VLEEL Printemps des poètes 2022, L'éphémère avec cinq auteurs, éditions Bruno Doucey
Je ne trouve pas toujours
les phrases
pour décrire la lumière
accrochée au rideau de ma chambre
ou les notes d'une chanson
dans mon oreille
Alors je lis des poèmes
avec des images
offertes comme les eaux
qui courent jusqu'à la mer
car les poèmes ont une peau
plus vibrante que ma peau
et un coeur
qui bat au rythme du paysage
les poèmes prennent le temps
de m'écouter
si ma voix se mouille
ou éclate d'un long rire
Les poèmes sont ma fenêtre
et mon autre visage
(" Les mots secrets")
LE MATIN SE LÈVE TOUJOURS TROP TÔT
Le matin se lève toujours trop tôt
car le cœur ne vibre
que la nuit, dans le noir
recouvrant les rêves
un doux velours tendu
à la fenêtre, le verbe aimer
conjugué au futur
le contour d’une silhouette
encore inconnue
mais qui viendra un jour
dans ma vie
je la reconnaîtrai à ses lèvres
suspendues à la mer
ou à sa passion
pour les langues laissant chanter
leurs voyelles
Il faudra me fier à ces antennes
qu’on sent parfois sous la peau
ces frêles antennes
de papillon en éveil
Les mots secrets
Mais nous ne sommes pas de purs esprits et tôt ou tard nous avons besoin d’être retenues par des bras, protégées par un toit, entourées de livres et d’amitiés.
(p.122)
car la joie se contente
de hasards
une rencontre, un livre
un chaton trouvé
ces brèches
dans la monotonie
du jour
qui remettent la douleur
à sa place
tu jettes
les clés de ta maison
et tu ouvres
tout grand tes coffres
en oubliant
ton ancienne indigence
tu n'attends plus
qu'on t'aime
pour aimer
Tu as décidé de vieillir
sereine
telle ta propre mère
et tu entends bien
tenir jusqu'au bout
ta promesse
À l’intérieur de la poitrine, il y a ce muscle où s’accumulent nos désespoirs, la tape de papa à quatre ans parce qu’on avait brisé un bibelot de porcelaine, la punition qu’on avait reçue injustement à l’école, et puis les échecs, les amitiés déçues. Les chagrins d’amour. Tout ce la fait une boule. Une boule dure qui avec le temps pèse de plus en plus lourd et nous empêche de respirer.
(p.21)
Quand ils deviennent grands, les enfants se mettent à graviter autour de leur propre soleil, rien à faire pour les retenir.
(p.81)
Encore une fois tu célèbres la caresse pour amadouer le silence , le rendre moins sombre, le désarmer. Caresse, car tu crois en l'offrande des mains, printemps sur la peau, brise bleue, quelque chose comme une odeur de ciel douillet qui se lève, et le sol à vol d'oiseau, si fragile que tu voudrais le couvrir de forêts.
ton âme flotte-t-elle
dans les restes d’un livre
ouvert sur la table
ou dans les longs silences
qui dérivent le soir
avec les cerfs-volants
je te cherche partout
où tu n’es pas
et je ne trouve
que cette évidence
chaque matin le soleil
se lève
mais tu ne l’imites plus
maintenant le ciel
à vif
et cette hirondelle
qui à elle seule
veut faire le printemps
tu la retiens un instant
dans ta paume
pour mieux la rendre
à la patience des feuillages
où elle cache son nid
sans inquiétude
tu guettes le vert
illisible
troué de chants
tu écris
comme si la mort
n’existait pas