La littérature chinoise excelle dans l'art de ne pas appeler un chat, un chat. Le printemps (chun), synonyme de désir et d'amour, occupe une grande place dans le langage du corps : les aphrodisiaques répondent ainsi au joli nom de "médecines printanières", destinées à revigorer la tige de jade masculine - alias la flute de jade, le pic vigoureux, le bâton d'encens, la tête de tortue, la pousse de bambou de jade, la lance d'or... La femme n'est pas en reste ; on réserve à la description de son intimité des images pleines de mystères : précieuse porte ou porte de jade, ravine de cinabre, fosse dorée, vallon obscur.
Avis de tempête dans l'alcôve : les " jeux des nuages et de la pluie", ou les " nuages qui tourbillonnent et la pluie battante ", sont les expressions favorites pour désigner les plaisirs de la natte et de l'oreiller. Autrement dit, la guerre fleurie, la voie du yin et du yang, ou encore faire faisan et phénix. Quand le couple en arrive là, l'éventail des postures offert par les manuels spécialisés laisse rêveur : l'épervier et le loriot battant l'air de leurs ailes droites et fermes... le dévidage de la soie... le chat et la souris dans le même trou...le dragon qui s'enroule... les bambous près de l'autel... les papillons voltigeant... la chèvre devant l'arbre ou le tigre blanc qui bondit...
Au rayon bien garni des aphrodisiaques asiatiques figure une poignée de fruits, qui rivalisent en efficacité avec les cornes de rhinocéros, les nids d’hirondelle, le ginseng, la viande de chien, le pénis de tigre séché, les bourses de panda ou les fleurs de chrysanthème… L’un d’eux n’est autre que le célèbre durian qui, malgré son odeur infâme, aurait le pouvoir de transporter au septième ciel.
La cuisine chinoise est l'une des plus variées et des meilleures du monde. Un vrai régal !
L'humanité, chose curieuse, s'est toujours retrouvée autour d'une tasse de thé. Voila bien le seul rituel asiatique qui emporte l'adhésion universelle.
Okakura Kakuzô
La plus fétide des racines
Native d'Iran et d'Afghanistan, l'étrange assa-foetida se présente sous forme de granulés ou de poudre jaune dans les épiceries indiennes. Cette résine s'extrait du rhizome de certains fenouils géants reconnaissables à leurs effluves nauséabonds. Riche en soufre, l'assa-foetida, que l'on surnomme "crotte du diable", dégage une forte odeur d'oeuf pourri ! Elle assaisonne, à dose infinitésimale, les légumes, les lentilles et les pickles indiens. Elle passe aussi pour améliorer la voix : on raconte qu'à l'époque moghole, les chanteurs de la cour impériale s'éveillaient avant l'aube et avalaient un mélange de beurre et d'assa-foetida avant de pratiquer leurs vocalises.
Une moutarde pleine de piquant
Les fleurs jaunes des champs de moutarde illuminent les paysages de l'Inde méridionale depuis la nuit des temps. Les recettes du Sud sont prodigues de ces minuscules graines noires ou brunes, que l'on jette dans l'huile chaude jusqu'à ce qu'elles éclatent et vous sautent au visage... elles passent en Inde pour éloigner le mauvais oeil, et il n'est pas rare de voir une mère éparpiller une poignée de graines sur la tête de son enfant, en murmurant un voeu. Visqueuse et dotée d'une odeur forte, l'huile de moutarde est l'huile favorite du Bengale et du Pendjab. Outre ses usages culinaires, elle passe pour garantir, à raison de fréquents massages, une chevelure abondante et lustrée.
Poivre et cardamome indiens, cannelle de Ceylan, girofle et muscade des Moluques, casse et badiane de Chine ; gingembre, curcuma ou citronnelle... Les jardins d'Asie sont le berceau d'une multitude d'épices. Aujourd'hui, alors que l'Inde en demeure le premier exportateur mondial, on a peine à croire que de simples graines, des fleurs séchées, d'humbles racines ou des fragments d'écorce aient pu alimenter, des siècles durant, trafics et intrigues.
En Inde, on n'échappe pas aux épices. Elles aiguisent l'appétit avec les amuse-gueule que l'on grignote à longueur de journée, tels le Bombay mix -de petits vermicelles de farine de pois chiche, épicés et mêlés de fruits secs... Elles inspirent d'insolites douceurs : à la cardamome et au safran, au macis et à la noix de muscade, voire à l'essence de rose.
Chacun manie ses baguettes avec plus ou moins de succès.