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Critiques de Louis Calaferte (163)
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Septentrion



Septentrion ou l’irruption d’une langue.



“Parlez-moi encore un peu de vous. Votre voix me rappelle de si doux souvenirs qu'elle entretient un léger frémissement localisé en dessous des couilles dans le prolongement du tube.”



Un récit autobiographique mais qui a tout du roman, (in)carné.



“Comment expliquer aujourd'hui cette rage de lecture qui me tenait continuellement sous pression, cette faim de découverte, cette fébrilité vis-à-vis de tout ce qui était imprimé ?”



Ecrit au début des années soixante et interdit de publication pendant près de vingt ans c’est d’abord un style. Une prose poétique, à la fois un parlé de rue, d’argot parfois, explosive, scandaleuse, érotique, mais aussi drôle, spirituelle, délicate, onirique, on peut passer allègrement du scato au sacré voyez. C’est un souffle épique mais cru, une Odyssée de la loose, qui n’a pas peur de descendre dans les méandres de notre rapport à nous-même, mais ce faisant, c’est aussi une littérature brutalement honnête et sans (im)posture. C’est une littérature jouissive, au sens de la distinction de Roland Barthes dans Le Plaisir du Texte. Malgré ses errements mis en mots, ne nous y trompons pas Louis Calaferte n’est pas qu’un “thug” ou un rebelle sans cause (à l’exception de celle de la littérature), il est aussi un sage, peut-être même un moraliste.



Septentrion raconte la quête d’un écrivain en puissance, vers l’écriture, vers la littérature, et si le narrateur n’a pas encore vraiment écrit, l’ouvrage lui est d’emblée fichtrement littéraire.



“Mes humiliations font partie du butin.” Louis Calaferte c’est l’écrivain impénitent. Son narrateur est un cheval sauvage, définitivement indomptable : dans son rapport au travail, à l’usine, comme une domesticité de l’homme. Mais aussi allergique à la vie rangée, à la vie de famille bourgeoise. Tous ces rejets ont un corollaire, le parasitisme, on doit toujours trouver quelqu’un à qui on doit toujours quelque chose, une aide… dont la contrepartie est sans cesse différée. Ce goût pour la marginalité cela me rappelle un autre écrivain-poète-dramaturge qui dynamita aussi la langue : Jean Genet.



“Au commencement était le sexe”. Avec un tel incipit, je ne dévoile rien en confirmant que (avec un seul “e” et un seul “u” n’est ce pas…) la sexualité est un personnage à part entière du livre. Du reste, Octavio Paz ne disait pas autre chose, dans son essai La Flamme Double, le Prix Nobel mexicain notait “sexe, érotisme, amour sont les aspects du même phénomène, des manifestations de ce que nous appelons la vie. Le plus ancien des trois, le plus considérable et fondamental est le sexe.”



“Pas moyen de baiser le quart de ce qu'on voudrait. Il faut s'y faire.” Néanmoins, le livre n’est pas une série d’exploits donjuanesques, le narrateur exposant sans orgueil sa dépendance et sa misère affectives. Evidemment le narrateur, souvent “en manque” (le désir fonctionnant peu ou proue sur le même modèle qu’un crédit renouvelable…) il décrit ses sensations et ses envies face aux anonymes croisées dans la rue, au café. Finalement c’est aussi un témoignage sur la frustration quotidienne, celle de ne pouvoir coucher avec tout le monde, du moins tous les gens qui nous plaise. Alors lorsque le narrateur trouve une partenaire de jeu, quelque part il assouvit à la fois son désir d’elle, mais on peut se demander s’il n’évacue pas aussi la frustration de tous les précédents désirs insatisfaits de sorte que la partenaire n’est pas seulement un trophée, mais aussi un lot de consolation…



“Moi j’aime pas le mot pornographie, tout ce qui relève des rapports du corps avec un partenaire, quelqu’il soit, rien en ce domaine-là ne me parait pornographie, au sens où la langue l’entend. Moi ça me parait plutôt une espèce de recherche constante de la part de l’un et de l’autre.” Voici ce que répondait Louis Calaferte aux sempiternelles critiques, les mêmes qui condamnaient la Lady Chatterley de D.H Lawrence au silence, au micro de Jacques Chancel. Il y a sans aucun doute des passages érotiques mais ils ne sont jamais gratuits, et c’est le cas de le dire, puisque notre narrateur commence dans la première partie du livre une carrière de gigolo avec la plantureuse Nora Van Hoeck, une riche néerlandaise entre-deux-âges. Le jeune Calaferte n’était du reste pas le seul futur artiste célèbre à vendre ses charmes dans le Paris de ces années là, les encore anonymes Serge Gainsbourg ou encore Alain Delon l’ont discrètement confié depuis.



Dans la seconde partie une rencontre m’as particulièrement plu, celle avec une inconnue dans un hôtel, cet impromptu dans un moment où personne ne s’y attend plus, qui est une véritable histoire dans l’histoire (comme souvent avec Septentrion), parenthèse de quelques pages, magnifiquement écrite, sensuelle et intensément vive. Passion fugace et délicate qui fit dire à l’écrivaine Marie-Hélène Lafon, sur le plateau de LGL, que c’était l’une des plus belles histoires d’amour de la littérature française “de la page 323 à la page 339”. Une histoire dont le souvenir convoque à nouveau pour moi des vers d’Octavio Paz :



"Détaché de mon corps, détaché

Du désir, je retourne au désir,

à la mémoire de ton corps. Je retourne.

Et ton corps flambe en ma mémoire,

Et flambe en ton corps ma mémoire."



“il faut vivre l’absurde ou mourir.” Si vous aimez l’intensité, si vous aimez les rapports textuels explosifs, la destruction des totems et des fausses courtoisies, des hypocrisies et des conformismes, si vous avez la rétine baladeuse, si vous êtes désespéré mais avec le goût du sacré, si vous avez l’optimisme entêté des tire-au-flanc alors ce livre est peut-être pour vous. Mais aucune obligation, Septentrion,et d’ailleurs toute la littérature, ce n’est peut-être qu’une affaire intime : “quelque chose de privé, de précieux, d’indispensable à certains” comme disait Louis Calaferte.



Sur ce, comme dirait Calaferte je vous dit « bonsoir, j'en ai assez dit » et je vais m’adonner à d’autres lectures privées et précieuses car, pour citer Jules Renard « quand je pense à tous les livres qu'il me reste à lire, j'ai la certitude d'être encore heureux” !



Très belle année livresque !



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Septentrion

Ce livre est un brûlot écrit d'une plume acerbe et virtuose. Lire Calaferte, c'est un peu comme se prendre une grande claque dans la gueule. Chaque mot vous assomme, chaque phrase vous transperce, chaque image vous éblouit. Chaque ligne de ce bouquin est une oeuvre d'art à part entière où la poésie est omniprésente. Septentrion est le récit autobiographique de sa jeunesse passée à errer entre le travail en usine, ses relations passionnées et particulières avec Mlle Van Hoeck, et les turpitudes de l'écriture. Marginal dans l'âme, il nous livre une vision de l'humanité peu reluisante, assez pessimiste. Le sexe tient une grande place dans cet ouvrage qui s'est vu interdit à la publication pendant près de 20 ans avant que Denoël l'édite en 1984.
Lien : http://www.franck.pelissier...
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Septentrion

Septentrion est un livre dur , car il est difficile d'avaler la franchise douloureuse de l'auteur ( semblable à celle de Bukowski ) . Plein d'humour aussi , mais surtout aux dépens des femmes et s'en est parfois dérangeant , au point qu'on le pense misogyne .... il l'est quelque peu , mais on le lui pardonnera sachant que la première femme qu'il connut ( sa mère ) le câlinait à coups de ceinturon . Il est dur aussi envers les moutons , ceux qui rampent , sont dociles , c'est là que s'exprime le mieux sa révolte .

Le style d'écriture , j'allais dire la technique , mais non , les mots sortent sans retenue , sans calculs , comme l'eau d'une bouche d'égout , est une grosse claque , un choc , une lave incandescente de mots , de qualificatifs qui vont parfois presque jusqu'au délire .

Lecteurs friands de beaux sentiments , de douces mièvreries , ce livre n'est pas pour vous , pas plus que " la mécanique des femmes " qui m'a paru moins abouti , moins circonstancié . Mais cette lecture est une expérience à connaître , même si au final elle peut vous décevoir ..... il est bon parfois d'être réveillé , même brutalement ... on s'en remet .

La sexualité a une grande place dans ce livre , mais que les petits cochons qui sommeillent , ne s'excitent pas inutilement , ce n'est pas pornographique .

Bukowski se mettait à nu dans " Journal d'un vieux dégueulasse " , et Calaferte fait de même , ne cache rien , ne se vante ni ne se complaît , il se " confesse " mais sans être enfant de coeur . Lui donnerez vous l'absolution ?
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Rosa mystica

Ce livre ressemble à une dentelle finement travaillée avec attention, patience et amour. Sa relecture, après bien des années, m'a permis d'en apprécier et d'en savourer toute la grâce.

L' acuité du regard de l'auteur est plein de tendresse pour la fragilité, la ténuité des souvenirs et la beauté poignante de moments privilégiés qui forcément sont appelés comme chacun d'entre nous à disparaître.

Ainsi, " La fine grainelure de la poussière suspendue, voltigeante miroitait dans les faisceaux du soleil pénétrant la chambres par les rainures transversales des volets de bois. La chaleur de la matinée avait engrangé déjà dans la pièce une densité de molle tiédeur tissant comme une impalpable résistance élastique dans laquelle on eût pu se croire incrusté."

Calaferte parvient à donner vie, corps à l'imperceptible avec une retenue et une délicatesse qui atteint toute sa plénitude dans l'observation de la joliesse de Geneviève, filleule de cet homme solitaire qui rentre chez lui après des années d'absence. Ce n'est plus l'enfant qu'il a quitté qui lui rend visite mais une presque femme de quinze ans d'autant plus attirante qu'elle n'est pas encore tout à fait consciente de sa séduction. Il observe et goûte la douceur de chacun des instants passés en sa compagnie, ses étonnements et la délicatesse de ses gestes.

"À genoux sur la terre, elle approche d'elle une rose qu'elle tient comme un calice entre ses paumes et y enfouit un instant son visage, les yeux fermés."









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Le sang violet de l'améthyste

Puissance évocatrice et poétique de cette suite de courtes réflexions qui suggérent, pénètrent et font se lever des images et naître des mondes dans le froissement inquiétant et attirant des ombres. Fulgurances qui transpercent, ouvrent et déchirent pour mieux éclairer. Beauté sombre et contrastée, animée de désir, de violence et de douceur que celle de ce "Sang violet de l'améthyste".

"Offre ton cou de silex pur à la scintillance du bijou." p108
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Terre céleste

On oscille de la

« Furie de magnificences

Toute la Terre me parle »

au

« Tout m'est griffure

Tout m'est tristesse ».

Le recueil m'a pourtant donné une impression de grande cohérence. C'est que tout semble y être ressenti à l'ombre - ou à la lumière - de la mort.

Calaferte y exprime son angoisse face à «cet impalpable à traverser», sa solitude, la douleur d'avoir perdu ceux qui l’aimaient.

« Ils m'ont laissé seul

Moi qui étais fait pour être aimé  »

Mais l'écriture y a son versant lumineux. Comme un lot de consolation, ce dessillement opéré par l'approche de la mort qui ouvre les yeux aux beautés que bientôt on ne verra plus - le baiser des fleurs, leurs «embrouillaminis de froissures saumonées», «La douceur folle / Des rires d'enfants». le poète s'attache à rappeler tout ce qui fait que la vie reste vivante, à le dresser comme une main levée devant la mort.

Il revendique le (pauvre et fragile) pouvoir des mots d'atténuer la «terreur de l'ombre».

« Il faudra

Me parler

Pour que je ferme les yeux

Sans trop d'angoisse

Je suis vie de mots »

Mais il ne se fait pas trop d'illusion, les mots peuvent bien être un pansement, un précieux pansement, il rappelle aussi que les dés sont pipés.

« Pauvres joueurs

Toujours perdants

Que nous sommes

La mécanique depuis longtemps

Truquée »



Tout sonne très juste dans ce recueil, rien à jeter de ces aperçus juxtaposés dont la force fugitive m'a séduite.
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La Mécanique des femmes

Cet ouvrage m’a laissée perplexe. Probablement parce que je n’ai pas compris où l’auteur voulait en venir. Est-ce un roman, un catalogue de fantasmes, une fiction pornographique, une pure provocation ? Calafarte a-t-il rencontré ces femmes, obtenu leurs confidences, ou projeté ce qu’elles lui inspiraient quant à leur recherche de plaisir sexuel ?

Sans mauvais jeu de mots, le vocabulaire est peu excitant et surtout très limité, à se demander si les femmes ne rechercheraient pas un peu plus de variété. Les situations très courtes se succèdent, ressemblant à un catalogue.

Pour ceux qui en douteraient encore, les hommes n’ont pas le privilège de ‘chasser’ afin d’assouvir leurs besoins sexuels.

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Rosa mystica

Uzès- Mai 2004 - Relecture août 2023





Un très beau texte prodigue en contrastes !



Relecture de ce texte personnel et singulier de Calaferte, déniché il y a bien longtemps, chez un libraire d'ancien à Uzès, et à un prix soutenu...(** il existe aujourd'hui en poche / Folio)

Faisant régulièrement des rangements et tris au fil de l'année, des envies de relectures surgissent ainsi...inopinément !



J'ai bien fait...car tout en appréciant fort cet écrivain, la 1ère lecture de l'ouvrage m'avait laissé peu de souvenirs, alors que cette relecture m'a offert une nouvelle appréciation plus attentive et nuancée.



Le narrateur-auteur retrouve "sa" maison familiale au bout de 5 années d'absence; une maison chère à son coeur...liée à son enfance...et par dessus tout , la vraie prunelle de ses yeux : sa bibliothèque, SES LIVRES !



Un couple de gentils gardiens vieillissants : Clémence et Adrien, l'accueillent chaleureusement; ils ont préparé la maison...et s'en occupent depuis longtemps, comme de "son propriétaire ", semble-t-il...



Évocation de souvenirs d'enfance, des parents, d'un père très aimé, d'une mère aussi lumineuse et aimante...évocation , bien sûr, du temps qui passe, de son propre vieillissement...Alternent de somptueuses descritions de la nature, du jardin...de cette maison, " matrice rassurante "....



"Parce que l'air s'est rafraîchi, après un gros orage, le vent presque froid, il a l'impression de retrouver cette particulière atmosphère des jours d'hiver, si propice à la sérénité ; la maison calfeutrée , le bureau bien chaud, la robe de chambre épaisse, les soirées et les nuits silencieuses, le molleton de la neige, la lampe sur la table, le papier blanc, l'encre, les livres, l'ardeur close de l'esprit; ce lent et grave rassemblement sur soi."



Évocations aussi de sujets plus sombres, comme une obsession de la mort...le rejet des attachements ?!



Une sorte de goût et besoin de "Solitude" , mâtinée d'un zest de " misanthropie"...



Une chose et son contraire se côtoient : la Poésie comme des propos tranchants, la brutalité comme une extrême sensibilité

(*** l'extrait suivant, choisi, en montre un aperçu)



"Dans le taxi qui m'emmène, c 'est à Van Gogh que je pense.Non pour une raison inconnue, mais parce que le matin même j'avais feuilleté sa - Correspondance-.Et je suis ému au point d'en avoir la gorge serrée, comme chaque fois que je me remémore les épisodes désolants et nobles de cette vie exemplaire.

Cette lettre, dans laquelle il crie à son frère, non seulement sa douloureuse, sa grandiose solitude d'homme et d'artiste, comme dans toutes les autres, mais surtout qu'il a été outragé, qu'on ne le comprend pas, qu'on le rejette, qu'il n'est pas admis pour ce qu'il est.(...)



Il faut des êtres purs: qui sont les vivants sacrifices et les sauveurs de notre monde."



Le narrateur- auteur...en quête d'un impossible équilibre, obsédé par la mort, qu'elle soit celle des humains ou celle des êtres vivants, des animaux....s'obstinant dans son rejet des

" attachements", si obstiné que cela en devient " douteux" !!



Comme un " ours mal léché: , qui se réjouit toutefois d'accueillir sa petite filleule,

Clémence , pendant les vacances..., allant jusqu'à franchement se rejouir de sa présence !



Une sorte de " Journal" , " biographie spirituelle" ce texte est difficilement classable !



Parfois, une seule phrase, une seule pensée occupe la page...

Le venue et la présence de Geneviève, sa toute jeune filleule , va heureusement égayer la vieille demeure familiale...et son habitant...qui à travers cette adolescente va se projeter dans sa propre jeunesse ...



Il évoque aussi abondamment les femmes dont cette ancienne amoureuse, M, à proximité de chez lui...qui toutefois ne rentrera jamais vraiment dans L Histoire !...Elle restera un mystère et cette absente , il n'a finalement guère envie de la retrouver !



Un solitaire...qui hormis la Nature, les Livres, l'Écriture , a un mal certain avec toute vie sociale, même s'il tente de faire quelques

efforts, avec ses anciennes connaissances !



Après 5 années d'absence, il s'est ,sans le vouloir , " dépris", du lieu, et surtout des personnes,se trouvant dans la distance ( *il fait à cause de cela , quelques balourdises).En dehors de très émouvantes évocations pleines de pudeur, touchant ses parents, dont son père, homme bienveillant, être très taiseux :



"Il y a dix-sept ans mourait mon père.



(...) Il m'aimait. (...)



Seul dans la pièce bien propre, bien ordonnée, la fraîcheur du matin, sa pureté, s'infiltrant par la fenêtre entrouverte, je me suis rappelé avoir quelquefois trouvé mon père, chaque jour debout avant nous tous, à cette place même où je suis assis.Nous faisions ensemble le tour du jardin.Il aimait les arbres. Il les touchait, les flattait de la main.Il me tenait par le bras.J'avais un peu froid.L'herbe était humide.Il y avait des touffes de grands Iris mauves, qui étaient ses fleurs préférées. Nous nous attardions à les contempler. "



Le titre est fort justement choisi ,est en parfait accord avec ce texte original:



" Rosa Mystica" confond, rassemble à la fois l'amour du narrateur pour la Nature, les fleurs...la terre, vierge des petitesses humaines et d'un autre côté,sa quête spirituelle, existentielle, son bilan de vie à un.moment donné ( * la quarantaine, au demeurant !)



Une prose atypique, magnifique...à lire lentement !









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Septentrion

Associons John Fanté et Charles Bukowski et nous avons Louis Calaferte. Une première partie très sexe qui, d’ailleurs, lui a valu d’être censuré. Dans la deuxième, il nous confronte à sa galère alors qu’il lui faut trouver à manger et surtout à dormir. Le travail, pas trop puisqu’il pense qu’il deviendra écrivain. Un livre cul et culte dont j’ai toujours entendu parler et dont je suis heureuse de l’avoir enfin lu parce que j’en ai aimé les idées et la liberté d’écriture qu’il se donne. Je laisse la parole à Philippe Sollers : « On n’a jamais, je dis bien jamais, écrit quelque chose d’aussi fort, d’aussi cru et violent. Et drôle. Et horrible. Et peut-être prophétique. Ne pas avoir lu ou ne pas lire sur-le-champ Septentrion est foncièrement immoral. »
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La Mécanique des femmes

En replaçant ce livre dans son contexte historique, je comprends bien pourquoi il a été interdit à sa sortie. La mécanique des femmes de Louis Calaferte était en avance sur son temps, sur un présent qui glorifie la pornographie, expose par le prisme de l'image la ou les sexualités, impose le plaisir et la performance comme des critères indépassables. Toutefois, je ne suis pas certain que ce thème traitée par une femme donnerait un texte similaire. J' ai ressenti l’œil du genre, le mien, très, trop masculin ? Toutefois, l'écriture est belle et l'auteur a réussi à faire passer une sensualité qui ne m'a pas laissé totalement indifférent. Preuve du talent de l'écrivain...
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C'est la guerre

Quel livre ! Quelle originalité ! Comme le titre l’indique c’est la guerre, la seconde mondiale. Dans ce roman, le narrateur est un enfant. Un mélange de rires et larmes, de prose et poésie, de pour et contre, d’un clan et de l’autre. Parce que la vie continue, malgré tout, avec les premiers émois. Mes mots paraissent bien plats face à ceux de Louis Calaferte. Irracontable, inclassable, unique, quoi !
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La Mécanique des femmes

« J'aime les mots de l'amour, pas toi ? »



La vie, la mort, l'amour, tout ne fait qu'un chez Louis Calaferte ! « Prends-moi dans tes bras et tue-moi. » J'ai ressenti des émotions fortes tout comme avec Duras en lisant cette phrase. « Explique-moi ce que ça veut dire : baiser à mort ? »

Faire la nike à la mort en lui préférant la petite, rien de plus beau. Le temps n'a plus de prise « Ne me parle pas d'âge. Je me fous de l'âge. Pourvu que je sois avec toi et qu'on ait une vie folle. J'en connais qui n'ont pas la moitié de ton âge et qui sont des macchabées à côté de toi. Et puis, je veux que tu m'apprennes, qu'on fasse des choses ensemble. du moment que je te fais bander, le reste ne compte pas. »



Des pensées de femmes.

Des pensées secrètes, des pensées avouées, des pensées inavouables, des pensées coupables, des pensées désespérées, des pensées gaies, des pensées étouffées.

Des pensées écrites par un homme.

Mince découverte que je suis !



Quand les femmes rivalisent avec Dieu « Viens me faire libre. Je suis la première femme du monde », « L'enfer ne me fait pas peur. Je suis une fille du feu », quand les femmes sont plus fortes que la Mort « Je ne veux pas voir le monde. Je veux des chambres closes, chaudes. Figée. Fais-moi l'amour, que je ressuscite. », quand une femme avoue « Ma faiblesse réside dans le fait que je suis comme un animal blessé et que j'ai besoin d'amour. », j'ai plaisir à lire un homme qui le dit, « Le matin se lève pour honorer ton sexe. »



Quand des femmes souffrent « J'aurais cependant pu leur offrir quelque chose de savant qu'ils ne trouveront nulle part ailleurs : du plaisir désespéré. », quand des femmes crient un manque « Il y a vingt ans que je cherche l'amour. Vingt ans que je cherche l'homme capable de m'aimer, capable de me faire jouir. Je le cherche toujours. Et on est des centaines dans mon cas, voilà la vérité. », Calaferte porte aussi leur parole.



Et une découverte : la plume de Calaferte m'enchante. « Torse nu, je t'écris. Je tiens ce stylo comme une bonne grosse bite. Tu éjacules de l'encre de Foutre. Retiens-toi, mon amour. La nuit est longue et je suis là. » Son écriture est surprenante car il change de registre avec aisance ce qui donne un rythme épatant à ces pensées.



« Sa robe transparente, elle entrait dans la pièce par la grande terrasse sur laquelle elle ouvrait. Devant le dessin de son corps dans les fluctuances de l'étoffe que révélait un éblouissant contre-jour, le regard rivé sur cette sensualité offerte au viol, on retenait son souffle, le coeur serré par la viscérale confusion de la tentation. »



Et sans oublier, son humour : « Dis moi un mensonge. Je t'aime. Salaud. »



Alors j'avoue ma pensée du soir, j'ai aimé ce livre. Certes bite, bander ou encore sucer sont présents dans ce livre (peut-être branler aussi, mais faut que je le relise pour vérifier) toutefois je n'ai pas été choquée et puis c'est la vie, l'amour... et ces gros mots sont aussi la poésie de Calaferte, celle qui prône l'amour, sous diverses évocations. Je me suis désolidarisée des propos quelques fois (les petits garçons n'ont jamais traversé mon esprit) mais je reconnais que Calaferte a fait un travail de compilation des pensées féminines qui est surprenant et que cet auteur a une très jolie plume.



« Elle est seule à m'attendre sur le quai de la gare, d'une inoubliable joliesse, les cheveux ramenés sous un chapeau d'homme gris clair, note à la fois élégante et dévoyée soutenue par un veston masculin et un pantalon étroit qui allonge ses jambes, à la main une rose qu'elle me tend d'un geste à la grâce lente, un sourire dans le regard. Quelques chose de féerique dans cet instant comme soustrait au monde. »

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Rag-time - Londoniennes - Poèmes ébouillantés

Il est des livres pour lesquels toute critique est inutile. Rien de ce que vous pourriez dire n'aurait de quelconque intérêt. Ou alors faudrait-il être soi-même un poète -et pas n'importe lequel-; pour pouvoir être à la hauteur, pouvoir en retranscrire, dans un langage humain, les sensations qu'un tel livre peut procurer.



Rag-time est de ces livres-là. Il est de ces livres qui n'offrent pas d'autre possibilité aux lecteurs ou plutôt aux critiques d'êtres sublimes eux-mêmes, d'avoir dans leurs bagages quelque chose en plus que le commun des mortels.



Moi, je ne suis pas de ces critiques là . Quand on a un tel livre entre les mains, la seule chose qui reste à faire est de citer quelques extraits quand bien même cela reviendrait à en réduire la portée et la beauté.



Je ne connais rien de Louis Calaferte pourtant. Mes auteurs préférés, ceux qui font partie de moi, les Oscar Wilde, les Stevenson, les Hubert Selby Jr, j'aime leurs oeuvre autant que leurs vies. de Louis Calaferte, je ne connais rien. Patrick Eudeline n'en a jamais parlé dans les colonnes de Rock&Folk, Nick Tosches ne lui a jamais consacré une biographie et aucun de mes amis n'a jamais prononcé son nom devant moi. De même, aucune amoureuse ne m'en a offert un livre. Personne n'en a glissé un sur ma table de chevet ou oublié dans le salon. Je en sais pas d'où il sort, je ne sais pas qui il est, je ne sais pas d'où il vient.



Il est venu dans ma vie timidement, au Salon du Livre de Paris 2016, à l'occasion d'une exposition sur la collection poésie de Gallimard, dont j'aimerais jurer posséder un jour tous les ouvrages. Certains livres me faisaient de l'oeil, mais je ne voulais pas repartir avec un ouvrage que j'aurais pu me procurer ailleurs. Je voulais autre chose, une inconnue, comme un tableau blanc à remplir de vers inconnus. L'aventure quoi, et quel autre nom que celui de Calaferte évoque autant l'aventure ? Un nom puissant donc, au milieu de 500 autres, un regard jeté sur quelques lignes et le destin était joué.



Je n'en dirai rien de plus. Que faut-il faire d'autre que le lire ?



"Il y a quelque part, une terre aux merveilles

Mais je ne sais plus guère, aujourd'hui, où elle est



L'amarante des fleurs défuntes

J'ai des îles dans mon gousset

Et dans ma poche revolver

Les draps blancs d'un lit grand ouvert



Il y a quelque part, un chemin qu'on emprunte

Mais je ne sais plus guère, aujourd'hui, où il est"

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Requiem des innocents

1952. Louis Calaferte entre en littérature par la grande porte. Requiem des innocents est un roman terrible sur l’enfance et la misère. Calaferte y raconte ses jeunes années dans « la zone » de Lyon, un ghetto où vivent les indigents des années 30 et 40. Un pauvre gosse parmi tant d’autres : « J’étais aussi crasseux que les autres. Aussi vicieux et mal habillé que les autres. Comme eux, j’appartenais à une famille sordide du quartier le plus écorché de la ville de Lyon : la zone. Sous toutes les latitudes, on trouve ces repaires de repris de justice, de bohémiens, et d’assassins en puissance. Je n’étais qu’un petit salopard des fortifs, graine de bandit, de maquereau, graine de conspirateur et féru de coups durs. Pas plus que les autres, je ne redoutais le mal ni le sang. » Si le petit Louis ne se distingue pas de cette masse grouillante, il sera pourtant le seul parmi ses camarades à obtenir le certificat d’étude. Quand les résultats furent annoncés, « une large, une profonde et vaste stupéfaction pétrifia les copains. On me regarda avec des yeux moqueurs, des yeux méprisants, des yeux haineux. J’étais le premier bâtard de mon quartier qui allait quitter l’école avec autre choses que des poux et le vice de la masturbation collective. »



Calaferte raconte la crasse, la promiscuité, la violence, l’alcool, la sexualité débridée, l’ignorance et la cruauté des enfants de la zone : « Nés au cœur de cette fournaise, nous étions, dès les premiers mois, dépositaires de ses excès et de sa constante fureur. Au surplus nous restions ignorants du monde extérieur et de ses mœurs. [...] Nous n’étions que des bêtes malfaisantes, museaux au vent, flairant une proie ». Pour l’auteur, Requiem des innocents n’est pas un roman : « Je n’ignore pas que ces pages n’ont de valeur qu’en vertu de l’émotion qui, si toutefois j’y réussis, doit sourdre de cette succession de scènes, de faits, tous réels, que j’ai dépeints. » Et il faut bien reconnaître que l’émotion est souvent présente et vous fouille les tripes. Ainsi, cette tirade incroyable contre la mère honnie : « Toi, ma mère, garce, je ne sais où tu es passée. Je n’ai pu retrouver ta trace. J’aurais bien aimé pourtant. Tu es peut-être morte sous le couteau de Ben Rhamed, le bicot des barrières dont les extravagances sexuelles t’affolaient. Si tu vis quelque part, sache que tu peux m’offrir une joie. La première. Celle de ta mort. Te voir mourir me paierait un peu de ma douloureuse enfance. Si tu savais ce que c’est qu’une mère. Rien de commun avec toi, femelle éprise, qui livra ses entrailles au plaisir en m’enfanta par erreur. Une femme n’est pas mère à cause d’un fœtus qu’elle nourrit et qu’elle met au monde. Les rats aussi savent se reproduire. Je traîne ma haine de toi dans les dédales de ma curieuse existence. Il ne fallait pas me laisser venir. Garce. Il fallait recourir à l’hygiène. Il fallait me tuer. Il fallait ne pas me laisser subir cette petite mort de mon enfance, garce. Si tu n’es pas morte, je te retrouverais un jour et tu paieras cher, ma mère. Cher. Garce. »



Calaferte, dans mon panthéon personnel, fait partie des auteurs français les plus importants. Je pense avoir lu à peu près tout ce qu’il a publié, hormis son journal. Parmi ses nombreux ouvrages, Septentrion restera à jamais comme l’un des chefs-d’œuvre de ma bibliothèque. De ces livres tellement grands qu’il m’est impossible d’en parler.



De Calaferte, je retiens en premier lieu la qualité de l’écriture. Une prose qui mêle le flux lyrique et l’aphorisme, créant un ensemble à la fois classique et baroque où les séquences narratives se multiplient en un mélange de réalisme et de fantasmagorie. Un grand auteur et un grand premier roman, tout simplement.
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Septentrion

Je l'avoue humblement, j'ai sauté des pages dans cet ouvrage. Il paraît qu'on a le droit. Mais dans la première partie seulement, "Genesis".



"Au commencement était le sexe". C'est vrai. La vie est une maladie sexuellement transmissible. Et c'est par là que tout commence. Seulement voilà, quand au quart du chapitre on y est encore, au tiers, à la moitié, quand aux trois quart on y est toujours, ça fatigue son homme. On n'est pas des bêtes. Encore que chez la plupart des animaux, c'est une fois l'an.



Je ne suis pas spécialement coincé sur le sujet, mais la performance, ça use. Ça tue l'amour. Et ceux qui en parlent le plus ne sont pas les ténors de l'opéra céleste. D'autant que côté sentiment avec Louis Calaferte c'est plutôt chiche. Autre ombre au tableau, ces dames ne sont pas spécialement portées au pinacle dans le verbiage charnel de l'auteur. Alors trêve de flatterie, j'ai beaucoup regretté qu'un style et une verve pareils restent coincés pendant pas moins de 215 pages entre muqueuses et replis de la peau.



Car côté écriture, c'est assez fabuleux. C'est cru certes, on se dit tout. Les choses comme elles sont dans la vraie vie physiologique. Il est intarissable sur le sujet le monsieur. J'allais dire le mâle. Une logorrhée prodigieuse dans un style à l'italienne qui omet le pronom personnel et nous entraîne en cascade dans la grande descente aux enfers de la prouesse érotique. C'est stupéfiant. Même en ayant sauté des pages, j'en ressort épuisé lorsque je parviens à la deuxième partie.



La deuxième partie, c'est "Omphalos". le nombril du Monde. J'ai exploité le dictionnaire en ligne, c'est comme ça que je l'ai compris. A ce stade, on s'enfonce dans le domaine de la frustration. L'écrivain bloqué devant sa page blanche. Il se sait pourtant le centre du monde comme nous en sommes tous convaincus nous aussi. Mais personne d'autre que soi ne le sait. Il galère. Jusqu'à quitter son boulot, convaincu que l'écriture va le sauver de la triste banalité de la vie, des gestes quotidiens, d'un salaire de misère à faire le larbin, d'un contremaître irascible. Il galère jusqu'à n'avoir plus ni gîte ni couvert. Jusqu'au jour où il frappe à la porte de cette bonne famille, un copain charitable, sa femme et leur gamine qui vivent dans leur modeste confort et lui offrent l'hospitalité d'une vie étriquée, faite d'habitudes, de discours indigents. Ils sont gentils, mais voilà, est-ce bien cela une vie réussie. Travailler, manger, dormir. Se parler si peu. La satisfaction d'une aisance dérisoire.



Où est la justification de la vie dans tout ça ? Qu'est devenu l'amour, à la fois origine et finalité de tout ? Celui qui fait croire que la vie sera belle, toute la vie. Ce fol espoir qui pousse les gens à se perpétuer pour finalement sombrer dans une vie pauvre en voluptés, autres que celles du manger, dormir. On ne parle déjà plus de s'aimer. Découragé, dépité, lui végète devant sa page blanche. Ils sont gentils et généreux ses amis, mais tellement rabougris dans leur quotidien navrant que le grand écrivain qu'il s'était promis de devenir n'y trouve aucune inspiration. La page reste blanche. Jusqu'au jour où…, troisième partie, "Gamma", tout simplement.



En quelques pages seulement, le déclic, l'explosion. Mais oui, c'est ça, la frustration sera le sujet. Et sur ce terrain-là, il en a à dire. Il a de l'expérience. La vie ce n'est que ça. Une grande frustration, un malentendu, une escroquerie. Le barrage se rompt et engloutit la vallée au fond de laquelle vivotent tous ces minables, ces gogos. C'est la déferlante. Une violente diatribe contre la petitesse d'une vie pour la vie seulement. Un cycle inexorable contre lequel il fulmine. Éternel retour à la case départ. Cycle stérile en Bonheur, avec un grand B. Tout ça pour ça. L'absurde de la condition humaine. D'autres s'y sont collés, des lettrés, des philosophes, en termes forcément plus policés, encore que, car avec Louis Calaferte ça donne un bouquin bravant la morale, bavant sur la morale, au point d'être interdit pendant vingt ans. Un bouquin dans lequel il vide son sac. Il nous dit dans cette troisième partie comment il en est arrivé là, à cette conclusion. Tant d'espoirs déçus. Le dépérissement de l'esprit qui dissout la motivation. Le dépérissement du corps qui dissout le plaisir de la coupable entreprise d'engendrer. Place au suivant. La boucle est bouclée et tout recommence dans l'inconscience des géniteurs qui perpétuent la vie. "Au commencement est le sexe." Et puis voilà. Et après ? Eternel renouveau, la grande frustration se nourrit d'elle-même.



C'est cru, très cru, pour dire la déconvenue et finalement la colère. Où est la raison de tout ça ? C'est philosophique à sa manière, au final, quand on a franchi l'étape des ébats sans fin. Quatre étoiles quand même pour ce style décapant, dérangeant. L'objectif est atteint, ça interpelle, ça déboussole. On en perd le septentrion.

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C'est la guerre

Commande Librairie Périple2- Boulogne-Billancourt-

17 Juillet 2022



Une lecture - coup de poing-massue.....dont on ne peut sortir le ou la " même " !

Et pourtant que de récits sur la guerre, mais celui-ci, dans sa forme, est totalement singulier et hors- normes..!



Ma gratitude envers l'enthousiasme de l'auteure, Marie- Hélène Lafon, parlant de ce texte de Calaferte, l'ayant fortement marquée ! Ceci dans le cadre de la 500e de l' émission " La Grande Librairie", dernière présentée par Francois Busnel ( partant vers d'autres projets )



J'ai retenu d'autres curiosités et envies de lectures, ce soir- là.En l'occurence, mon premier élan a été pour celui-ci; c'est un écrivain que j'ai découvert , très jeune, avec la lecture aussi enthousiaste du "Requiem des innocents"...et je ne connaissais pas l'existence de ce texte !



Je vais transcrire, en guise d'introduction, un extrait du livre...qui situe le sujet et l'âge du narrateur...



"Il n'y a autour de moi que vol, mensonge, compromission, passion de l'argent, égoïsme, indifférence, corruption, hypocrisie, prostitution déguisée, violence, lâcheté, bassesse, obséquiosité intéressée.



J'ai treize ans.Quatorze ans.Quinze ans.

J'apprends l'homme.

L'homme est une saloperie.



Ils font tous du marché noir.

Les autres ont faim."



Le récit de la déclaration de la seconde guerre mondiale, de la mobilisation générale, des épreuves, horreurs quotidiennes lors de ce conflit à l'épuration sont racontés par la voix de l'auteur, mais l'auteur à l'époque, âgé de 11 ans, au début du conflit...



Il transcrit, quasiment sans filtre, tous les propos qu' il entend autour de lui; où chacun parle beaucoup avec tous les infâmes préjugés de l'époque, sans comprendre la majeure partie du " vocabulaire" utilisé..

Par exemple, le jeune garçon entend en permanence le mot " youpin" lancé à tous vents; mais aucun adulte n'est capable , même le curé, de lui donner un début de définition ou d'explication !



Le jeune garçon trouve les adultes bien médiocres et lamentables...De longues phrases quasiment sans ponctuation , des phrases- leitmotiv, revenant comme un chant lancinant et oppressant...

ces choix narratifs faisant parler un pré- adolescent ,accentuent la pesanteur de son quotidien, explosant de la barbarie des hommes, et de la banalité du mal...qu'il constate dans les moindres détails des journées...Et c'est dans cette période ignominieuse qu'il va grandir et " devoir apprendre la vie " !!



Tout est très, très noir et désespérant...quelques rares traces d'humanité et de coeur... dont cet extrait aux phrases répétitives voulues; rendant au mieux la situation décrite : de rudes paysans, obligés de donner leurs chevaux pour la guerre...sont ébranlés d'émotions !..



"Il arrive encore des chevaux d'en bas et d'en haut.

Avec des paysans.

On a froid.

Est-ce que les chevaux ont froid ?

Les paysans parlent à leurs chevaux.

Les paysans caressent leurs chevaux.

Les chevaux bourrent leurs têtes contre eux.

Les chevaux hénissent.

Comme s'ils pleuraient.

Il arrive encore des chevaux de partout.

Ça tape sur la route.

Ça tape sur le chemin.

Les paysans serrent la bouche.

Les paysans caressent les naseaux de leurs chevaux.

Il y a un paysan qui pleure.

Il y a un autre paysan qui pleure.

Ils tournent la tête pour qu'on ne les voie pas pleurer. "



Un texte d'une très rare force sur la bêtise des hommes et la machine infernale , broyeuse que représente toute guerre ...alors qu'imaginer comme traumatismes semés dans la tête d'un gamin..! Calaferte exprime cela de la façon la plus tranchante, .mêlant le scalpel et un humour grinçant...









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Épisodes de la vie des mantes religieuses

Dans son essai Les Larmes d’Éros, Georges Bataille s'attache à lier intimement l'érotisme et la mort. Dans Épisodes de la vie des mantes religieuses, et comme l'écrit justement Marcela Iacub dans sa très belle préface,



"Il (le narrateur) est tenu de nous faire ressentir que le dernier stade de la volupté est la mort.

(...)

Pénétrer une femme c'est lui égorger le sexe".



Bataille s'adresse à la raison. Calaferte parle à notre corps, au lecteur en chair et en os qui éprouve et s'éprouve. Car ce livre est un choc, l'expression nue et cruelle de la sexualité dévorante. Si les femmes sont des mantes religieuses, c'est que le sexe est fondamentalement destructeur :



"Elles sont les auxiliaires de la mort.", lit-on, comme une sentence.



Étrangement, l'aboutissement du plaisir, autrement dit, le plaisir le plus haut, embrasse la mort qu'il côtoie. Souvent associée à la vie, parce qu'elle a pour elle l' aptitude à donner la vie, la femme est ici figure de la mort. Une mort qui n'est pas le contraire de la vie mais son couronnement. Pénétrer une femme, c'est atteindre un absolu qui du même coup, rend vivant, en tant qu'il brûle et a la capacité de tuer. "Pureté du mal". Extase.



"D., une nuit :

- Je voudrais qu'un homme meure en moi."



"Forcer l'impossible.

Être dieu.



S'anéantir dans la débauche. Jusqu'au crime."



Je remercie babelio et les éditions Denoël de m'avoir offert ce livre... Lu dans le cadre de l'opération Masse critique à laquelle je participe pour la première fois, il m'aura jamais été autant difficile de rédiger une critique. En effet, Épisodes de la vie des mantes religieuses est un livre qui ne peut vraiment se dire. Lire est ici ressentir et être touché. Force irrésistible des mots et du style inédit de Louis Calaferte...



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Campagnes



Temps de grands tris et de réunions de notes,d'écrits divers...me faisant retrouver des notes et ressentis de lectures. Cette fois,il s'agit de Louis Calaferte découvert dans les années 80,avec son célèbre Requiem des innocents"...



l'émotion présente concerne un ouvrage ayant réuni deux drames paysans qui s'achèveront en tragédie. Calaferte est un auteur talentueux, puissant...mais son univers est le plus souvent fort sombre !



"Famille" est l'histoire d'un couple de fermiers,désuni. La cause principale: l'alcool.La femme s'enivre régulièrement et cette addiction va entraîner sa déchéance mais aussi celle de son mari,et créer durablement chez ses enfants des images traumatisantes...

Ces innocents n'échapperont à la misère et à la mort qu'en s'enfuyant du toit familial !



Le second texte "In mémoriam " est aussi un drame humain,décrit dans une langue âpre et incisive...Pour réparer une faute de jeunesse,Vincent se décide à épouser la mère de son enfant et se prépare par ce mariage contraint à faire de son sa vie, un long suicide; car la bêtise de son épouse, son insensibilité sont un boulet broyant toute possibilité d'harmonie et de bonheur...



Des désespoirs humains dans des quotidiens des plus noirs...qui prennent,par la prose unique de Calaferte , des airs de tragédies antiques !...
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Haïkaï du jardin

Le titre peut paraitre trompeur car Louis Calaferte l'explique en introduction, il n'a pas cherché à respecter la forme fixe 5/7/5 du haïku ( ou haïkaï) mais l'esprit de ce poème court. Et je trouve qu'il a parfaitement réussi, en textes fort brefs effectivement , à transcrire sa fine observation d'un jardin, durant l'été...



Couleurs, sons, odeurs, mouvements sont captés avec justesse et intensité. Quelquefois juste cinq ou six mots disent pourtant beaucoup:



" L'air bleu

est dessiné

d'hirondelles virevoltantes"



C'est un plaisir sensuel qui nous entraîne, en impressions éphémères, dans ce jardin, où les fleurs notamment sont perçues dans la particularité de leur forme ou de leur senteur:



" Papillon brun

butinant l'oursin

du dalhia saumoné "



Un fourmillement secret d'insectes et d'oiseaux trouble à peine la paix des lieux. Le poète s'efface et n'est présent que pour s'intégrer au jardin.



Cette promenade poétique est apaisante, ressourçante, évocatrice de la beauté simple et profonde qui nous entoure.



Voici, pour conclure, un de mes poèmes préférés :



" Petite brise

Soudain

le jardin danse".









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Rosa mystica

Curieux livre ! Récit très intimiste où le narrateur se remémore son passé, la maison familiale de son enfance, ses amours, les amis qui l'ont accompagné..., mêlé à des considérations d'ordre plus philosophique. Cela donne un livre où il n'est pas toujours aisé de se repérer. Il faut pouvoir le lire suffisamment lentement pour s'imprégner de l'ambiance surannée qui y est décrite. Savoir s'arrêter sur telle ou telle réflexion. Je n'ai pas toujours été conquis par ce récit où les expériences intimes du narrateur sont trop éloignées des miennes. Elles se rejoignent insuffisamment et ne permettent pas toujours l'identification. Louis Calaferte reste cependant un auteur à découvrir.
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