À l’inverse de l’Angleterre, la mythologie de la nation espagnole n’utilise pas l’empire comme référence. Les Espagnols de cette époque ne se définissent pas par rapport aux peuples qu’ils conquièrent, puis asservissent. Il n’y a pas, en Espagne, l’idée d’être supérieurs aux autres et d’être destinés à civiliser le monde, comme ont pu le penser les Anglais. La mythologie espagnole est au contraire une ode à l’indépendance, à la défense du pays contre les invasions des Carthaginois, des Grecs, des Romains, des Musulmans. L’Espagne se définit avant tout par la défense de son territoire, de sa langue. Elle existe par rapport à ceux qui ont tenté de l’envahir, pas vis-à-vis de ceux qu’elle a colonisés.
On appelle cela le « caciquisme » – du mot taïno cacique, désignant à l’origine le chef d’une tribu des Caraïbes. Il renvoie au despotisme des notables et potentats locaux – et ce n’est rien d’autre qu’une structure clientéliste. La plus grande partie de ces organismes ne sont pas très utiles. Si une analyse coûts-bénéfices était correctement faite, une majorité d’entre eux ne répondraient pas aux exigences et seraient supprimés. Malheureusement, je ne crois pas que cela puisse arriver dans l’immédiat. L’Espagne a aujourd’hui 54 aéroports, tandis que l’Allemagne en a 18. Vous comprenez le problème ?
Les filouteries des meuniers et des promoteurs de Castille illustrent un autre concept-clé de l’Espagne, la chapuza. Traduit à la lettre, le terme veut dire « bricolage » ou « bâclage », mais dans ce pays, il représente autant une manière d’être que le fléau à l’origine de nombreux maux. C’est bien simple: c’est à travers lui que les Espagnols finissent systématiquement par définir leur quotidien, pour le pire ou pour le meilleur (946 000 occurrences dénombrées par Google !).