de quelconque intérêt. Ou alors faudrait-il être soi-même un poète -et pas n'importe lequel-; pour pouvoir être à la hauteur, pouvoir en retranscrire, dans un langage humain, les sensations qu'un tel livre peut procurer.
Rag-time est de ces livres-là. Il est de ces livres qui n'offrent pas d'autre possibilité aux lecteurs ou plutôt aux critiques d'êtres sublimes eux-mêmes, d'avoir dans leurs bagages quelque chose en plus que le commun des mortels.
Moi, je ne suis pas de ces critiques là . Quand on a un tel livre entre les mains, la seule chose qui reste à faire est de citer quelques extraits quand bien même cela reviendrait à en réduire la portée et la beauté.
Je ne connais rien de
Louis Calaferte pourtant. Mes auteurs préférés, ceux qui font partie de moi, les
Oscar Wilde, les
Stevenson, les
Hubert Selby Jr, j'aime leurs oeuvre autant que leurs vies. de
Louis Calaferte, je ne connais rien.
Patrick Eudeline n'en a jamais parlé dans les colonnes de Rock&Folk, Nick Tosches ne lui a jamais consacré une biographie et aucun de mes amis n'a jamais prononcé son nom devant moi. De même, aucune amoureuse ne m'en a offert un livre. Personne n'en a glissé un sur ma table de chevet ou oublié dans le salon. Je en sais pas d'où il sort, je ne sais pas qui il est, je ne sais pas d'où il vient.
Il est venu dans ma vie timidement, au Salon du Livre de Paris 2016, à l'occasion d'une exposition sur la collection poésie de Gallimard, dont j'aimerais jurer posséder un jour tous les ouvrages. Certains livres me faisaient de l'oeil, mais je ne voulais pas repartir avec un ouvrage que j'aurais pu me procurer ailleurs. Je voulais autre chose, une inconnue, comme un tableau blanc à remplir de vers inconnus. L'aventure quoi, et quel autre nom que celui de
Calaferte évoque autant l'aventure ? Un nom puissant donc, au milieu de 500 autres, un regard jeté sur quelques lignes et le destin était joué.
Je n'en dirai rien de plus. Que faut-il faire d'autre que le lire ?
"Il y a quelque part, une terre aux merveilles
Mais je ne sais plus guère, aujourd'hui, où elle est
L'amarante des fleurs défuntes
J'ai des îles dans mon gousset
Et dans ma poche revolver
Les draps blancs d'un lit grand ouvert
Il y a quelque part, un chemin qu'on emprunte
Mais je ne sais plus guère, aujourd'hui, où il est"