Vends ce que tu possèdes et achète des livres, enjoint un vieux dicton juif. Le livre n'est-il pas au cœur de tout ce que nous sommes ?
Les Ukrainiennes m’avaient adoptée. Elles avaient enfin trouvé, dans cet univers misérable, une prisonnière qu’elles pouvaient à bon droit regarder comme inférieure ; j’étais devenue leur Juive.p135
Le rejet, la négation, la haine de l'autre, c'est en fin de compte le rejet, la négation, la haine de soi-même.
Comme devait l’affirmer, plus tard, un témoin : « Celui qui n’a pas vu Auschwitz ne connaît pas Auschwitz ; mais celui qui y est entré n’en sortira jamais ».
Moi non plus, je n'ai pas oublié le numéro de ma cellule à Fresnes : la 420. La geôle voisine était occupée par Geneviève Anthonioz-de Gaulle, la nièce du Général, qui fut déportée ensuite à Ravensbruck. (...)
Quand je parvins à entrer en contact avec elle, en frappant moi aussi sur les tuyaux, elle sembla réticente à me considérer comme membre d'un réseau. Elle me considérait d'abord comme Juive. Elle me dit un jour en guise de consolation :
-Vous verrez, après la guerre, ce sera différent.
Autrement dit : "L'antisémitisme aura disparu." Belle espérance déçue, apparemment. Car soixante ans après Hitler, il me semble que l(antisémitisme est toujours là, et qu'il ne disparaîtra pas de sitôt.
Comme chaque jour, une foule anxieuse se bouscule aux lourdes barrières en bois dressées devant le Lutetia. La façade blanche et cossue de l'hôtel s'élève au-dessus d'une masse humaine uniforme et sombre hérissée de mains blanches agitant des photos. Les gens crient des noms de disparus; et leurs plaintes résonnent sur le boulevard Raspail comme l'écho d'un chant désespéré.
Geneviève Anthonioz-de Gaulle qui s’adresse à Madeleine : Vous verrez, après la guerre, ce sera différent. Autrement dit : « L’antisémitisme aura disparu. » Belle espérance déçue, apparemment. Car soixante ans après Hitler, il me semble que l’antisémitisme est toujours là, et qu’il ne disparaîtra pas de sitôt. p90
J'ai décidé que le mieux était de poursuivre ce travail que nous avions commencé ensemble. Et maintenant que notre livre s'achève, je me sens prête à lui dire à mon tour, comme lui-même autrefois sur la rampe, à Auschwitz, après la descente du train:
-On se retrouvera.
Cette scène représente ce que j’ai pu appeler tantôt ma « première vaccination », tantôt mon « dépucelage ». J’étais bel et bien en train de perdre mon innocence. Et mes toutes dernières illusions n’allaient pas tarder à voler en éclats.p107
– Nous avons brisé la chaîne du malheur. Nous sommes la preuve que tout peut arriver. Oui, tout. Même le meilleur.p22