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Critiques de Luigi Pirandello (196)
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Feu Mathias Pascal

Un très joli paradoxe que ce roman, désigné comme meilleure porte d’entrée à l’univers de Pirandello, mettant en avant son immense talent, comme lors de ses irrésistibles descriptions de personnages, tous plus médiocres les uns que les autres, alors que l’intrigue s’avère au final plutôt décevante, sans que l’on sache bien pour quelles raisons…



La réalité dépassant toujours la fiction, Pirandello s’en saisit dans sa propre postface, laissant entendre à certains critiques incrédules qu’il aurait nettement pu exagérer son intrigue, sans pour autant en dépasser le cadre de la vraisemblance.

On aurait sûrement apprécier qu’il le fasse, son histoire ne semblant pas bien exploiter ses possibilités.



On est davantage dans le roman à thèse, le héros semblant taillé selon les besoins de l’auteur pour l’exposer. On y verra comme le préfacier les interrogations menant à Camus ou à Sartre, cette existence de l’individu qui adviendra courant de pensée.
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Six personnages en quête d'auteur

Luigi Pirandello avec sa pièce la plus célèbre, Six Personnages En Quête D'Auteur, ne nous invite pas AU théâtre mais DANS le théâtre. Il nous fait nous pencher sur le processus de création théâtrale, tant sur le plan de l'écriture que sur la mise en scène.



Le sujet, pourtant fort, disparaît complètement derrière cette réflexion sur le théâtre en tant que spectacle et tirant sa moelle du drame quotidien des gens. Cette réflexion devenant, pour le coup, le véritable sujet de la pièce.



Il y a en fait beaucoup de questions, clairement posées ou latentes, dans cette œuvre. Les personnages de fictions sont-ils moins réels que les personnages réels qui jouent la fiction ? Est-ce l'auteur qui écrit la pièce ou n'est-il que le transcripteur de ce que les personnages ont à dire lorsqu'on les laisse interagir entre eux ? Les drames humains qui nourrissent le théâtre et la création fictive en général peuvent-ils et doivent-ils devenir de simples divertissements, de simples activités " comme une autre " pour tous ceux qui en vivent ? Où se situe la limite entre la scène et la vie ? La vie n'est-elle pas un théâtre au même titre, à plus juste titre même, que le théâtre ?



On pourrait multiplier comme ceci les interrogations buissonnantes et quasi métaphysiques soulevées par Luigi Pirandello mais telle n'est pas mon intention. Je tiens simplement à dire ou redire le distinguo que font beaucoup personnes à propos du théâtre et vis-à-vis duquel je ne suis pas toujours (voire, pas souvent) d'accord.



En substance, beaucoup me disent : « Le théâtre, ça ne se lit pas ; ça doit se voir sur scène. » Personnellement je ne partage pas du tout ce point de vue. Pour moi, il y a des pièces qui gagnent à être lues plutôt que vues, il y en a pour lesquelles les deux sont à peu près équivalentes, il y en a pour lesquelles les deux se valent mais pour des raisons différentes (complémentarité) et enfin, seulement, il y en a pour lesquelles la représentation sur scène est très supérieure et souhaitable par rapport à la lecture.



Une fois cette distinction faite, je tiens à signaler que cette pièce gagne beaucoup à être vue plutôt que lue. Elle est vraiment fondue dans le lieu même d'un théâtre et l'ambiguïté voulue entre scène de théâtre et scène de la vie réelle n'est parfaitement rendue qu'au théâtre.



Je ne sais pas si le fait de parler du sujet qui est débattu dans la pièce a beaucoup de sens ou beaucoup d'importance, eu égard à ce qui me semble être le principal projet de l'auteur. J'en dirai donc simplement deux mots.



Lors d'une répétition dans un théâtre où divers gens de troupe sont présents (directeur, accessoiriste, acteurs, etc.) six personnes (presque sept en fait) arrivent de façon impromptue et se disent à la recherche d'un auteur pour transcrire le drame de leur histoire. Le personnel du théâtre, d'abord importuné, se montre peu à peu intéressé par le drame " réel " vécu par ces " personnages ".



Il est alors rapidement convenu que les personnages vont jouer leur propre rôle devant les acteurs afin que ceux-ci s'en infusent avant d'assumer eux-mêmes les rôles. Mais très vite, ce sont des discussions sans fin entre les personnages, le directeur et les acteurs. Les uns prétendants être mieux informés que quiconque de la façon de jouer leur propre vie et les autres prétendants être mieux informés que quiconque de la façon de jouer dans un théâtre.



Je me permets de ne rien révéler du nœud de l'intrigue mais qui, je le rappelle, ne constitue sans doute pas (à mes yeux) le plus important de ce que cherche à nous dire l'auteur.



De mon point de vue, il s'agit d'une pièce intéressante mais pas du tout captivante. Une curiosité, devenue quasiment l'archétype de la mise en abîme (au théâtre ou ailleurs) et qui a probablement fait des petits à bien des endroits, au cinéma ou ailleurs. (Je pense par exemple au film Dogville de Lars von Trier où le réalisateur nous invite à réfléchir sur le décor et sur la fiction.) Mais, bien entendu, tout ceci n'est qu'un minuscule avis en quête de hauteur, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Six personnages en quête d'auteur

« Je vous en prie, fichez-moi la paix avec votre vérité ! Ici, nous sommes au théâtre ! » J'admire les auteurs qui, au lieu de céder aux sirènes de l'essai, choisissent la fiction pour transmettre leur(s) pensée(s).



Cette pièce du dramaturge italien interpelle (assez logiquement somme toute) sur la notion de Personnage au théâtre. du latin « Persona » qui signifiait, dans l'antiquité, le masque de l'acteur. Le personnage est une fiction, incarnée dans sa chair par un comédien dans une sorte de schizophrénie sociale cathartique. Pirandello trace les contours et les limites du jeu d'acteur, du mimétisme et de la quête chimérique d'authenticité.



« On croit se comprendre ; on ne se comprend jamais. » Il y a également une réflexion sur le metteur en scène et sur l'auteur de théâtre. Incrédulité du démiurge face à la représentation scénique, c'est-à-dire qu'entre le moment où l'écrivain crée un personnage, l'appropriation par un metteur en scène et l'incarnation de ce personnage par un acteur, avec sa propre subjectivité, ce dernier n'est plus tout à fait le même, en tout cas pas tout à fait tel que l'auteur l'aurait voulu voir enfanté.



« Quand un personnage est né, il acquiert aussitôt une telle indépendance, même vis-à-vis de son auteur, que tout le monde peut l'imaginer dans nombre d'autres situations où son auteur n'a pas songé à le mettre, et qu'il peut aussi, parfois, acquérir une signification que son auteur n'a jamais songé à lui donner. » Entre dépréciation, intermédiation, effritement irrémissible et incompréhension, la dialectique acteur/personnage ne trouve aucune issue dans cette pièce.

Au sortir on se sera presque convaincu qu'un personnage est enfin une personne comme une autre, dans ses joies et ses peines, sorte de pantin affranchi et dont chacun peut réécrire l'histoire.



Peut-être peut-on regretter que cette mise en abyme si originale soit sous-tendue par une trame narrative aussi classique, quasi « point Godwin » de l'anthropologie, dont la prohibition constituait, pour Claude Lévi Strauss, le propre de toutes les communautés humaines. Cependant, l'auteur pose la question de l'essence des êtres. Sommes-nous réductibles à un seul de nos actes ? D'avoir une seule fois cédé au désir ? figés à jamais dans ce rôle-là ?



Finalement, ce que Pirandello essaie de nous dire dans ce drame de 1921, serait ce que nous sommes nous-mêmes les meilleurs acteurs ? L'amoureuse éperdue, le travailleur acharné et ambitieux, la cliente pressée, l'usager mécontent, la mamie gâteau… tous ces rôles sociaux qui nous collent à la peau, qui se succèdent au cours de nos journées, font de nous des personnages infatigables, nous nous perdons nous-mêmes et notre essence dans cette « commedia dell'arte » permanente.



Je laisserai à Luigi le mot de la fin : « Que voulez-vous que j'y fasse si de France il ne nous arrive plus une seule bonne pièce et si nous en sommes réduits à monter des pièces de Pirandello – rudement calé celui qui y comprend quelque chose ! – et qui sont fabriquées tout exprès pour que ni les acteurs, ni les critiques, ni le public n'en soient jamais contents ? »



Qu'en pensez-vous ?
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Au pied du sapin : Contes de Noël de Pirandel..

Bientôt Noël, et cela m'a donné envie, pour la modique somme de 2 euros, de replonger un peu dans cette ambiance si particulière...



Le livre se présente en trois parties, pas forcément très logiques: des réveillons inattendus, des Noëls de rêve, des Noëls peu traditionnels.



L'ensemble est assez inégal. Certains textes ne m'ont pas tellement plu, m'ont ennuyée comme " Les santons" de Jean Giono et " Noël quand nous prenons de l'âge "de Dickens, d'autres sont trop cruels et impitoyables , comme " Nuit de Noël "de Maupassant. Même si j'ai apprécié le cynisme de l'auteur...



Par contre, mention spéciale à deux d'entre eux, subtils et bien écrits, émouvants: " Le réveillon du colonel Jerkof " de Joseph Kessel et " Un arbre de Noël et un mariage" de Dostoïevski.



Et j'ai beaucoup aimé la version fantaisiste et écologique du Petit Poucet , de Michel Tournier!



A tous, je souhaite une très belle fête de Noël, dans la chaleur familiale ou amicale . Et au pied du sapin...plein de belles découvertes livresques !

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Un, personne et cent mille

Vitangelo Moscarda (Gengé, pour sa femme Dida) est un individu assez bien nanti mais plutôt ordinaire, peut-être même un peu insignifiant (en tous cas, rien à voir avec son illustre père) jusqu’au jour où sa femme lui lance une remarque innocente sur son nez. Il n’y avait jamais porté attention, à son nez, il le jugeait dans la norme. Ce fait anodin change la perception qu’il a de lui-même. Et si les autres trouvent son nez ridicule, ils risquent de trouver aussi ridicules lui-même et ses idées. Le grand auteur italien Luigi Pirandello jette les bases d’une prémisse terrifiante mais très vraie, dont l’exploration est fort intéressante : à savoir que la réalité n’est jamais telle qu’on la croit, qu’elle change selon les perceptions des individus.



Cette révélation change complètement de Moscardo. Et si les Autres avaient tout faux depuis si longtemps ? Et Sebastian Quantorzo et Stefano Firbo, les amis et fidèles conseillers de son défunt père, qui administrent son empire commercial en son nom, pensent-ils la même chose ? Le jeune homme commence à prendre conscience que la réalité n’est pas objective. Et, quand on y pense, ça a du sens.



Donc, Moscarda tient à tout prix à montrer à tous son vrai « moi ». Pour y arriver, il commet des actes qui paraissent étranges à ses proches pour les forcer à le voir tel qu’il est vraiment et non pas comme ils le perçoivent. Par exemple, il expulse un de ses locataires, Marco di Dio, d’un de ses logis minables pour ensuite lui offrir une belle maison. Un tel don étonne Quantorzo et Firbo qui, au lieu de chercher à comprendre, supposent que le narrateur perd la raison et dilapide la fortune dont ils ont la responsabilité…



Conséquemment, ses proches organisent une rencontre d’urgence pour tirer tout ça au clair, seulement Vitangelo, Dida et Quantorzo. Mais était-ce tout ?



« Car ils avaient la conviction que dans ce salon nous étions trois, et non neuf. Ou plutôt huit, étant donné que moi, - pour moi-même – je ne comptais plus désormais. À savoir :

1. Dida, telle qu’elle était pour elle-même.

2. Dida, telle qu’elle était pour moi.

3. Dida, telle qu’elle était pour Quantorzo.

4. Quantorzo, tel qu’il était pour lui-même.

5. Quantorzo, tel qu’il était pour Dida.

6. Quantorzo, tel qu’il était pour moi.

7. Le Gengé chéri de ma femme Dida.

8. Le cher Vitangelo de Quantorzo. »



Cette multiplication des êtres devient un concept intérssant sous la plume de Luigi Pirandello. Et effectivement, nous sommes autant d’individus différents selon les gens qui croisent notre chemin. Et ce qu’il est pour un individu ne sera plus pareil s’il rencontre le même individu ultérieurement. La réalité est changeante et, conséquemment, multiple. En d’autres mots, l’homme n’est pas un, il est multiple. D’où la signification du titre : « Un, personne, cent mille »



Malheureusement, les autres ne semblent pas en avoir conscience (et ils ne le désirent pas), ils concoivent le monde uniquement de leur perspective. Et cette tentative du narrateur d’essayer de le leur faire avaler ne mène nulle part. En fait, il se rend compte que, pour eux, il n’est personne.



Bref, la première moitié est intéressante. La pensée de Pirandello va plus loin mais, hélas, plus il a développé son idée, plus il m’a perdu.



Incidemment, tout s’étire en longueur dans la seconde. Le narrateur fait ses expériences, essaie de contrecarrer les manigances de ses proches, avec plus ou moins de succès. Je commençais à me lasser un peu et le dénouement est arrivé juste à point. Il n’est pas mauvais mais j’avais espéré quelque chose de plus enlevant. D’un autre côté, pouvait-il être différent ? Pas vraiment. Dans tous les cas, rendu à ce point j’avais seulement hâte que le roman se termine.
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Une invitation à dîner

La nouvelle écrite vers 1900 est la première nouvelle du recueil Quand'ero matto…(Quand j'étais fou), publié en 1902 du Sicilien Luigi Pirandello que je découvre.

Il vous reste sans doute un peu de place entre deux belles galettes à la frangipane. Lisez ou écoutez cette petite nouvelle et vous serez calés les amis, rassasiés, repus, vous réclamerez l'aide du petit Jésus. Et en plus vous aurez je l'espère ri à vous étouffer. C'est le genre de petite nouvelle pittoresque que je verrais bien jouée par les Inconnus ou les Deschiens, version sicilienne.

Voilà, voilà c'était ma première chronique pirandellienne. Plus que 364...
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L'Exclue

Suspense voulu par l'auteur, préservé (plus ou moins) par la quatrième mais divulgâché par la préface. Ne la lisez qu'après.

Un village de Sicile, fin 19ème : accusée d'adultère parce qu'elle a échangé des lettres avec un homme, Marta est répudiée par son mari.

Et pas que par son mari : par le village entier elle est jugée, condamnée, "lettrécarlatée".

Dans sa famille où elle a apporté honte et déshonneur, sa mère fait face autant que faire se peut. Sa soeur doit renoncer à se marier. Son père la condamne lui aussi, et s'isole.

Mais Marta n'est pas une victime.

En plus d'être particulièrement belle (source de son malheur) elle est aussi remarquablement intelligente, pleine de feu et de colère.

Elle étudie, passe des examens haut la main, devient institutrice. Au village ? Impossible.

"Humble, elle serait outragée ; fière, lapidée par les calomnies."

Le style de Pirandello ressemble par certains traits à celui de la Sarde Deledda : famille, honneur et déchéance sont des thèmes communs.

Mais Pirandello est plus incisif, avec un humour caricatural assez savoureux, et davantage d'analyse sociale.

Et son analyse n'est pas tendre avec les hommes : aucun n'est à la hauteur, ils sont bêtes à manger du foin ou bien incapables de dominer leurs émotions.

L'intelligence, la droiture et la justice, pour l'auteur, sont clairement du côté des femmes.

Et pour un roman commencé fin 19ème et publié en 1927, c'est un point de vue tout à fait réjouissant… !



Traduction parfaitement fluide de Marguerite Pozzoli.



Challenge Nobel
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Vieille Sicile

Luigi Pirandello (1867-1936) est en France, comme Tchekhov, plus reconnu pour son théâtre que pour ses nouvelles. Or parmi ces dernières, très nombreuses, se trouvent des chefs d'oeuvre.



Voici comme il se présentait à son traducteur français, Benjamin Crémieux en 1927 :

« Vous désirez quelques notes biographiques sur moi et je me trouve extrêmement embarrassé pour vous les fournir ; cela, mon cher ami, pour la simple raison que j'ai oublié de vivre, oublié au point de ne pouvoir rien dire, mais exactement rien, si ce n'est peut-être que je ne la vis pas, mais que je l'écris. de sorte que si vous voulez savoir quelque chose de moi, je pourrais vous répondre : attendez un peu, mon cher Crémieux, que je pose la question à mes personnages. Peut-être seront-ils en mesure de me donner à moi-même quelques informations à mon sujet. Mais il n'y a pas grand-chose à attendre d'eux. Ce sont presque tous des gens insociables, qui n'ont eu que peu ou point à se louer de la vie. »



Le recueil Vieille Sicile contient cinq nouvelles très variées mais qui sont toutes hantées par le doute ou la folie. Elles sont surprenantes, originales et les meilleures sont très inconfortables. La Sicile représentée est dure, cruelle, impitoyable et drôle tout à la fois .



1. Chante l'Epître (1911) *****

Une nouvelle tragique qui commence par un éclat de rire. le pauvre Tommassino qui était destiné à la prêtrise a perdu la foi. il est raillé, exclu, battu. On le prend pour un fou. Il parle à la Nature, comme Saint François d'Assise...



2. In corpore vili (1895) ***

Une nouvelle drôle, anti-cléricale, qui fait beaucoup penser aux contes de Boccace ou à nos petits fabliaux. Dom Ravana a une façon bien à lui de contourner les prescriptions médicales et de lutter contre le péché de gourmandise.



3. L'autre fils (1905)*****

Une nouvelle dramatique forte, surprenante, inconfortable. Une mère pauvre et analphabète s'obstine à faire envoyer des lettres à ses deux fils partis en Amérique qui semblent l'avoir oubliée.



4. L'étranger (1902) ** Une nouvelle assez misogyne qui ne m'a pas enchantée.



5. Une invitation à dîner (1902) ****

Une petite nouvelle pittoresque et drôle avec un grain de folie que je verrais bien jouée par les Inconnus ou les Deschiens, version sicilienne.







Toutes les nouvelles sont disponibles gratuitement sur internet.
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Six personnages en quête d'auteur - La volupt..

Deux pièces de théâtre qui détonnent. J’avais beaucoup apprécié Chacun sa vérité et je continue la découverte de Pirandello avec toujours autant de plaisir et de surprise. Non seulement l’écriture est belle, percutante, mais les thèmes sont incroyablement recherchés et fouillés par cet auteur. La création artistique et l’honneur prennent une saveur riche, profonde avec des pointes d’humour qui allègent parfois les scènes. Un très bon moment de lecture.
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Première nuit et autres nouvelles

Excellent recueil de la collection folio 2€, idéal pour découvrir Luigi Pirandello. Quatre nouvelles sont ici regroupées et je dois vous avouer de suite que j'ai adoré les trois premières (la quatrième est très bonne aussi mais selon moi un peu en dessous des précédentes).



Tout d'abord, Première nuit ou l'on fait la connaissance d'un couple, le jour de leu noce. C'est clairement un mariage arrangé et nos deux "tourtereaux" sont très malheureux car toujours hanté par leur premier amour respectif. La nouvelle s’achève sur leur nuit de noce qui est pour le moins peu conventionnel.



Vient ensuite La première sortie du veuf, qui est très drôle et touchante a la fois. On y croise un couple qui se dispute pour savoir qui doit mourir en premier. Autant vous dire de suite que la femme est un sacre numéro et n'a pas la langue dans sa poche. Malheureusement quand survient le décès d'un des deux, l'autre doit apprendre a vivre avec le fantôme / l'absence de l'autre.



Puis c'est Avec d’autres yeux, ou une femme découvre la photo de la première femme de son époux et progressivement le doute sur sa vie entière s’installe.



Enfin Toute la vie, le cœur en peine, la nouvelle la plus longue du recueil mais aussi inachevée et ponctuée de notes de l'auteur. On y découvre un couple qui peut a peu reprend contact après une séparation. Autour d'eux gravitent différents personnages au cœur d'un village ou les ragots et le quand dira-t-on va bon train.



L'écriture de Luigi Pirandello est vraiment magnifique, pleine de pudeur mais extrêmement précise. J'ai maintenant hâte de découvrir d'autres écrits de l'auteur.
Lien : http://missmolko1.blogspot.i..
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Les géants de la montagne

Allons-y, allons-y, attaquons-nous à l'ultime pièce de Pirandello ! Pièce inachevée puisqu'il est mort avant d'écrire la dernière partie, en 1936. Pièce qui tenait très à cœur à son auteur, et dont l'écriture est elle-même toute une histoire. Il avait d'abord écrit une nouvelle en 1902, L'Enfant échangé, sur les superstitions siciliennes - l'intrigue ressemble d'ailleurs énormément à celle d'une nouvelle de Selma Lagerlöf, et les croyances dont il est question se retrouvent dans pas mal d'endroits dans le monde : celle que des êtres légendaires échangent parfois des bébés contre d'autres, avec des variantes ici et là. La nouvelle de Pirandello est très sombre, la superstition conduisant à l'indifférence maternelle face à l'enfant "difforme".





De 1930 à 1932, il écrit une autre pièce, et là l'écheveau devient plus compliqué à démêler. La pièce, La Fable de l'enfant échangé a, si j'ai bien compris, été composée pour servir de base au grand projet de Pirandello qui aboutira aux Géants de la montagne. La pièce a été publiée dans le Théâtre de Pirandello, d'abord dans la collection blanche de Gallimard, puis dans la collection de La Pléiade. J'aurais voulu avoir accès au volume de le Pléiade pour mieux cerner toute cette genèse, mais les circonstances étant ce qu'elles sont, je ne peux pas aller le compulser ; je vais donc faire sans, en espérant ne pas dire de bêtises. J'ai cherché à creuser le sujet avec Bookycooky, mais nous n'avons pas réussi, à nous deux, à complètement lever le voile sur La Fable de l'enfants échangé. Toujours est-il que cette pièce a été mise en musique par Malipiero (on parle souvent d'opéra, mais d'après ce que j'ai vu en vidéo, c'est pas vraiment ça). Et qu'elle a été jouée en 1934, mais censurée immédiatement par Mussolini. La Fable de l'enfant échangé prenait en gros le contre-pied de la nouvelle, en soutenant que ce qui compte, ce n'est pas tant de voir la réalité telle qu'elle est (et pour Pirandello, il est connu qu'il y a autant de vérités que de points de vue), mais de croire à ce qu'on a envie de croire, de vivre ses rêves. Ce n'était pas très compatible avec les idéaux fascistes.





Et donc on en arrive enfin aux Géants de la montagne. Pourquoi toute cette genèse ? Parce que La Fable de l'enfant échangé se trouve très exactement au centre des Géants de la montagne. Une troupe de comédiens en haillons essaie depuis deux ans de jouer la pièce d'un auteur qui s'est suicidé et cette pièce, c'est justement La Fable de l'enfant échangé. Or (il y a comme une référence autobiographique là-dedans) personne ne veut voir cette pièce, on chasse les comédiens à chaque fois qu'ils veulent la représenter. La troupe est dirigée par Ilse, mariée à un comte, qui avait abandonné le théâtre mais est repartie sur les planches uniquement pour que le monde puisse voir cette pièce. Tout l'argent du comte y est passé, et les autres membres de la troupe, du moins ceux qui sont restés, suivent Ilse par amour, fidélité, et peut-être aussi dans le vague espoir de donner enfin raison à Ilse. Leur dérive les conduit chez Cotrone, dont on ne sait ce qu'il est exactement. Il se dit magicien, mais on comprend que lui aussi a été chassé pour avoir dit, montré, des "vérités" qui déplaisaient à ceux à qui ils les assénaient. Il s'est donc retiré dans une villa délabrée, qu'on dit habitée par des esprits, avec un groupe de personnes tout aussi miséreuses que la troupe d'Ilse. Mais les vues d'Ilse et de Cotrone diffèrent profondément. Quand Cotrone fait de sa villa un lieu de magie et de spectacle permanent, dont il refuse de sortir, Ilse veut continuer à aller de par le monde, persuadée qu'il lui faut montrer au reste des vivants La Fable de l'enfant échangé. Cotrone, devant le refus d'Ilse de partager la vie de la villa aux esprits - qui regorge de magie et d'effets spéciaux -, propose une dernière solution à la compagnie d'acteurs : aller jouer La Fable de l'enfant échangé devant les Géants de la montagne à l'occasion d'un mariage. Or ces Géants de la montagne ne s'intéressent pas beaucoup à l'art. Ils sont forts, ils ont les pieds ancrés dans la terre, et ils sont toujours lancés dans de grands travaux. Mais sait-on jamais ? La troupe répète et on entend les Géants (qui sont juste des hommes forts, de haute stature) descendre de la montagne, dans un bruit monstrueux.





C'est là que s'arrête l'écriture de Pirandello, c'est là que son fils a pris la suite, non pas en terminant la pièce, mais en racontant ce qu'il en savait par son père. La troupe se retrouvera confrontée, non pas aux Géants, qui n'ont pas de temps à consacrer à la représentation, mais à leur peuple en pleine liesse, qui paraît horriblement rustre à Ilse et à ses compagnons. Quant aux paysans, eux n'attendent qu'un bon gros divertissement, et ne comprennent pas qui sont ces gens avec leur poésie. Ca ne se termine pas bien du tout.





Vous le savez peut-être déjà, on a beaucoup comparé les fameux Géants de la montagne aux fascistes. Il serait difficile de refuser le parallèle. Culte de l'homme nouveau, du corps, de la terre, grands travaux de construction (les premières autoroutes du monde sont italiennes et datent du fascisme italien)... Tout ça ressemble effectivement trop aux idéaux fascistes pour qu'une pièce écrite par Pirandello en 1936, après la censure d'une autre de ses pièces, ne soit qu'une interprétation mal fondée. Alors évidemment, comme Pirandello avait tout de même, entre autres choses, donné son Prix Nobel à Mussolini pour "l'effort de guerre" (entendre par là l'invasion et la colonisation de l'Éthiopie), il est toujours un peu malaisé d'affirmer que Pirandello s'était opposé, dans Les Géants de la montagne, au fascisme. Mais on sait cela dit qu'il avait pris en 1936 ses distances avec le régime.





De toute façon, il semble que Les Géants de la montagne aille au-delà d'une critique pure et simple du fascisme. C'est une pièce qui parle de théâtre avant tout, et d'art en général. Mais aussi de la confrontation de deux mondes. D'abord, ce sont les mondes d'Ilse et de Cotrone qui se confrontent. Cotrone, comme Ilse, adore la pièce de La fable de l'enfant échangé, parce qu'il s'y reconnaît. Il a choisi de croire à ce qu'il voulait croire, de cesser de communiquer avec ceux qui ne vivent pas dans les rêves, de vivre dans un monde imaginaire qui, pour lui, vaut plus que le monde réel. Ilse, au contraire, se tue à vouloir faire accepter aux autres son art, et elle va droit au sacrifice - c'est tour à tour une figure de sainte, de martyre, et à la fin une figure christique.





De même, la troupe d'Ilse méprise profondément le peuple qui travaille pour les Géants de la montagne, qui eux ne peuvent pas comprendre la poésie de La Fable de l'enfant échangé. Ce sont des instruments dans les mains des Géants (instruments volontaires ou pas), et les Géants ne se soucient guère de les laisser accéder à des valeurs spirituelles ou intellectuelles. Tout travailleurs qu'ils sont, les paysans ne sont pas de la race des Géants, ils sont traités en inférieurs. Or Ilse, qui je le rappelle est comtesse, n'essaie jamais d'appréhender tout cet aspect sociologique, qui la sépare forcément du peuple. Bref, Ilse, ce serait Jean Vilar qui veut aller imposer la poésie au monde, sans se soucier des moyens et du public.





La pièce va plus loin que ça, et deux lectures ne me suffisent pas à tout appréhender. Il est beaucoup question des corps. Les corps des comédiens sont en lambeaux, Ilse dit n'être que l'ombre d'elle-même. Cotrone dit lui que son groupe de poissards et lui-même font sortir de leurs corps des fantômes, que le corps de chacun n'est pas son corps mais une apparence - ce qui ne va pas du tout avec l'idée de l' homme nouveau et fort des fascistes, convenons-en. Et puis il y a les pantins de Cotrone, qui prennent vie avec l'apparence des comédiens de la troupe d'Ilse. Au-delà d'une réflexion sur le théâtre et les acteurs, il y a cette idée, énoncée par Cotrone, que l'être humain peut accéder à un autre monde, un monde invisible, mais un monde plus merveilleux, plus riche que celui des apparences. Il ira pourtant rencontrer les Géants de la montagne, avec la conclusion tragique qui s'impose, pour se rendre à l'évidence que, décidément, les humains ne savent pas communiquer.





Du moins c'est ce qu'on peut conclure de cette pièce inachevée, qui nous aurait peut-être révélé d'autres aspects de l'oeuvre si l'écriture n'en avait pas été interrompue.







Challenge Théâtre 2020
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Chacun sa vérité

"Le théâtre,comme tu sais, ne me tente pas beaucoup. Je fermerai cette parenthèse théâtrale pour me remettre à mon travail de narrateur, plus naturel" écrivait Pirandello à son fils. Voilà qui aurait été un beau gâchis s'il s'était cantonné à cette affirmation !



Chacun sa vérité est une pièce tirée de la nouvelle Mme Frola et M. Ponza son gendre. Un nouveau conseiller de la Préfecture, M. Ponza s'est installé en ville avec sa femme. Mais il manque à tous ses devoirs en ne rendant pas visite à Agazzi, secrétaire général, et à sa femme Amélie. A partir de là, les rumeurs vont bon train : il séquestrerait son épouse dans un appartement sombre. Sa belle-mère habite sur le palier des Agazzi. Le fait que Ponza passe énormément de temps avec celle-ci commence à en chagriner certains. Madame Cini et la famille Sirelli enveniment les choses. Lorsque le frère d'Amélie, Lambert Laudisi, l'apprend, il essaie de leur faire comprendre que la vérité n'est pas toujours celle que l'on croit. Mais quel secret cache donc ce Ponza ?



Pirandello s'amuse avec le thème de la folie (thème récurrent) mais aussi celui de la médisance. Les dialogues sont riches. Ils mettent en relief les passions exacerbées lorsqu'il s'agit de savoir. La curiosité est au coeur de l'affaire. La critique de cette classe sociale aimant colporter les cancans est sous-jacente. Laudisi est le seul personnage à ne pas succomber aux commérages. Il représenterait presque Pirandello lui-même.



L'originalité de cet auteur réside dans la philosophie qui ressort de son théâtre. La question de la personnalité est presque un fil rouge dans chacune de ses oeuvres. Saurons-nous ce que cache le comportement de Ponza ? Je vous laisse le découvrir.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Se trouver

Se Trouver a été composée en 1932 et dédiée par Pirandello à Marta Abba, une jeune actrice qui fut, selon lui, le grand amour (platonique) de sa vie, et ce n'est probablement pas par hasard, puisque le personnage de cette pièce est une comédienne de théâtre. On range la pièce, à raison, dans la période du méta-théâtre de Pirandello, mais elle comporte la particularité de ne se concentrer que sur un seul personnage. Du méta-théâtre intimiste, en somme.





Donata Genzi, jeune, belle, talentueuse comédienne, en pleine gloire, s'étiole de l'intérieur à force de se sentir vide. Elle n'a pas de vie personnelle en dehors du théâtre, surtout elle n'arrive pas à en avoir une, et voilà qui la ronge de l'intérieur. Elle en vient à essayer de mourir (ah oui, tout de suite on tombe dans le drame !), alors que le bateau sur lequel elle se trouve fait naufrage. Mais elle est sauvée par Elj Nielsen, initiateur de la sortie en bateau sur mer houleuse. S'ensuit ce qui paraît être un coup de foudre, une histoire d'amour qui semble démarrer sous les plus parfaits auspices. Mais il s'avère que Elj ne comprend pas Donata, qu'il est même peut-être le seul à ne pas la comprendre du tout parce qu'il ne l'a jamais vue jouer, et qu'elle-même continue à se sentir vide, à ne pas savoir qui elle est, alors qu'elle espérait que cette histoire d'amour l'aiderait à se trouver. D'ailleurs est-ce que ces deux-là s'aiment ? Voilà qui est douteux. Lui veut qu'elle arrête le théâtre, elle veut savoir si elle peut vivre sans jouer, et elle décide de tenter une expérience : jouer devant Elj, afin de lui montrer ce dont il ne se doute pas - tous ses gestes d'amoureuse, par exemple, elle les a déjà utilisés, répétés, affinés en tant qu'actrice. Montrer ça à Elj, c'est savoir si elle est du côté de la vie ou du côté du théâtre. On découvrira à la fin qu'elle finit par "se trouver" dans les deux réunis, mais l'incompréhension d'Elj met fin à leur histoire.





Je suis ressortie mitigée de cette lecture. D'abord, Pirandello et le méta-théâtre, j'y vais sur le bout des pieds - Les Géants de la montagne étant une pièce beaucoup plus riche que les autres, à mon sens, et qui va au-delà du méta-théâtre. Ici, le fait que toute la réflexion sur le théâtre se porte sur un seul et même personnage laissait augurer plus de subtilité que dans certaines autres, où il est question de théâtre dans le théâtre, de la société qui nous oblige à porter des masques (au sens figuré, entendons-nous bien, hum), etc. C'est pas tout à fait à la hauteur de ce que j'attendais.





Certes, on retrouve des motifs pirandelliens qui ne sont pas sans intérêt. Sont-il poussés à leur limite ? Sans doute pas. Pour exemple, Giviero qui affirme que son neveu Elj vit constamment dans un rêve et ne se soucie jamais des contingences matérielles. Oui, bien, mais Elj est loin d'être le charismatique Cotrone des Géants, et tout cela ne nous amène pas à grand-chose, si ce n'est de révéler que Elj ne veut surtout pas voir Donata sur scène - en gros, il ne veut pas savoir qui elle est, c'est pas très difficile à comprendre. Plus attirant est le personnage de Donata - et c'est heureux, c'est quand même le personnage principal -, et certaines de ses réflexions interpellent, notamment, sur le corps, sur la façon dont elle le voit , ne le voit pas ou ne veut pas le voir, sur le fait qu'elle n'est qu'un corps entre les mains d'Elj et que la vie, ça ne doit sûrement pas être ça. Ce qui lui confirme son amie Elisa, qui lui révèle que les hommes ont pris le pouvoir sur les femmes leur faisant croire qu'ils étaient seuls à pouvoir leur procurer du plaisir (je résume). Il y a de la critique sociale là-dedans, et une interrogation sur les rapports hommes/femmes, aucun doute, qui peut-être trouve son apogée avec la fuite de Elj. Mais le sujet de la pièce n'est pas là.





Le sujet, c'est bien cet égarement de Donata qui se sent comme une coquille vide, qui s'est persuadée que l'amour pouvait lui procurer l'expérience d'une vie à elle, qui lui permettrait de se trouver. Et bon, les répliques de Donata prennent malheureusement la forme de monologues longuets (pas seulement les siennes, d'ailleurs), vaporeux, troubles, vagues, brumeux, nébuleux, qui nous plongent dans un questionnement intérieur qui en devient souvent grandiloquent, emphatique, trop solennel pour que Donata inspire l'empathie - or, c'est un personnage construit pour réclamer et attirer l'empathie des autres personnages, mais aussi des lecteurs et spectateurs. Elle reste figée, en quelque sorte, dans une pose hiératique dont elle ne se départira pas, même au moment où elle est censée avoir triomphé, s'être trouvée et ouverte à la vie selon sa propre voie. Et je suis resté en quelque sorte figée avec elle.







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Au pied du sapin : Contes de Noël de Pirandel..

Avec un peu de retard sur le calendrier, j'ai lu le recueil de contes et nouvelles rassemblés dans Au pied du sapin, de la collection Folio 2€. Avec son noeud de satin givré, sa pomme de pin et les branches de sapin, la couverture donne des envies de soirées auprès du feu, confortablement installée dans un fauteuil, une tasse de thé et un bon livre à la main.



Le recueil est divisé en trois parties:

- Des réveillons inattendus...

- Des Noëls de rêve...

- Des Noëls peu traditionnels...

Découpage somme toute artificiel et qui, à mon avis, ne reflète pas grand chose. Qu'importe, là n'est pas le plus important.



Douze contes et nouvelles s'étalant du XIXème au XXème siècle, et voyageant de la France à l'Angleterre, de l'Italie à la Russie, en passant par la Norvège. Certains récits m'étaient déjà connus et lus, comme "La petite fille aux allumettes" d'Andersen ou "La Fascination" de Balzac. J'ai découvert les autres. Sans ennui mais sans enthousiasme débordant non plus. La lecture reste plaisante, l'écriture souvent très belle, mais pas à rester dans les annales.



Je retiendrai surtout "Nuit de Noël" de Guy de Maupassant pour les délices du récit et l'ironie mordante de la chute; et "Un arbre de Noël et un mariage" pour le cynisme qui en émane.

Sur le plan humoristique, le "Conte de Noël" d'Alphonse Allais, qui clôt le recueil, démarrait bien avec la grosse colère de Dieu le Père la veille de Noël. Mais j'ai trouvé le dénouement plutôt moyen.



Je ne boude pourtant pas mon plaisir d'avoir trouvé des textes à l'écriture ciselée chez Kessel ou Giono. Un recueil pas forcément indispensable mais à 2€, ça valait le coup de découvrir l'anthologie contenue sous cette si attirante couverture.
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Feu Mathias Pascal

Idée de départ très originale : un type, après s'être enfui en laissant femme et belle-mère derrière, apprend qu'il s'est suicidé. Oui, oui ! Un individu a été retrouvé mort dans le moulin familial et ses proches ont identifié le corps comme étant celui de Mathias Pascal. le narrateur. Il va sans dire qu'un autre individu s'est enlevé la vie et on croit qu'il s'agit de lui. Déjà au loin, il décide de laisser faire et de recommencer sa vie à zéro. Il devient donc feu Mathias Pascal. S'ensuit plusieurs questions identitaires, philosophiques (je dirais existencielles si le roman avait été écrit quelques décennies plus tard) dignes de Luigi Pirandello. Cet aspect du livre est très clair, selon moi. Malheureuseuement, c'est plus ou moins bien développé et exploité dans son ensemble.



D'abord, le début est long. Trop long. On a droit à l'histoire de la famille, allant de la mort du patriarche aux magouilles de l'intendant Malagna, qui spolie lentement mais surement les actifs des Pascal, en passant par quelques amourettes, etc. Puis vient l'événement principal : la mort du faux-Mathias Pascal. Je m'attendais à davantage de considérations philosophiques. Mais non, le jeune homme s'invente assez rapidement une nouvelle identité : il sera Adrien Meis, originaire de l'Argentine. Il voyage en Europe et se fixe à Rome. Jusque là, ça tient un peu. Mais tous ses démêlés avec les gens chez qui il loue une chambre… hors-propos ! Anselme Paleari, sa fille Adrienne, son gendre Papiano, Mme Caporale, etc. Ça gâche tout. Ça aurait pu consituter une aventure en soi – pas des plus originale ni intéressante, ceci dit –, il n'y a pas vraiment de lien avec cette histoire de fausse mort qui se retrouve noyée dans une multitude de péripéties, l'une parmi tant d'autres, qui y perd au change. Non, si vous désirez découvrir Luigi Pirandelli, allez-y avec de ses nouvelles ou pièces de théâtre, peut-être même Personne, cent, mille.
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Théâtre 04 : Liola - Tout pour le mieux - Méfie..

Je pourrais disserter à l’infini sur le théâtre de Pirandello, sur son humour, sur son approche de l’absurdité de la vie, sur des textes qui pourraient être examinés selon plusieurs points de vue, mais ce ne sera pas mon propos ici, je ne veux pas procéder à une analyse de ces pièces.



Je voudrais plutôt m’attacher à mon ressenti devant ces quatre pièces

J’ai aimé les personnages de celles-ci, dans chacune d’elle on découvre leurs oppositions, leur désir de vengeance ; l’histoire, souvent teintée d’immoralité est décrite avec humour.

J’aime la façon dont Pirandello arrive à présenter des versions différentes de l’action en y faisant intervenir les spectateurs de l’intrigue : les villageois, les paysans voient d’un autre œil les protagonistes, avec des préjugés

C’est bourré d’humour, avec une teinte de grotesque.



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Donna Mimma et autres nouvelles

Donna Mimma et autres nouvelles est un recueil de cinq courtes nouvelles toutes plus passionnantes les unes que les autres. Toutes écrites entre 1900 et 1917, on y découvre la plume de Pirandello qui n’a pas pris une ride, son humour, ses intrigues.



Le recueil s’ouvre sur Donna Mimma, la nouvelle qui donne son titre à l’ouvrage. Donna Mimma arrive presque à la soixantaine et a toujours été la seule sage-femme du village. Depuis près de 35 ans, elle met au monde les bébés et s’est forgé une bonne réputation. Mais voilà qu’arrive une jeune femme tout juste diplômée qui vient lui prendre sa place et que l’on interdit à Donna Mimma l’exercice de ses fonction. Mais elle n’a pas dit son dernier mot. C’est drôle, plein de quiproquo et cette Donna Mimma est un sacré personnage ! « Son cœur saigne. Elle est seule depuis trente-cinq ans à remplir cet office au pays. Ou pour mieux dire, elle était seule jusqu’à hier.

Voici maintenant qu'est arrivée du Continent une pimbêche de vingt ans, une Piémontaise, jupe courte jaune, jaquette verte, les mains dans les poches comme un gars, sœur encore célibataire d'un employé de la douane, Diplômée de l’université royale de Turin. De quoi faire le signe de croix des deux mains, grand Dieu ! »



Ensuite vient Cédrats de Sicile, ou l’on rencontre un jeune homme qui sauve une femme de la misère. Il va dépenser tout son argent pour lui payer des cours de chants voyant en elle une future grande cantatrice. Pour cela, il doit se séparer d’elle et l’envoyer en ville mais quelques années plus tard quand il l’a retrouvé prêt à l’épouser la jeune femme à beaucoup changé. C’est une nouvelle que j’ai beaucoup aimé car le personnage masculin de Micuccio m’a beaucoup touché. En bonus à la fin du recueil, on y retrouve cette intrigue mais sous sa forme d’origine : une courte pièce de théâtre.

« Micuccio tendit la main vers la bouteille, mais la porte de la salle venait de se rouvrir : le froufrou de la soie, quelques pas rapides, un éblouissement comme si le réduit s’était soudain violemment illuminé pour l'aveugler.

«Teresina...»

Sa voix mourut sur ses lèvres. A quelle reine !

Le visage en feu, les yeux écarquillés, bouche bée, il resta à la contempler, stupéfait. Mais comment, elle... ainsi? La gorge et les épaules nues, les bras nus... tout étincelante de bijoux et d’étoffes précieuses. Impossible d'arriver à la voir comme un être vivant et réel. Que lui disait-elle ? La voix, les yeux, le rire, cette apparition de rêve ne lui restituait rien d'elle. »



Le cercueil en réserve, ou l’histoire d’un homme fortuné mais très radin. Cette nouvelle est vraiment très drôle et vous aurez un énorme sourire du début à la fin. On y retrouve aussi des quiproquos et des retournements de situations proches du théâtre.

«Hum, hum... L'Italie... Il parait qu'on a fait l'Italie ! Belle merveille, hum, l'Italie ! Des ponts, des routes... hum... l'éclairage public... l'armée, la marine nationale, hum, hum... l'instruction obligatoire. Et si j'entends rester un âne? Eh bien, non m'sieur ! Obligatoire, l'instruction... Autrement dit les impôts ! Et qui est-ce qui casque : Piccarone. »

A vrai dire, il ne payait rien ou presque rien à force d'arguties chicaneuses qui fatiguaient, exaspéraient la patience la plus exercée. Il concluait toujours ainsi :

«En quoi tout cela me concerne-t-il? Les chemins de fer? Je ne voyage pas. L'éclairage? Je ne sors pas le soir. Je ne demande rien, moi, merci bien, je n'ai vraiment besoin de rien. Juste un peu d'air pour respirer. Cet air oui, c'est peut-être vous qui l'avez fait ? Je devrais le payer? L'air qu'on respire, ça se paye aussi?»



Certaines obligations est l’histoire d’un homme, allumeur de lampadaire qui passe son temps à se faire insulter. En effet, la population lui répète sans cesse qu’il est cocu. Un jour, il explose et rentre chez lui, prêt à tuer sa femme. Je ne vous en dis pas plus mais le twist final vaut le détour !



Enfin Le bouton du balandran, c’est la nouvelle qui est un peu en dessous des autres, celle qui n’a pas éveillé ma curiosité. Dommage mais il faut dire qu’après les quatre nouvelles précédentes, la barre était très haute.



Bref, je ne peux que vous recommander ce recueil, d’autant que mon édition ne couter que 3,70€. C’est une belle découverte et j’espère vite découvrir d’autres écrits de l’auteur.
Lien : https://missmolko1.blogspot...
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La fable de l'enfant échangé

Comme je l'avais précisé dans la critique des Géants de la montagne, c'était compliqué pour moi de savoir si La Fable de l'enfant échangé que j'avais sous les yeux était bien une pièce de théâtre, ou bien un livret d'opéra. À la lecture, ça ne ressemble guère à un livret (j'en ai lu très peu, c'est vrai) et il me paraît clair maintenant qu'il s'agit bien de théâtre, même si la pièce est connue surtout pour avoir été mise en musique par Malipiero - et censurée dès sa première représentation par le régime fasciste, en 1934. Quand on lit le texte, on pense, plutôt qu'à un opéra, à une forme de théâtre accompagné de musique tel que Mère Courage et ses enfants, où des chansons ponctuent les dialogues de temps à autre.





Je reviens vite fait sur la genèse, que j'ai déjà pas mal esquissée dans ma précédente critique. En 1902, dans le recueil Nouvelles pour une année, Pirandello publie une nouvelle très sombre sur une femme persuadée que son superbe enfant a été enlevée par les Dames, êtres surnaturels, pour lui substituer un enfant tout moche et rabougri. Cette substitution supposée, obsession de la mère et à laquelle tout le monde croit, va faire le malheur de l'enfant, grandissant délaissé.





Environ trente ans plus tard, Pirandello écrit La Fable de l'enfant échangé, non pas pour en faire un livret d'opéra, mais vraisemblablement pour préparer un autre projet de pièce, plus ambitieux, avec mise en abyme : dans Les Géants de la montagne, des comédiens joueront, ou essaieront de jouer jusqu'à l'obsession, La Fable de l'enfant échangé. C'est donc principalement, non, pas principalement, uniquement parce que je comptais lire Les Géants de la montagne, puis parce que j'avais enfin lu cette toute dernière pièce de Pirandello, que je me suis intéressée à La Fable de l'enfant échangé.





L'intrigue commence comme dans la nouvelle : une femme sicilienne est persuadée, suivant les légendes locales, que son enfant blond au teint frais lui a été enlevé par celles qu'on appelle les Dames, et qu'elles l'ont remplacé par un enfant mal formé, brun, malingre et moche. Les voisines croient complètement à cette histoire de substitution, et la femme n'en démord pas : elle veut retrouver son véritable fils (oui, c'est marrant, dans toutes ces légendes d'enfant substitué, c'est toujours un fils qu'on enlève). On lui présente donc Vanna Scoma, sorcière réputée pour communiquer la nuit avec les Dames. Vanna Scoma révélera - ce qui est une supercherie, on l'apprendra ensuite - que le véritable fils de la femme est élevé par un roi, et qu'il sera heureux à la seule condition qu'elle-même élève l'enfant difforme avec grand soin. Du sort du pauvre enfant rejeté dépendra donc celui du "véritable" enfant. C'est là ruse de Vanna Scoma pour que la femme s'attache à l'enfant difforme. Ce qui ne fonctionne pas, mais alors pas du tout. Si l'enfant difforme, devenu un homme, ne semble pas malheureux, il est clair qu'il n'intéresse pas sa mère plus que ça, et il est une sorte de bouffon pour la communauté. C'est là qu'un prince d'une contrée lointaine débarque, affligé d'un mal de vivre dont il est incapable de se débarrasser. La rencontre de la mère et du prince devient donc une bouée de sauvetage pour eux deux : l'une croit de toute façon que le prince est son fils, et le prince décide de croire qu'il est le fils de cette femme. Il suffit de croire.





C'est à mon sens moins intéressant que la nouvelle de L'Enfant échangé, et moins intéressant que Les Géants de la montagne, sans doute parce que La Fable de l'enfant échangé n'a été principalement pensée que pour nourrir un autre projet. Elle a cela dit sa vie propre, entre la nouvelle et la pièce ultime, ne serait-ce que parce qu'elle va vers une conclusion qui est l'antithèse de la nouvelle : la croyance peut être salutaire - elle était mortifère dans L'Enfant échangé. Un même sujet peut en tout cas porter des messages différents, et dans le cas de cette pièce, ce message-là va s'accorder parfaitement avec Les Géants de la montagne.





Le défaut de la pièce, ce serait de ne tendre finalement, à mon sens, que vers cette conclusion, et de ne pas assez exploiter d'autres thématiques. Et pourtant, il y a comme un malaise, sur lequel on passe assez rapidement, dans cette pièce où, pour finir, l'enfant difforme va servir de substitut, décidément, pour remplacer le prince, en bouffon dont personne ne se soucie - surtout pas sa mère. Le personnage de Vanna Scoma aurait pu être étoffé pour appuyer ce motif, puisque c'est celle qui a imaginé qu'alimenter la croyance de la femme en imposant des conditions basées sur la superstition allait être salutaire pour l'enfant difforme.





Comme il est très difficile sans documentation d'aller bien loin dans l'analyse de La Fable de l'enfant échangé, qui a tout de même été jouée, qui a tout de même suffisamment déplu à Mussolini à cause du message qu'elle véhiculait, j'en suis réduite à me demander si je dois la considérer comme simple document participant à l'élaboration des Géants de la montagne, ou lui accorder plus d'importance et la prendre comme une oeuvre à part entière...







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Six personnages en quête d'auteur - La volupt..

Avec cet ouvrage, regroupant deux pièces, trouvé dans une boite à livres, j'ai fait connaissance avec l'écriture de Luigi Pirandello.

L'auteur parle de la famille, et les pièces pourraient être banales, mais les situations sont loin d'être ordinaires, les personnages peuvent être complexes, et la trame très psychologique. Ce sont des drames.

Dans "Six personnages en quête d'auteur", une famille recomposée, fait irruption dans un théâtre pour y proposer le drame qu'ils vivent... Pour l'époque le sujet peut-être condamnable, avec un père de famille qui fréquente les maisons de tolérance, et une jeune fille qui se prostitue pour rapporter des revenus à sa mère...

Il y a une interférence entre la scène qui se déroule au théâtre avec les acteurs, et les personnages qui arrivent pour parler de leur histoire familiale, hors normes.

Dans "La volupté de l'honneur", le sujet est plus simple. Une jeune fille de la bonne société attend un enfant de son amant marié, donc un mariage est arrangé. La situation serait assez simple si le mari proposé n'avait pas une psychologie compliquée.

Luigi Pirandello, au travers de ces deux oeuvres, ne me semble pas être un auteur de tout repos et facile. Mais, j'ai beaucoup apprécié ces deux pièces, assez déroutantes par leur construction, avec des dialogues parfois difficiles à suivre.

Un auteur que je relirai avec grand plaisir.
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Un, personne et cent mille

« Ton nez n’est pas droit » : voici le départ d’une grande psychose. Représentons Moscarda tel qu’il se voit d’après son référentiel par le symbole LUI{LUI}. La remarque que sa femme lui adresse lui fait prendre conscience que LUI{LUI} ≠ LUI{AUTRE}. En s’observant, LUI{LUI} découvre une nuance supplémentaire : IL est PLUSIEURS. Ses traits de caractères s’affirment avec des degrés d’intensité différents en fonction des personnes auxquelles il se confronte –il s’agit de l’adaptation et de l’intelligence sociale, du sacrifice de soi pour le bénéfice de la cohérence sociétale. Et si toutes ces caractéristiques, finalement, ne représentaient rien ? Même plus terrorisé par la perspective de cette découverte, IL admet n’être PERSONNE. En passant par les trois représentants de cette trinité de l’Absurdité, Moscarda reconnaît qu’il ne dispose d’aucune indépendance d’esprit, qu’il échappe à la possibilité de connaître objectivement le monde, qu’il ne peut juger ni apprécier quoi que ce soit en l’absence de toute valeur absolue et que, de fait, il se coupe de toute possibilité de communiquer avec autrui car l’échange nécessite un minimum de constance, de partialité et d’identité.





Moscarda n’est pas psychotique, contrairement à ce qu’affirme son entourage. Le paradoxe est le suivant : plus il s’affirme (ou croit s’affirmer), plus il s’éloigne de l’image que les autres ont de lui. Plus il s’affirme, et moins il est sûr de pouvoir un jour se connaître. Moins il se reconnaît, moins il reconnaît les autres, aussi isolés que lui dans le mensonge de leur identité. Pour ne pas s’effondrer dans la terreur, Moscarda se raccroche à la réalité matérielle des objets qui l’entourent ainsi qu’à la spontanéité de la nature encore épargnée par les nécessités du contrat social. Ce dernier semble responsable de l’aliénation de l’être humain : il exige que l’identité et la norme sociale se confondent pour effacer les subtilités de la conscience. Wittgenstein disait que les limites de mon langage signifient les limites de mon monde : aurait-il découvert lui aussi la supercherie de l’identité ?





Luigi Pirandello explore la question sous tous ses angles en faisant se succéder des chapitres courts et frémissants, comme des illuminations intellectuelles portant la charge d’une révolte sociale passionnée. Le soufflé retombe cependant rapidement. Toutes ces questions ont déjà été soulevées, et Luigi Pirandello n’apporte aucune autre réponse que celle, catégorique mais limitée, signifiant qu’il n’y en a pas. Dans un élan de nihilisme absolu, il faudrait devenir absolument PERSONNE, et que TOUS s’alignent sur le même modèle. Moscarda se fond avec le Brahman…on ne saura jamais s’il en pleure ou s’il en rit.


Lien : http://colimasson.blogspot.f..
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