Les enfants venaient d'atteindre la petite place où se tient le marché aux oiseaux, avec ses étalages alignés de chaque coté d'une allée centrale, sous une verrière bleutée et ses innombrables cages remplies de tout un petit peuple aux couleurs bariolées, voletant, sifflant, pépiant et gazouillant.
Ils s’approchèrent et regardèrent, ouvrant de grands yeux, tandis que Claire poussait des exclamations ravies :
"Vois ces oiseaux bleus, Pierrot ! Ce sont les plus beaux ! Non ! celui-la, tout doré est encore mieux. Et ceux-ci ! Pas plus grands que mon petit doigt ! Qu'ils sont mignons !
- Et quel concert assourdissant ! remarqua le petit garçon en riant.
- En effet ! C'est incroyable que de si petites bêtes puissent faire tant de bruit !"
On dénoua les rubans, les couvercles volèrent sur le parquet et, presque en même temps, tout le monde poussa un « Oh ! » d’admiration et de plaisir en découvrant les plus charmants petits oursons que l’on puisse rêver.
Blancs, beiges, bruns, ou presque noirs, ils étaient de couleurs différentes, habillés de vêtements variés, mais tous avaient la même tête et la même expression malicieuse.
Le bureau s’emplit de bruit, de rires, de joyeuses exclamations.
« Qu’ils sont jolis ! s’exclamait-on.
— Oh ! voyez ! Leurs yeux bougent. Il semble vraiment qu’ils regardent !
— Et ils ont l’air joliment coquin !
— Le mien est si blanc, que je vais l’appeler Flocon-de-neige.
— Le mien sera Noiraud.
— Le mien Caramel. »
Janie, elle, était si heureuse qu’elle restait muette. Silencieuse, elle caressait en souriant la fourrure brune de son ourson et lissait ses petits vêtements : un short bleu roi, une chemisette d’un bleu plus clair, à pois blancs, au col fermé par un nœud papillon rouge vif.
Une fillette l’interpella.
« Et toi, Janie, comment appelleras-tu le tien ?
— Le mien ? Je ne sais pas… Peut-être Moka… parce qu’il est couleur de café… oui, Moka, c’est joli, non ?
— Très joli !
— Moka… Moka, répétait doucement Janie en effleurant sa joue avec la tête soyeuse du petit animal, comme je t’aime, mon petit Moka ! »
Des fleurs, des fleurs partout ! Aux fenêtres, encadrant les portes, le long des trottoirs, aux lampadaires, en guirlandes, en gerbes, en bouquets. Les habitants avaient rivalisé de goût pour décorer leur ville. C’était une féerie de couleurs et de parfums.
— Tantôt tu paraissais en proie à un véritable cauchemar et tu criais : « Pas dans ce train ! Pas dans ce train ! » Tantôt tu appelais « Maman » ou « Gégé ». Et puis, soudain, tu parlais une langue étrangère. Était-ce l’allemand ? Je ne pense pas, car je l’aurais compris, ou bien tu le prononçais si mal qu’il devenait inintelligible.
« Que de questions je me suis posées ! Pourquoi un enfant de trois ans savait-il deux langues ? À cet âge, la chose est rare.…
« Ne te fais aucune illusion, mon garçon. Avec d’aussi vagues indices, avec si peu de souvenirs, tu as une chance sur mille de réussir. Essaie donc de bien profiter de tes vacances sans te laisser ronger par le souci. De toute façon, tu sais bien qu’il n’arrivera que ce qui doit arriver. »