Bacon, interprète exceptionnel de chefs-d’œuvre du passé (...), observateur si attentif, si original qu'il se sert de certains tableaux de maîtres comme de sources d'inspiration analysées jusqu'à l'obsession, évitait souvent, avant d'apporter ses propres développements, d'étudier ces chefs-d’œuvre in situ et préférait la médiation de la reproduction. De nombreuses raisons parfois complexes peuvent expliquer cette attitude, l'une de celle-ci étant la peur de reconnaître, dans l’œuvre, un caractère sacré, non répétable, proche de celui d'une idole. L'art assumant alors la fonction d'élévation de l'être humain.
Sa peinture (...) n'avait aucun souhait si ce n'est l'exigence de peindre à partir de sa propre vie. C'est l'acte pictural chez Bacon qui est féroce, extrême, voire désespéré, ce n'est pas un choix thématique préétabli. Cet aspect donne justement un caractère tragique à ses figures, les renvoie toutes, indépendamment de leur forme, à la dimension tragique de l'existence ; cette férocité exprime la tragédie. Pour cette raison, Bacon est un artiste indispensable à l'homme moderne qui se forge une conscience.
"...Je me considère comme un faiseur d'images. Pour moi, l'image importe plus que la beauté de la peinture... Selon moi, je considère que les images arrivées ici par hasard m'ont été transmises... Je me suis toujours considéré moins comme un peintre que comme un moyen d'expression au service de l'accidentel et du hasard [...] Je ne pense pas être quelqu'un de doué, simplement quelqu'un de réceptif, de sensible..."
Francis Bacon
Le geste du peintre s'apparente à celui d'un combattant : le premier laisse apparaître ses traces comme le second exhiberait ses cicatrices, avant de les englober finalement dans l'image.
Puisqu'elle doit exprimer la sensation du vécu, la forme ne peut se borner à une imitation vaine de l'apparent. Selon Bacon, elle doit au contraire provenir de la réaction profonde de la sensibilité de chacun face au choc résultant de la confrontation entre l'expérience humaine et l'inconscient. Sous cet angle, l’œuvre amène le spectateur dans un domaine vierge, étranger au système logique conventionnel.