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Critiques de Louis-Philippe Dalembert (317)
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Milwaukee blues

Sur l’air de Milwaukee Blues, de Charlie Poole, Louis-Philippe Dalembert m’a embarqué dans cette ville du Wisconsin qu’il connaît bien puisqu’il y a enseigné pendant un an.

Auteur de plusieurs romans dont Avant que les ombres s’effacent (Prix Orange du Livre 2017) et Mur Méditerranée, sans oublier, ce beau recueil de poèmes, Cantique du balbutiement, ouvrages que j’ai eu le plaisir de lire, il était, avec Milwaukee Blues, parmi les quatre finalistes du Prix Goncourt 2021.

Quelques semaines auparavant, j’avais eu la chance de le retrouver aux Correspondances de Manosque pour l’écouter parler de ce livre inspiré du meurtre de Georges Floyd.

Les États-Unis font partie de la vie de cet écrivain, né en Haïti. Non seulement, il y a enseigné mais il y a de la famille et des amis. Comme il l’a dit, c’est un pays que l’on adore détester mais qu’il connaît parfaitement comme le prouve son Milwaukee Blues.

Tout débute dans une supérette où un employé croit bon d’appeler le nine.one.one, numéro d’appel d’urgence, à cause d’un billet de banque douteux remis par un Noir entre quarante et cinquante ans. Nous sommes dans Franklin Heights, quartier pauvre peuplé presque exclusivement de Noirs. Sans délai, la police arrive, plaque l’homme au sol, genou entre ses omoplates. L’homme proteste : « Je ne peux pas respirer ! Je ne peux pas… » et meurt.

Commence alors un récit à plusieurs voix, donnant différents points de vue sur la victime, un certain Emmett. C’est d’abord son institutrice qui reconnaît son ancien élève dont le portrait circule sur les chaînes d’infos avec vidéo à l’appui car l’agression dont il a été victime a, bien sûr, été filmée. Elle se souvient immédiatement qu’Emmett portait le même prénom qu’un adolescent, Emmett Till, assassiné en 1955 par des racistes blancs du sud du pays. Elle n’a pas oublié que ce garçon avait pour meilleurs amis, Autherine et Stokely, que son père, au chômage, était parti vers le sud mais n’était pas revenu et qu’Emmett, passionné de football US - pas le soccer, notre foot à nous -, chantait tout le temps Alabama Blues, de J.B. Lenoir.

Intervient ensuite l’amie d’enfance, Autherine, Authie, même quartier, même âge. Elle parle du big four, les quatre sports majeurs aux USA : football, basket, baseball et hockey, et qu’Emmett est parti à l’université pour devenir pro alors qu’à peine 2 % des jeunes réussissent à obtenir ce statut.

Voici maintenant Stokely, Stoke, le dealer repenti, troisième pièce du trio qui a plongé dans la drogue et a dû purger dix ans de prison. Maintenant, il est médiateur entre les flics, les services sociaux et les jeunes du quartier.

Larry est le coach de l’université où est arrivé le jeune Emmett, plein d’ambition. C’est lui qui détaille le parcours sportif d’un garçon qu’il a pris sous son aile. Il parle des deux accidents subis. Si le premier n’est pas trop grave, le second sera fatal pour la carrière professionnelle espérée.

Très intéressante est Nancy, la fiancée. Elle a réussi à apprivoiser Emmett malgré les regards haineux, dans cette université privée à 90 % blanche. La racialisation et les classes sociales très compartimentées gangrènent un pays où le moindre contrôle policier peut mal tourner ou tout simplement humilier profondément celui qui le subit alors qu’il est parfaitement en règle.

Il y a aussi Angela, l’ex-femme d’Emmett revenu à Milwaukee où il tente de gagner sa vie avec de petits boulots. Authie la présente à Emmett qui a déjà deux filles mais dont la mère l’a largué. Angela reste trois ans avec lui, met une fille au monde et s’en va aussi. Aucune de ces deux femmes ne se manifestera.

La troisième grande partie, intitulée « La Marche », permet de faire connaissance avec Ma Robinson, ex-matonne devenue pasteure, avec Mary-Louise, la mère d’Emmett, avec Marie-Hélène qui vient d’Haïti, et avec Dan, son copain, remarqué pour ses dreadlocks. Cette partie révèle plusieurs surprises. Aussi, je n’en dirai pas plus. Comme il y a une pasteure et une cérémonie religieuse, la religion prend un peu trop d’importance. Petit à petit, je découvre un peu plus les immenses problèmes interraciaux gangrenant ce pays, avec les extrémistes des deux camps, les gens de bonne volonté risquant vite d’être débordés.

De plus, Louis-Philippe Dalembert, dans Milwaukee Blues, m’a fait découvrir des poètes et écrivains haïtiens comme Marie-Vieux Chauvet, Edwige Danticat (Adieu mon frère) ou Jacques Roumain, auteur du poème « Sales nègres » dans Bois d’ébène et de Gouverneurs de la rosée, « l’un des plus grands romans de la langue française ».

Enfin, il y a les chansons avec Bob Dylan, Bob Marley, etc… et des références cinématographiques comme Cry Freedom ou Twelve Years a Slave.

Voilà, vous l’avez compris, j’ai été passionné par cette plongée fort bien documentée dans le quotidien d’une grande ville du midwest des États-Unis. Louis-Philippe Dalembert sait donner une opinion équilibrée et réaliste qui m’a permis de comprendre un peu plus ce pays si présent dans l’actualité et que nous connaissons si mal.

« Si j’écris, c’est que j’aime le risque et je ne veux pas me répéter », nous a confié Louis-Philippe Dalembert, à Manosque et il a parfaitement réussi.


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Milwaukee blues

Rentrée littéraire 2021 # 10



« I can't breathe ». Insupportable « I can't breathe ».

Louis-Philippe Dalembert transpose l'histoire de George Floyd de Minneapolis à Milwaukee ( Wisconsin ) avec un double fictionnel Emmett. Le prénom n'a pas été choisi au hasard et renvoie à celui d'un adolescent du Mississippi, Emmett Till, enlevé, battu, assassiné pour avoir osé parler à une femme blanche. C'était en 1955.



"Emmett", en hébreux, c'est la "vérité". Et on sent à quel point l'auteur veut transmettre, à travers cette tragédie implacable, une vérité quasi universelle sur la condition afro-américaine aux Etats-Unis. Le matériau est périlleux à manier car l'émotion ressentie lors de l'assassinat de George Floyd est encore intacte et peut vite engluer une lecture dans de bons sentiments étouffants ou dans un didactisme scolaire trop appuyé.



Louis-Philippe Dalembert trouve l'équilibre parfait. Pour composer le portrait sensible d'un homme, il construit un roman choral dans lequel s'exprime à tour de rôle des personnages qui ont croisé Emmett, à la première personne : l'épicier qui a appelé la police contre Emmett, hanté par la culpabilité ; son institutrice blanche, pleine de tendresse et d’idéaux ; ces deux amis d'enfance, fidèles et attachants ; le coach sportif qui l’accueille comme un fils à un moment où le football américain aurait pu le sauver ; l'ex-fiancée blanche qui l’a tant aimé ; la mère de sa dernière fille. Tous incarnés avec puissance pour dire le poids de l'Histoire, du racisme, du déterminisme social qui ont fracassé Emmett, né sans père dans un ghetto d'une ville en proie à la désindustrialisation, rêvant de sortir de sa condition par le sport universitaire, puis survivant dans une addition de boulots précaires. Un homme ordinaire, peu sûr de lui, aux rêves brisés. Sorti du lot par la violence policière qui s’est abattue sur lui.



C'est très habile de ne jamais faire parler Emmett mais de construire son portrait par un kaléidoscope de touches indirectes. Cela apporte beaucoup de nuances et de profondeur à ce destin à la fois singulier et partagé, apportant au portrait toute la complexité d'une dimension humaine. Sans manichéisme ni naïveté. Nuances et profondeur que l'on retrouve dans la dernière partie, « La Marche », récit cette fois à la troisième personne des funérailles / hommage à Emmett. Le rythme change, s'accélère, se tend car on ne connait pas l'issue de la marche qui se fait le réceptacle des tensions raciales dans le pays.



Et puis il y a ce prêche enflammé de Ma Robinson, la pasteure amie d'Emmett, ces accents à la Martin Luther King, prônant la réconciliation au-delà des conditions sociales et ethniques, prennent aux tripes. Jusqu'à ce superbe épilogue empreint d'idéalisme et d'humanisme, presque utopique, qui fait du bien au coeur. Tous les protagonistes du roman sont devenus nos proches.



Un roman ample et intense à la solennité poignante.
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Cantique du balbutiement

Je connais Louis-Philippe Dalembert romancier. Il m'a régalé avec Avant que les ombres s'effacent (Prix Orange du livre 2017) puis avec Mur Méditerranée. Je savais qu'il écrit des poèmes mais il a fallu que Babelio propose Cantique du balbutiement dans une récente Masse Critique pour que je découvre vraiment un autre talent de cet auteur haïtien que j'ai eu la chance de rencontrer à deux reprises, aux Correspondances de Manosque.

Dans ce petit recueil des éditions Bruno Doucey que je remercie, il se livre, laisse aller son esprit en Haïti, au bord de la mer caraïbe et ailleurs aussi.

Sans aucune ponctuation ni majuscule, les vers libres s'enchaînent, les strophes sont brèves ou longues mais c'est une admirable maîtrise de la langue dont fait preuve, une nouvelle fois Louis-Philippe Dalembert.

Le poème qui ouvre ce recueil, « témoignage », est assez court suivi par le plus long : « d'île enfance caraïbe ». Il a été écrit à Aix-en-Provence en 2015 et il évoque beaucoup de souvenirs d'enfance :

« ô enfance

que jamais n'éparpillèrent

les voyages longs des cyclones »



La mer, les montagnes, la vie au village et surtout cette grand-mère, ces femmes qui l'ont élevé ont beaucoup d'importance comme ce bégaiement qu'il parviendra à vaincre.

Certains de ces poèmes ont déjà été publiés, d'autres sont inédits. Très émouvant, « je n'ai jamais dit papa », date de 2006 et entre en résonance avec la lettre qu'il écrit à Alex, son fils, la veille de ses douze ans. Il lui dit des choses tellement fortes et justes, lui recommandant de se garder de la haine, de toute méchanceté, de toute amertume mais de savoir se mettre en colère si nécessaire.

Qu'ils soient écrits à Paris, Aix-en-Provence, Berlin, Pointe-à-Pitre, Rome, Liège ou à L'Aquila, tous ces poèmes sont magnifiques et j'ai pris vraiment conscience de leur beauté en les disant à haute voix. Enfin, je n'oublie pas « joutes insulaires », le dernier poème dédié à Saint-John Perse que Louis-Philippe Dalembert interpelle fraternellement : « ho frère poète ho ».

Cantique du balbutiement est un chouette recueil qu'il faudra reprendre de temps à autre pour baigner un peu plus dans la mer Caraïbe ou éliminer les peurs de la nuit…


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Mur Méditerranée

Elles sont trois, trois femmes qui vont se retrouver à bord d'un chalutier, après des mois d'errance, unies dans le même espoir d'une nouvelle vie en Europe. Chochana, jeune nigériane, de forte corpulence qui souhaitait faire des études de droit pour devenir avocate et Semhar, petite Érythréenne sèche qui voulait devenir institutrice se retrouvent toute deux dans la cale. Dima, la bourgeoise, accompagnée de son mari et de ses deux fillettes fera le voyage, sur le pont. Dans la cale, en fait seront entassés tous les Subsahariens et sur le pont se retrouveront les Moyen-orientaux et les Maghrébins.

Louis-Philippe Dalembert va nous faire vivre avec ces trois personnages la furieuse traversée, vers cette île de Lampedusa, de manière plus que réaliste, sur ce rafiot de fortune.

Ce qui est tout à fait original et vraiment intéressant dans ce roman inspiré de la tragédie d'un bateau de clandestins sauvé par le pétrolier danois Torm Lotte pendant l'été 2014, c'est le portrait magnifique de ces trois femmes. L'auteur s'est attaché à nous les présenter et à nous faire saisir ce qui a pu les pousser à tout quitter pour un avenir plus qu'incertain. La plupart du temps, lorsqu'il est question de réfugiés dans les faits divers, c'est pour nous indiquer des chiffres et une masse de gens anonymes. Là, l'auteur a pris le parti de nous décrire la vie de chacune de ces femmes avant leur décision de faire le grand pas vers l'inconnu. Cette personnalisation a le très grand mérite de nous faire comprendre que ce n'est pas pour un voyage d'agrément qu'elles se préparent mais parce que c'est l'ultime solution qui leur permettra de rester vivantes.

Depuis leur départ de leur terre natale, l'Érythrée pour Semhar, le Nigéria pour Chochana et Alep pour Dima, nos trois protagonistes de confession chrétienne orthodoxe, juive et musulmane n'auront de cesse de s'adresser à leur Dieu respectif. Quel parcours, en effet notamment pour nos deux africaines avant de pouvoir embarquer ! Elles auront dû payer le prix fort avec les passeurs pour en arriver là.

On ne peut qu'être subjugué par le tempérament et l'énergie incroyables déployés par ces femmes qui, en plus, devront laisser en cours de route, pour un destin inconnu, des amies très chères et un frère.

La façon dont les passeurs maltraitent ces gens qui déjà, doivent laisser derrière eux leur famille, leurs amis, leur pays est abominable et indigne d'êtres humains. Profiter du malheur des autres pour asseoir son pouvoir et s'enrichir est scandaleux et ils sont pourtant nombreux à le faire et se font même concurrence ! de plus, même dans les pires moments de souffrance, s'ajoute le racisme des Arabes vis à vis des Africains.

Mur Méditerranée peint une fresque saisissante, bouleversante de la migration et de l'exil. Ce livre nous entraîne au coeur de cette tragédie que vivent chaque jour des centaines d'êtres humains et je suis sortie complètement épatée, ébranlée, retournée, à la fois par la force, le courage et la ténacité dépensés par ces personnes et l'horreur des conditions de leur périple.

Mais ce qui est sublime et qui est un petit rayon de soleil dans ce récit, récit d'ailleurs parfois non dénué d'humour, ce sont l'entraide et la solidarité manifestés par ces femmes.

À une période où le sujet de l'immigration est récurent, il me semble indispensable de lire Mur Méditerranée, roman captivant, qui ne peut laisser insensible !


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Une histoire romaine

°°° Rentrée littéraire 2023 # 29 °°°



Voici le roman de la famille de Laura Sabatelli Guerrieri De Pretis, « une Romaine d’origine protégée » née en 1965 de deux lignées aux racines profondément ancrées dans la ville éternelle, l’une aristocrate, l’autre juive. Pour la raconter, Louis-Philippe Dalembert propose un récit extrêmement vivant réparti en trois parties qui se répondent et s’enrichissent mutuellement. La dernière est consacrée à Laura, les deux premières à deux formidables personnages de matriarche.



D’abord, la grand-mère maternelle, la contessa, qui veille farouchement à l’héritage moral et matériel de sa famille d’aristocrates désargentés, toute obnubilée par la nécessité de tenir son rang et sauver les apparences malgré les revers de fortune. Puis la grand-tante, mémoire vivante du coté paternel, recluse en ses appartements par un embonpoint qu’elle soigne à coups de dragées et gâteaux débordant de ses poches, en compagnie de son chat ainsi des grands écrivains et musiciens russes.



Ce sont elles les stars du roman, ainsi que la ville de Rome en elle-même, magnifiquement décrites. On se régale à la description des lieux, rive droite et rive gauche, ainsi qu’à l’évocation de l’histoire italienne : montée du fascisme, Seconde guerre mondiale et sort des Juifs italiens, Dolce Vita puis années de plomb. On se délecte des très nombreuses références à la culture italienne, notamment littéraire et cinématographique.



Lorsque Laura arrive en scène, elle semble bien palote à côté de ses deux figures tutélaires écrasantes. Mon intérêt a nettement piqué du nez dans la troisième partie. Les enjeux sont pourtant passionnants, Laura éprouvant des difficultés à se trouver une place, ni sur une rive du Tibre, ni sur l’autre, tiraillée par les contradictions de son double héritage aristocrato-juif.



Autant, j’ai aimé rire et voyager dans Rome grâce aux deux premières parties, autant dans la dernière j’avais besoin d’émotions et de vibrer pour cette jeune femme en quête d’identité. Mais, je n’ai rien ressenti pour elle, trouvant le récit beaucoup trop froid avec sa narration en surplomb qui crée une distance très cérébrale entre le personnage et moi, la lectrice.



Le vrai plaisir de lecture n’a pas résidé pour moi dans le déroulé du récit en triptyque mais dans la formidable écriture de Louis-Philippe Dalembert, déjà repérée dans ses précédents romans, et qui ici pétille de façon délicieuse en de sinueuses phrases qui révèlent la truculence des situations avec un sens du tempo comique particulièrement réjouissant.



( A la mort de son volage de mari, la contessa préfère le confort du veuvage, malgré nombreuses propositions de remariage ) :

« Au-delà de la crainte de lier les dernières années que Dieu lui concédait de vivre à un tire-flanc libertin et de l’imposer, qui pis est, à ses enfants et petits-enfants, elle n’avait nulle envie d’exposer aux yeux d’un inconnu sa nudité chiffonnée – elle n’était pas si décatie non plus. En dernière analyse, si elle n’avait pas connu, bibliquement parlant, que le père de ses enfants, se faire secouer tel un prunier par un érotomane, au moment de se mettre au lit en quête d’un sommeil bien mérité, ne lui manquait pas le moins du monde, sauf à tisser une liaison qui viendrait l’aider à redorer les lustres ternis au fils des ans … On n’était jamais à l’abri d’une bonne surprise. »
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Milwaukee blues

J'avoue avoir dû lire quelques pages avant de me projeter totalement dans ce roman mais l'art de la narration de Louis - Philippe Dalembert a eu raison de mes difficultés passagéres pour finalement m'entraîner à la découverte d'Emmet . Emmet , en fait , on le " connaît " pour avoir suivi son agonie sur un trottoir d'une ville étasunienne , étouffé par le genou d'un policier sans pitié et sous le regard "neutre " , pour ne pas dire indifférent de quelques collègues " normalement " chargés de " faire respecter la paix " mais , en aucun cas , de délivrer la mort . Les images , vous les avez vues . Elles ont tourné " en boucle " sur toutes les chaînes de télévision du monde entier ...Emmet était noir ...ce qui , en soit , est déjà malheureusement encore un crime dans une Amérique qui peine à comprendre combien tous les citoyens , les hommes , les femmes sont égaux face aux droits et aux devoirs dans un pays que l'on cite pourtant souvent comme étant celui de la liberté.

Une bavure ? Trop nombreuses les bavures pour , justement , prendre le nom de " bavure" . Peut- être " racisme " , non ?

Partant de cet événement terriblement ( et justement ...) médiatisé, Dalembert a imaginé la vie d'Emmet en donnant successivement la parole à des personnages qui l'ont côtoyé, l'ont vu se construire , rêver, approcher les étoiles, sombrer pour , finalement reprendre sa place dans le trafic des gens qui , malgré tous leurs efforts , ont bien du mal à émerger dans une société implacable . Emmet, il ne s'adressera jamais à nous , mais , souci d'authenticité sans doute , nous saurons tout de lui jusqu'au drame . De quoi réfléchir...Pourquoi tant de haine ?

La fin du roman est plus " universelle " mettant au premier plan tous ceux qui , en rendant hommage à Emmet , essaieront de lui redonner un honneur et une place qu'eux - mêmes tentent de reconquérir pas à pas , drame après drame ...A ce titre , j'ai personnellement trouvé la fin du roman lumineuse et porteuse d'espoir.La " marche" révèle une " tension extrême " .. . J'espère y avoir entrevu l'espoir d'un respect , certes bien légitime mais encore bien bafoué.

Ce roman nous permet de côtoyer des personnages qui , à n'en point douter , tout au moins pour certains , marqueront les esprits . Je vous suggère une lecture attentive du "Ma Robinson Show " , ça interpelle et ...ça redonne ...

Ce n'est pas un " scoop " , Dalembert est un écrivain de talent , j'en veux pour autre preuve , son excellent " Mur Méditerranée " . Son écriture est très belle , fluide et il sait présenter avec beaucoup de tact des problèmes contemporains , ce qui , soit dit en passant , n'est pas forcément une mince affaire .Son avis est toujours mesuré et il sait " donner à voir " pour que nous , lecteurs et lectrices , devions " nous mouiller " et finalement " prendre parti " . Son travail est , de plus , remarquablement documenté comme l'indique la bibliographie de fin d'ouvrage .

Sa sélection en tant que finaliste du prix Landerneau 2021 est un gage d'une grande qualité. Un livre dont le sérieux du sujet peut rebuter de prime abord ( ce fut mon cas ) mais qui ne peut laisser personne indifférent....
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Milwaukee blues

Quand le gérant pakistanais de la supérette de Franklin Heights a composé le nine one nine pour appeler la police parce qu’un grand individu noir, a sorti une coupure papier pour régler, coupure qu’il pensait fausse, il ne se doutait pas qu’il regretterait toute sa vie d’avoir composé ce fâcheux numéro et qu’il ne cesserait d’entendre dans son sommeil « Je ne peux pas respirer ! Je ne peux pas respirer ! Je ne peux pas ... » ces supplications prononcées par ce client mort étouffé par le genou d’un policier.

Il ne peut s’empêcher de penser que s’il n’avait pas été là ce jour-là, le type serait en vie et ses trois filles ne seraient pas orphelines. Mais il est trop tard et les médias du monde entier ne cessent de lui rappeler cette mort effroyable.

Après la mort d’Emmett, c’est tout le quartier de Franklin Heights, quartier pauvre de la cité de Milwaukee aux États-Unis, la plus grande du Wisconsin qui va se mobiliser contre les violences policières.

Trois parties découpent ce roman inspiré à Louis-Philippe Dalembert par le meurtre de Georges Floyd en 2020. Le héros de son roman, Emmett, personnage imaginaire, évoque la figure d’Emmett Till, cet adolescent lynché et torturé par des racistes du Sud en1955. Ces deux hommes noirs sont devenus des symboles des inégalités raciales aux États-Unis.

Dans la première partie, son institutrice se souvient de son élève, cet enfant élevé seul par sa mère très pieuse, qui était passionné pour le football américain et possédait un véritable talent pour ce sport. Puis ce sont ses deux amis Authie et Stokely avec qui il formait un trio inséparable qui racontent leurs souvenirs et donnent leur point de vue.

Dans la deuxième partie, Emmett, ayant réussi à obtenir une bourse et ainsi pu intégrer l’université, c’est au tour de son coach sportif devenu son ami de se remémorer ce garçon d’abord timide qui va devenir bientôt la star du campus. Un riche avenir se dessine devant lui jusqu’à ce qu’un accident vienne briser ses rêves. Sa fiancée blanche de l’époque tout comme son ex s’épanchent sur leur relation avec celui qu’elles ont aimé.

Milwaukee Blues est un roman choral dans lequel chaque personnage raconte avec ses mots, son style et selon son milieu social et son vécu à la fois sa propre vie, celle d’Emmett et la relation qu’il a eu avec lui. Des récits absolument formidables et criants de vérité dans lesquels Louis-Philippe Dalembert a su trouver le ton juste pour chacun.

La troisième partie, de loin la plus longue, relate comment après les funérailles d Emmett, Ma Robinson, ancienne matonne de prison devenue pasteure, organisera la grande marche pour l’égalité comme un cri d’espoir et de fraternité lancé à la face du monde…

Une force extraordinaire émane de ce livre qui brosse le portrait d’un homme ordinaire que la mort terrifiante a mis sur le devant de la scène et dont la vie a été traversée par la musique blues.

Avec ce roman, nous comprenons très bien combien il est difficile pour ne pas dire impossible pour des familles humbles d’envoyer leurs enfants à l’université sans l’obtention d’une bourse, les frais étant insurmontables et comment le sport, si l’on a des talents exceptionnels peut être le moyen d’en obtenir une. « Obtenir une bourse, c’est la panacée, le seul moyen pour les jeunes du quartier, filles et garçons confondus, de mettre un pied à l’université. Que Dieu, ou la nature, te dote d’un talent supérieur à celui des autres dans un des quatre sports majeurs qui servent de vitrine à ces temples du savoir. Si tu es né sous une très bonne étoile, tu peux obtenir le graal : être repéré par une fac qui a pignon sur rue. Ils ont des chasseurs de têtes présents dans tout le pays, en quête des jeunes prodiges qui viendront les aider à attirer leur clientèle.»

Louis-Philippe Dalembert, en brossant le portrait d’un citoyen noir américain sans histoire, victime de violences policières amène le lecteur à une importante réflexion sur le racisme, sur la misère et les difficultés de ces populations victimes de la violence de la vie et des institutions et ceci sans manichéisme aucun. En aucun cas, il ne cherche à faire pleurer le lecteur sur le sort d’un martyr mais tient à lui présenter le pire de l’humanité pour faire ressortir sa foi en une humanité meilleure.

J’ai apprécié qu’il remonte dans le passé, aux racines du mal, ce passé qui ronge toujours le présent, le monde de la ségrégation étant toujours présent. J’ai encore beaucoup appris sur ces États-Unis.

J’ai été touchée et bouleversée, difficile de ne pas l’être, par le sermon final de Ma Robinson, par ses paroles emplies d’humanité et de paix, qui prône la réconciliation au-delà des conditions sociales et ethniques.

C’est donc un message universel de paix, une élégie à la tolérance pour un avenir plus juste et moins inégal, un cri d’espoir que ce roman attachant, émouvant, tendre et non dénué d’humour, terriblement humain délivre et un appel bouleversant à l’entraide.

Milwaukee Blues a été pour moi un véritable coup de cœur !

Pour mémoire, Louis-Philippe Dalembert, a déjà reçu le Prix Orange du Livre Prix France Bleu/Page des libraires 2017 avec Avant que les ombres s'effacent et le Prix de la langue française 2019 avec Mur Méditerranée. Il a été finaliste du prix Goncourt 2021 avec « Milwaukee Blues » !


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Une histoire romaine

Louis-Philippe Dalembert connaît bien Rome pour y avoir vécu plusieurs années. Aussi, c’est une bonne chose qu’il nous en fasse profiter avec Une histoire romaine, roman qui permet de plonger dans la vie de deux familles plutôt aisées. C’est surtout l’occasion de ressentir au plus près les vicissitudes d’un pays qui connut le fascisme mussolinien allié de l’Allemagne nazie mais aussi « les années de plomb » quelques décennies plus tard.

Pour en arriver à Laura, son personnage principal, Louis-Philippe Dalembert, auteur très attachant rencontré à deux reprises aux Correspondances de Manosque, débute son histoire avec la grand-mère maternelle, nonna Adélaïde, la contessa. Elle vit bien dans un immeuble cossu de la rive droite du Tibre, quartier huppé du Prati. Son mari, un obsédé sexuel, lui a fait quatre enfants : trois garçons et une fille, Elena, avant de mourir.

L’humour discret mais efficace de l’auteur me permet de suivre cette veuve, une bigote qui ne manque jamais les vêpres avant de sacrifier au bridge et à l’apéritif.

Même s’il m’aurait fallu un plan de Rome pour profiter pleinement de cette double histoire familiale, je me laisse entraîner dans ce que vivent ces gens, une vie marquée par les tourments de la Seconde guerre mondiale.

Au passage, Louis-Philippe Dalembert fait référence à de fameux films italiens comme « Rome, ville ouverte » de Roberto Rossellini ou encore « Un Américain à Rome » de Steno avec Alberto Sordi, et cela donne envie de les voir ou de les revoir.

De l’autre côté du Tibre, vit la famille de Giuseppe qui fait connaissance avec Elena dans la station balnéaire de Sabaudia, à quelques encablures de Rome, en 1957. Tous les deux ont fait leurs études à l’Institut du Sacré-Cœur de la Trinité des Monts mais ont cinq ans de différence.

Je vous passe les détails qui amènent les deux tourtereaux au mariage après des fiançailles que la contessa aurait voulu plus grandioses. Même si Elena fait tout pour échapper aux désirs de sa mère, celle-ci parvient toujours à ses fins comme l’auteur le démontre très bien.

De l’autre côté du Tibre, avec vue sur le château Saint-Ange, je découvre zia Rachele, la mémoire vivante de l’immeuble de la famille de Giuseppe, qui a des origines juives. Ce dernier s’étant converti au catholicisme pour épouser Elena, l’auteur rappelle la confiscation de l’or des familles juives puis leur déportation après la rafle du 16 octobre 1943. Plus de 1000 personnes dont 200 enfants ont été déportés à Auschwitz.

Même si la famille de Giuseppe a changé de nom, Guerrini à la place de Sabatelli, elle est obligée d’utiliser un réseau de résistance pour échapper au pire.

Arrive enfin Laura la Romaine dont l’histoire occupe la dernière partie du livre. Fille de Giuseppe et Elena, elle affirme sa personnalité, n’hésitant pas à balayer les traditions mais a recours aux séances de psy alors que sa grand-mère lui conseille la confession : c’est moins cher et c’est gratuit !

Ses amours, ce fameux professeur qui lui vaudra de sérieux ennuis, l’héritage de zia Rachele, la tante Samanta partant vivre en Israël avec mari et enfants, la vie de Laura devient vite chaotique et passionnante.

Tout cela, Louis-Philippe Dalembert (Avant que les ombres s’effacent, Mur Méditerranée, Cantique du balbutiement et Milwaukee blues) le raconte avec précision et moult détails. Je constate qu’il connaît bien les meilleurs restaurants de Rome dont il faudrait noter l’adresse, s’ils ne sont pas trop chers. En tout cas, Une histoire romaine m’a rappelé de bons souvenirs mais m’a surtout donné envie de retourner là-bas pour marcher sur les pas de Laura et admirer une fois encore la Ville éternelle, de chaque côté du Tibre.


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Milwaukee blues

« C'est avec les beaux sentiments qu'on fait de la mauvaise littérature » affirmait André Gide et cette pensée m’est venue à l’esprit en lisant les deux premières parties de cet ouvrage dont chacun des chapitres donne la parole à un proche d’Emmett, victime d’une « bavure policière ».



Successivement l’institutrice, l’amie d’enfance, le pote (dealer) racontent l’enfance à Franklin, un quartier défavorisé de Milwaukee.



Puis le coach sportif, la fiancée et l’ex compagne témoignent de son adolescence, de son rêve sportif brisé, et des galères de son existence faite de jobs précaires dans une région subissant le transfert de ses industries vers l’Asie.



Cette litanie m’a semblé manquer de cohérence et brosse un portrait contrasté d’Emmett. Ces témoins se répètent, se contredisent, et les vacheries de l’ex sont un véritable coup de poignard dans le dos.



Mais la troisième partie est mémorable. « La marche » révèle Ma Robinson, une évangéliste, ex gardienne de prison, qui organise et préside les funérailles avec le concours de Dan et Marie Hélène.



Le romancier rend hommage à Frantz Fanon et à d’autres intellectuels du tiers-monde et émaille son propos de chants et de poèmes mais quel dommage que l’éditeur massacre l’élégie du cubain Nicolas Guillén (page 246) en oubliant de passer à la ligne à la fin de chaque vers !



Louis-Philippe Dalembert immortalise avec talent le prêche de Ma Robinson … « On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments. Ainsi la Bible, quel chef-d'oeuvre ! » répondait Henri Jeanson à Gide.
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Mur Méditerranée

Mur Méditerranée est un grand roman absolument indispensable tant il rend compte du sort des réfugiés, en les faisant vivre, souffrir, espérer, déprimer, reprendre goût à la vie. Tous, ils fuient des conditions de vie impossibles, insupportables.



La guerre, la dictature, un service militaire qui n’en finit pas, la famine, des sècheresses aux conséquences dramatiques… les motifs pour partir ne manquent pas et Louis-Philippe Dalembert a le mérite de mettre tout cela en scène au travers de trois femmes d’origines géographiques et sociales différentes.

D’emblée, il m’a plongé en plein cauchemar, à Sebratha, en Lybie, à soixante-dix kilomètres de Tripoli. Ainsi, petit à petit, j’ai fait connaissance avec Semhar, jeune Érythréenne, Chochana qui vient du Nigéria et Dima, Syrienne accompagnée d’Hakim, son mari, et de leurs deux filles. Pour ces derniers, pas de doute, l’argent ne manque pas. S’ils fuient les bombes de Daech ou d’Assad, ils sont à l’hôtel en attendant le départ pour l’Europe.

L’intérêt de ce roman est immense car l’auteur fait partager la vie de chacune et connaître les motifs de leur départ, motifs qui apparaissent de plus en plus évidents. Régulièrement, les médias évoquent le sort tragique de réfugiés ou parlent du refus d’accueil de quelques pays mais ils n’abordent jamais en profondeur les causes de la migration. Louis-Philippe Dalembert le fait avec talent, ménageant suspense et intérêt jusqu’au bout.

D’autres auteurs ont parlé de ce sujet. Je pense à Laurent Gaudé dans Eldorado, ou à Delphine Coulin (Une fille dans la jungle) ou encore à Baudoin et Troubet dans leur BD, Humains, la Roya est un fleuve mais il y en a bien d’autres… Pourtant, jamais je n’avais lu autant de détails sur le cauchemar que vivent ces enfants, ces femmes et ces hommes qui voudraient simplement vivre dignement.

Pour écrire cela, l’auteur est allé vivre un mois sur l’île de Lampedusa et a recueilli de nombreux témoignages de réfugiés comme d’habitants de l’île ou encore de bénévoles travaillant pour les ONG. Son grand mérite est de ne stigmatiser personne mais sans épargner non plus ceux qui exploitent sans vergogne la détresse de leurs semblables. Il montre à l’œuvre les passeurs, tous ces réseaux qui se sont constitués pour prospérer sur la misère, gagner un maximum d’argent tout en infligeant les pires souffrances et d’atroces outrages à celles et à ceux qui sont contraints de passer par eux.

Au passage, la France n’est pas épargnée. « Le pays des Droits de l’homme » où l’on se gargarise de mots mais où l’on fait trop peu. L’Angleterre, l’Allemagne, les pays du nord de l’Europe semblent plus accueillants mais les mouvements d’extrême-droite sont très actifs pour refouler ces gens qui rêvent de s’intégrer pour vivre dignement. L’Italie est au premier rang avec la Grèce et Malte mais quand un bateau va couler en Méditerranée, il faut agir sans attendre. Combien de femmes et d’hommes n’ont pas pu être sauvés ?



Il faut lire ce Mur Méditerranée afin que ceux qui rêvent d’imiter les Nazis lorsqu’ils fortifiaient notre littoral méditerranéen, ne puissent pas réaliser leur projet.




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Milwaukee blues

Emmet est mort comme George Floyd, cet afro-américain étouffé par le genou d’un policier blanc en mai 2020. Avant que n’aient lieu ses funérailles, suivies d’une marche de protestation, les témoignages de ceux qui l’ont connu et apprécié – son ancienne institutrice, ses amis d’enfance, ses ex-compagnes et son coach sportif – évoquent tour à tour le terrible parcours de cet homme issu des ghettos noirs de Milwaukee. Elevé par une mère stricte et pieuse, Emmet obtient une bourse et accède à l’enseignement supérieur grâce à ses exceptionnels talents de footballeur. Mais un accident anéantit ses projets et le renvoie à la précarité de son quartier déshérité. Il y végète sans espoir, en cumulant les petits boulots, jusqu’au drame, vingt ans plus tard…





D’Emmet Till, adolescent noir lynché en 1955, à George Floyd, assassiné en 2020, le personnage fictif au coeur de ce récit permet très symboliquement à Louis-Philippe Dalembert de faire entrer en résonance soixante-cinq ans d’Histoire raciale américaine. L’auteur ponctue son texte de mille références historiques et musicales, autant de témoins du long chemin entamé depuis l’époque du mouvement américain des droits civiques. Il s’appesantit sur ces véritables culs-de-basse-fosse que sont ces quartiers noirs américains dont on ne s’extrait quasiment jamais, discrimination raciale et fracture sociale entretenant désespérément leur engrenage de roue et vis sans fin. Malgré tout, au vu des mouvements de protestation et des mobilisations de plus en plus visibles, individuelles ou collectives, auxquelles il rend maints hommages dans son roman, il se prend à espérer qu’advienne un jour où les Emmet Till et les George Floyd feront enfin partie d’un passé révolu.





La thématique et la portée du texte, la richesse de ses références historiques et culturelles, ainsi que l’originalité du parti-pris narratif, ont indéniablement de quoi emporter tous les suffrages. Et même si, dans son souci de pondération et de maîtrise de l’émotion, le récit semble parfois peiner à s’incarner, notamment dans la succession un peu monotone et répétitive des monologues des différents personnages, un peu semblable à une série de dépositions dans un procès, il impressionne par sa capacité à prendre du recul et à ouvrir des perspectives sur un sujet encore sous le choc de l’actualité.





Ce roman documenté et soigneusement mesuré traite son sujet avec intelligence et sérieux. Il nous en livre une mise en perspective lucide et néanmoins pleine d’espoir, utile et nécessaire, qui justifie pleinement l’effort de sa lecture.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Mur Méditerranée

Inutile de se lancer dans un long résumé du livre...D'abord , prenez- le en mains et observez la couverture . Sur fond bleu , le titre " Mur Méditerranée".Erreur d'impression ? Bon , à voir...Maintenant , lisez attentivement la quatrième...deux fois si besoin ....Vous voyez bien que je n'aurais fait que me montrer redondant , pompeux et ....prétentieux , vous savez tout .

Et maintenant ? Vous le prenez ? Vous le reposez ? Ça a l'air bien , mais dur , non ? Et puis , savoir que la Méditerranée est un gigantesque cimetière, quand on revient juste d'y passer de belles ( et on ne peut plus légitimes ) vacances ,.....Et puis , les migrants , on en entend parler tous les jours à la télé , dans la presse , alors...Pour tout vous dire , si une circonstance ne m'avait pas obligé à le lire , ce livre , je ne l'aurais pas choisi , voilà , c'est dit , non pas que je sois indifférent , non , mais parce que ...quoi , au fait ? Oh , parce que je ne suis qu'un "citoyen lamda"et que tout ça me semble bien loin .....

Allez , on ouvre la première page et ...on plonge , c'est le cas de le dire, dans un univers ....incroyable .Et l'on se dit immédiatement que certains auteurs , vraiment , on se demande où " ils vont chercher ça " , qu'heureusement , c'est de la fiction , que non , l'Humanité , ce n'est pas ça, que forcément , il y aura une " happy end " aux atrocités que vont connaître " les candidats au voyage " dès lors qu'ils confient leur (s ) destin( s ) à des passeurs que je vous laisse le soin de découvrir. Sans commentaires . La lecture avance , avance , on attend l'apparition de cet éclat lumineux qui viendra mettre un terme à cette odyssée infernale .Mais non , pas la moindre lueur .C'est terrible et , malgré tout , on a envie , envie de poursuivre pour savoir , sinon à quoi bon , et puis , les principaux personnages, ceux dont on parle sur la quatrième, on les connait maintenant trop pour les abandonner aux mains d'assassins , aux flots déchaînés d'une mer démontée .

Et puis , la fin , l'arrivée en Europe sous le regards des baigneurs , sous les flashes des portables ......On n'envoie plus de cartes postales mais ça , transmis aux copains , quel souvenir de vacances .La " cerise sur le gâteau ". " Tu te rends compte , j'y étais "

Ça y est , la dernière page....Pas terrible la fin , l'espoir est mince...et tant de morts...

Ah , il y a quelques précisions à la fin du roman .Une bibliographie .Mais alors , ce n'était pas une fiction . C'était vrai ? Je comprends mieux la distance prise par l'auteur .C'est extraordinaire , il reste à l'écart , ne prend pas parti et , pourtant , il nous en relate des faits , il nous en donne à voir . Mais alors , c'est à moi de prendre parti ...Oui , mais les migrants , moi, c'est pas trop " mon truc " , je ne sais que penser...La Méditerranée ? Elle n'est pas loin ? Oui , c'est vrai.....

Comme je vous l'ai dit , ce livre , je ne l'aurais pas forcément lu ( je peux même affirmer que je NE l'aurais PAS lu ).....Et pourtant , c'est un texte fort , fort et brillant , comme son auteur .Et " non , rien de rien , non , je ne regrette rien ".

J'ai compris : le titre , c'est bien " Mur Méditerranée "......







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Milwaukee blues

C’est par souci de probité que le gérant d’une supérette a composé le 911, craignant que le jeune homme qu’il a servi n’ait utilisé un faux billet. Et pourtant l’affaire banale et bénigne aboutit au décès du suspect, étouffé par un policier zélé.



C’est à partir de la tristement célèbre histoire de George Floyd décédé en 2020 à Mineapolis, relayée par tous les médias dans le monde entier, et qui avait réveillé le souvenir d’un autre affaire soixante ans plus tôt, le lynchage d’Emmet Till, que l’auteur a créé cette fiction.



Louis Philippe Dalembert développe l’intrigue en donnant la parole successivement à différents protagonistes : le pakistanais qui a donné, l’alerte, les amis d’Emmet, sa famille et ses professeurs ainsi que ses fiancées, amantes ou ex, tous ceux qui avaient fait un bout de chemin avec lui.



On a ainsi différents éclairages sur ce qui s’est passé, et il apparait clairement que cette mort est profondément injuste et est malheureusement le reflet de ce que vivent aux USA de nos jours les populations africaines-américaines, et mettent en lumière s’il en était besoin que Les Etats-unis ne parviennent toujours pas , loin s’en faut à guérir les séquelles d’un passé esclavagiste.



Passionnant et utile, et sous-tendu par une bande-son superbe.
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Avant que les ombres s'effacent

Le titre est superbe, le sujet, historique, tout autant, offrant au récit une ampleur inouïe : le vote en 1939 par l'Etat haïtien d'un décret-loi octroyant la nationalité, passeport et sauf-conduit à tous Juifs européens en faisant la demande, quelques mois avant que n'éclate la Deuxième Guerre mondiale. Comme si ce pays naît de la révolte d'esclaves avait inscrit dans la chair de son peuple le credo d'égalité et de fraternité.

Le héros, le Dr Schwarzberg, est un de ces Juifs sauvés de la barbarie nazie, devenu haïtien, patriarche de trois générations d'Haïtiens. La venue de sa petite-nièce le confronte à la mémoire de ce passé qu'il a rejeté. S'en suit alors une formidable saga piquée de romanesque : sa naissance à Lodz en Pologne, les pogroms, l'exil à Berlin, la diaspora de sa famille entre les Etats-Unis et le jeune Israël, sa déportation à Buchenwald, son embarquement à bord d'un bateau empli de migrants juifs refoulés de Cuba, Paris et le Bal nègre, et Haïti bien sûr.

Ce roman est un hommage puissant et tendre, plein d'humour et de verve à Haïti, il porte un regard nouveau sur cette île, loin des clichés de misérabiliste, une terre généreuse, d'exil et d'accueil, digne, invoquée par une belle écriture très musicale, souvent lyrique, parfois surécrite mais incontestablement riche.

Il m'a juste manqué de vibrer très fort d'émotion pour ces beaux personnages.
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Mur Méditerranée

Un roman bouleversant : la tragédie de la migration clandestine



Parce qu'à préférence nationale je préfère "foule sentimentale"

Parce que "Lily" de Pierrot, écrite en 1977, parle de cette réalité : le racisme et des milliers de vie qui se perdent en Méditerranée.

Parce que les politiques se gargarisent de mots : pays des droits de l'homme, terre d'accueil mais avec cynisme parlent des migrants en chiffres, pourcentage savant, sondages "pour ou contre", proposent un pacte Européen sur la migration qui ne fera qu'accroître les souffrances humaines : une loi qui fait triompher les idées de l'extrême droite.

Parce qu'être bien nés et du bon côté est une chance pas une supériorité.

Leur mépris est indigne, indécent face à tous ces désespérés fuyant la guerre, la famine, les persécutions, ainsi forcés à l'exil. Cet exil souvent lié à une histoire d'oppression et spoliation impérialiste depuis des siècles.



"Avec le sang de nos pères, vous avez fait vos guerres,

pillé nos matières premières

Vous êtes l'origine de notre galère

Avec haine et mépris, vous nous avez dit merci "

Alpha Blondy.



Louis Philippe Dalembert se saisit de la crise migratoire, éloigne le lecteur des chiffres aseptisés qui font oublier trop souvent que derrière, ce sont des vies.

Il s'appuie sur une tragédie réelle : le dix huit juillet 2014, le pétrolier Danois Torm Lotte secourt huit cent personnes sur un mouroir flottant en perdition au large de Malte.

L'auteur d'"avant que les ombres s'effacent", de son écriture soignée, élégante, son regard plein d'humanité et son humour subtil, va donner voix à des femmes :

Trois destins, trois femmes aux histoires, aux religions, aux langues et caractères différents, cherchant la paix, la sécurité et un avenir possible.

Un magnifique portrait de femmes, de solidarité : elles vont tout quitter perdant la maîtrise de leur existence mais conservant un ultime instinct de survie.

Chochana la Nigériane juive réfugiée climatique, fuit le Nigéria où le criminel Boko Haram sème la terreur.

Semhar l'Erythréenne chrétienne fuit la dictature d'Isaias Af Werki, le service militaire obligatoire de vingt ans, les tortures et disparitions inexpliquées.

Dima la Syrienne musulmane, bourgeoise fuit les bombes, prête à tout pour assurer un avenir à ses filles.

Après avoir traversé leur pays respectif, puis le Sahel ou le Sahara, Chochana et Semhar échouent en Lybie dans un entrepôt, en transit. Elles vont attendre des mois dans cet enfer, l'autorisation de monter à bord d'un bateau reliant l'Europe. Elles sont à la merci de passeurs mafieux, les trafiquants de l'espoir, et autorités complices. Une violence au quotidien : battues, violées, endettées, réduites à l'esclavage.

Des centaines de migrants africains "remplissent" déjà le chalutier du désespoir pour Lampedusa, lorsque embarquent nos trois héroïnes.

Dima, plus privilégiée, voyage sur le pont. Chochana et Semhar font la traversée dans la cale, sans oxygène.

Elles vont subir la colère d'une mer sans pitié, tenir, garder leur dignité, se soutenir, s'endurcir.

Aucun homme, aucune femme ne peut endurer sans limite le mépris et la peur.

Trop d'humiliations, trop de morts, les damnés de la terre, toutes ethnies confondues, vont se lever contre ces trafiquants d'êtres humains qui leur ont tout pris jusqu'à la dignité.

Alors "la voix de Chochona déchira le silence, les premières notes du gospel montèrent puissantes, emplirent chaque recoin de la cale, pénétrant les coeurs."

Toute la cale chantait.

"Le chant porté par des centaines de poitrines était une arme létale, plus forte que les flots et les vents. Plus dangereuse que la Méditerranée même."



Ce roman rend hommage à tous ceux et celles qui ont perdu leur vie dans leur voyage vers l'Europe, qui se battent contre l'oppression raciste et xénophobe au quotidien sur le continent Européen mais aussi dans leur pays d'origine.

Je l'ai lu comme un grand récit humaniste !

Alors que le changement climatique est avéré, l'instabilité politique se propage, les débats sur l'intégration ne doivent pas être prétexte à l'inaction !



Un livre fort, puissant, indispensable. Il pose la vraie question :

La vie des autres n'a-t-elle aucune valeur à nos yeux ?

"Par-delà les frontières, la Terre doit appartenir à tous ou à personne ! "

Citoyen du Monde



Ouvrez les frontières, ouvrez les frontières

Nous aussi on veut connaître la chance d'étudier,

La chance de voir nos rêves se réaliser,


Avoir un beau métier, pouvoir voyager,


Connaître ce que vous appelez liberté.

On veut que nos familles ne manquent plus de rien,


On veut avoir cette vie où l'on mange à sa faim,


On veut quitter cette misère quotidienne pour de bon,


On veut partir d'ici car nous sommes tous en train de péter les plombs ! »

Tiken Jah Fakoly « Ouvrez les frontières »

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Mur Méditerranée

Chochana , la juive nigériane, Shemhar, la catholique érythréenne ainsi que Dima , la musulmane syrienne et sa famille se retrouvent sur le même chalutier en route vers Lampedusa. Mais avant cela , il a fallu le courage de quitter une terre que l'on aime et d'affronter le cauchemar qui les a amenées à Sabratha , port de départ libyen vers le Graal de l'exil.



Très beau roman , sur un thème largement évoqué mais , à mon avis , très bien traité ici.



On se doutait des conditions apocalyptiques du chemin, du fait que les migrants étaient traités comme du bétail , mais peut être pas à ce point.

Tout y passe : les premiers contacts, les premiers mètres de l'échappée , l'étau qui se resserre, l'espoir qui devient la seule lanterne dans un contexte cataclysmique, les sévices , les conditions de vie qui seraient dénoncées par les animalistes ...



L'auteur appuie son argumentaire en choisissant bien ses migrants : des familles établies, ne manquant de rien. mais soit la guerre en Syrie , soit l'incompétence des dirigeants en Erythrée où le surnommé 'TséTsé' , celui qui endort le peuple,choisit aléatoirement la durée du service national de chacun (moyenne 7 ans ) ou encore le manque de perspective au Nigéria propulse sur les routes de l'exil des êtres humains qui ne demandaient qu'à servir leur pays et y vivre tranquillement. Et que dire de ce marocain, marié en Italie où il vivait depuis ses dix ans et expulsé suite à des broutilles ?

Au cas où le tout manquerait un peu de force, l'auteur nous livre de petites réflexions sur le rôle de la société occidentale, prêchant le respect et la démocratie , peu de temps après avoir asservie la quasi totalité de la planète. La France , donneuse de leçons en chef, en prend pour son grade , Obama également.

"Et puis , chaque peuple doit faire son propre chemin à son rythme, sans recevoir de leçons qui, hier encore, le colonisaient au mépris des valeurs qu'ils prêchent aujourd'hui".

ou encore

"C'était bien beau pour Obama de parler de "ligne rouge" et "d'énormes conséquences"en cas de bombardement chimique , puis de s'asseoir dessus".



Un livre aussi où le racisme entre migrants n'a rien à envier à d'autres formes que nous connaissons malheureusement mieux.



Un livre fort , sur un thème aujourd'hui éculé, mais très bien traité , qui apporte indéniablement un plus au sujet de part sa vison globale du parcours et des protagonistes et où il est difficile de ne pas s'attacher à ces migrants , dont l'espoir du meilleur n'a d'égal que la déchirure de la rupture avec leur passé.

Une très belle réussite.
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Milwaukee blues

Louis-Philippe Dalembert s’inspire de la mort tragique de George Flyod, en lui prêtant les traits d’un personnage nommé Emmett, pour imaginer sa vie, racontée par ceux qui l’ont côtoyé de façon plus ou moins proche avant sa mort.

Cette galerie de portraits est mordante, bigarrée, pleine d’humour grinçant, et livre une vision désenchantée de l’Amérique, de son miroir aux alouettes pour une grande partie noire de la population. J’ai apprécié et trouvé habile cette approche pour dresser le portrait d’Emmett et son parcours, chacun livrant sa part de vérité sur le défunt.

Si l’esclavage et la ségrégation ne sont plus d’actualité, les stigmates sont bien présents et les mentalités n’ont pas évolué d’un iota chez certains américains.

J’ai un peu regretté cependant des longueurs et un certain angélisme chez l’auteur, un peu trop de bons sentiments. Il n’y a pas de beaucoup de « méchants » dans le Milwaukee (à part les flics assassins et les mères indignes), que des hommes et des femmes admirables et pleins de bonne volonté, même l’ancien pote taulard s’est reconverti en coach sportif pour jeunes défavorisés.

Le véritable George Floyd était loin de l’enfant de chœur décrit dans le livre, il a été condamné plus de huit fois pour trafic de drogue, braquage et divers délits, et a fait quatre ans de prison.

Il m’a manqué un peu plus de réalisme, je ne m’explique pas tout à fait ce parti pris de l’auteur de gommer les faces sombres de son héros, Emmett y aurait gagné en crédibilité et en consistance.

Les circonstances de sa mort ne peuvent trouver aucune justification, ni dans sa couleur de peau, ni dans son passé. L’auteur avait suffisamment de talent pour démontrer ce dernier point, et cette démonstration n’en aurait rendu que plus percutant ce roman. Pourquoi cette frilosité et cette volonté d’édulcorer la réalité ?

L’auteur, par le biais de la révérende Ma Robinson, livre une belle réflexion sur notre capacité à aller vers l’autre, les empêchements liés aux préjugés. La note d’optimisme finale est à saluer, mais il est à craindre que la route reste beaucoup plus longue qu’espéré …

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Milwaukee blues

Tout commence si banalement. Un salarié d'une épicerie appelle la police , estimant s'être fait refourguer un faux billet.

On est à Milwaukee, à Franklin Heights, quartier noir d'une des ville les plus ségréguées des USA.

La police arrive , c'est l'accident.Ou le meurtre .



L'histoire d'Emmet ne peut que nous rappeler la mort de Georges Floyd et sans doute que si la ville change , c'est parce que l'auteur a travaillé un an à Milwaukee et que cette ville a une réputation raciste qui lui colle à la peau.

Les évènements de Kenosha, quasi banlieue de Milwaukee, en 2020 ont dû conforté l'auteur.

Ce livre , construit en trois parties, je le perçois autant comme un cri de haine qu'une bouffée d'espoir.

Mais au delà du thème principal , qui est plus finalement l'être humain compte que Black lives matter, l'histoire d'Emmet est très touchante et sans doute moins scabreuse que celle de Georges Floyd.

La jeunesse du quartier, croire au rêve américain à travers le sport, le retour , ces fragments du livre m'ont ébloui par le cœur que l'auteur a dû y mettre. Et puis, tous ces personnages qui prennent la parole à tour de rôle, dynamisant le récit et l'enrichissant fortement. Ces personnages qui sont finalement le sel du livre , tirant tous pratiquement vers ce que l'humain a de meilleur , le partage , la foi en l'autre et le respect de la différence.

Alors oui, au delà du récit d'un processus infernal d'une descente aux enfers difficilement évitable , ce livre est une lueur d'espoir que l'auteur entretient en comparant les manifestations des années 60 et de l'été 2020.

Des manifestations où les protagonistes ont changé et qui laissent à penser qu'un jour peut être on parlera d'êtres humains sans cliver les gens dans des cases répugnantes. Ce n'est pas gagné mais comme l'auteur , j'ai envie d'y croire.
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Avant que les ombres s'effacent

L'auteur nous le dit,il a pris certaines libertés avec l'Histoire.Et bien j'annonce la couleur,"il a très bien fait",d'après moi qui ne suis pas expert en la matière .

Et pourtant,on va tout de même en apprendre des choses dans ce roman.

Le personnage principal,il est juif,passe son enfance en Pologne,son adolescence en Allemagne et....vous y êtes, bien sûr ,la Diaspora,les camps d'extermination....Je vous sens réticents .Ca,on connait,c'est terrible,on va lire des atrocités, encore...Non,attendez,c'est l'idée mais c'est autre chose vraiment.

Bon,je reprends.Les atrocités arrivent mais,une partie de la famille a le temps de fuir avant le déferlement de haine et de violence.Alors,me direz vous ,c'est tout?Non car Ruben,le héros et son oncle Joe restent et,sur le chemin du retour ,ils....oula! Mais vous êtes trop curieux. Ce que je peux vous dire,c'est que vous allez suivre la route de Ruben et elle est parsemée d'embûches.

Des ennemis,il y en a,les états et leurs dirigeants,la police française de l'époque ,si caricaturale qu'on comprend mieux son rôle à venir, stupide,ridicule,bornée, antisémite,illettrée,peu cultivée .(attention,c'est celle qui est décrite pour les besoins de l'intrigue et sans doute loin de la réalité ,de nombreux flics ont eu des attitudes remarquables en ces temps troublés ),les Etats Unis et leur protectionnisme,bref....pas simple.

Heureusement,il y aura des aides,Johnny,madame Faubert,Roussan et bien d'autres dont une certaine femme de diplomate qui jouera un rôle déterminant dans l'éducation du timide Ruben,mais,bon,vous verrez tout cela par vous même .Et puis,il y a Haïti et les haïtiens et là ,que du bonheur,De la solidarité, de la générosité ,de la fierté ,de la joie de vivre,des traditions.

C'est du reste là- bas que l'on retrouvera Ruben au crépuscule de sa vie.Ruben qui y reçoit la petite fille de sa soeur et qui lui raconte cette histoire,son histoire qui,je n'en doute pas saura vous transporter.On tremble,on s'interroge,on est touché mais on rit aussi dans ce roman qui m'a beaucoup plu.

Et si je n'étais pas retraité, je dirais que mes lectures de vacances démarrent très fort,mais moi,les vacances,je ne sais plus ce que c'est,alors.....

Je vous souhaite un bon moment en compagnie de Ruben....et de bonnes vacances.
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Mur Méditerranée

Un texte exceptionnel pour plusieurs raisons.

.

D'abord la plume. L'auteur privilégie un vocabulaire riche, précis sans être pédant. Et quelle plume ! Tout y est méticuleusement décrit et donné à ressentir. J'ai tellement aimé le style de l'auteur que, passant à la bibliothèque hier soir, j'ai pris un autre de ses livres. Juste pour le plaisir de son style sans même savoir quelle histoire raconte ce texte.

.

Autre point : le récit. Et là pour celles et ceux qui ne savent pas ce que raconte le livre, autant l'avouer tout de suite, vous êtes embarqués dans une histoire violente, très violente, mais réaliste.

3 femmes.

Une jeune nigériane juive qui décide de quitter sa terre autrefois fertile désormais aride, pour un voyage vers le Nord.

Une jeune érythréenne chrétienne qui fuit un service militaire sans fin (elle a déjà fait deux ans) dans son pays devenu un camp à ciel ouvert.

Une mère de famille syrienne qui fuit la guerre dans son pays avec son mari et ses deux petites filles.

3 parcours où se multiplient racket, violence, viols, tortures.... Tout ça pour arriver face à la Méditerranée à franchir....

3 histoires qui se rejoignent sur les berges lybiennes, 3 femmes qui vont se retrouver sur le même bateau. Un chalutier vétuste, terriblement vétuste. Une mer violente elle aussi.

.

A lire pour savoir, pour refuser d'ignorer, pour affronter la réalité des chiffres, pour se rappeler que la Méditerranée n'est pas qu'un lieu de villégiature, c'est un lieu de mort aussi.

.

Sans lien avec le livre mais ça m'y a fait penser....

J'habite dans le Pas-de-Calais, je vais régulièrement à Calais pour mon travail. Je suis toujours effarée de l'argent dépensé pour empêcher les migrants de passer en Angleterre..... La double rangée de barbelés au port et à Eurotunnel, le grillage intelligent (capable d'alerter quand un homme essaie de l'escalader et de dire où exactement ça se passe), les 3 tunnels de vérification des camions (le 1er peut détecter la chaleur d'un corps - d'où les couvertures de survie, le 2e peut détecter le CO2 - d'où les sacs plastiques très dangereux sur le visage, le 3e est infranchissable : le scanner peut détecter un coeur qui bat dans un camion complet).

Nous vivons dans un triste monde.....
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