LES PROVOCATEURS #2 : Marc-Edouard Nabe
Le système est arrivé à écarter même les natures les plus curieuses. On vous a rendus allergiques à ce qu'il y a de meilleur avec de la culture de masse. On a entretenu délibérément la confusion entre le bon et le nul pour bien vous dégoûter du bon.
Avant longtemps les hommes auront renoncé à commencer par les commencements…
AU RÉGAL DES VERMINES.
C'est la première fois qu'une époque semble être fière de ne plus être historique, même les punks qui prônaient le No future, et qui le revendiquaient, avaient encore la force de réagir à quelque chose, fût-ce à leur indifférence. Vous n'êtes même pas nihilistes, quelle tragédie! On est obligés de s'adresser à vous comme à des enfants vierges, handicapés, amnésiques, ignorants, incapables de se concentrer. Je le vois bien, dès que je fais allusion à une force du passé, ça suscite un inintérêt flagrant. Vous êtes tout de suite agacés comme par de la nuisance sonore, parce que vous êtes saturés d'informations accessoires qui parasitent votre attention.
Le problème, c'est qu'à force de parler pour ne rien dire exprès, on ne fait plus exprès de ne plus rien avoir à dire en vrai.
Monsieur Oussama Ben Laden a la joie de vous faire part de la naissance du troisième millénaire, né le 11 septembre 2001. La mère se porte mal.
Dans le fond, les vrais révoltés ne veulent pas changer le monde. Je suis pour toutes les révolutions et contre leur résultat. Je rêve de révolutions suspendues.
La virtualité ne remplace pas la réalité comme les réacs s'en plaignent, elle est là pour remplacer l'imaginaire.
Et si la paix du Christ, c'était mieux que Myspace pour échanger avec l'autre? Sainte Face contre Facebook. Vie éternelle contre Second Life.
Ce n'est tout de même pas lui qui passe devant moi, mais si, je le reconnais à peine mais c'est lui, Patrick Bruël, qu'est-ce qu'il fout là. [...] Il est tellement dans les ténèbres qu'on dirait qu'il porte sa tête à bout de bras par sa tignasse comme une lanterne, pour s'éclairer... Il la croit donc si lumineuse que ça, sa tronche de troubadour années 80?
Et les deux têtes d'Antijouir nous quittent. On les voit de dos s'éloigner jusqu'à la sortie. Je les regarde. Trentenaires sans fesses, pas de corps, bébés maigres... Ils détestent les invitations: ils y voient anguilles sous roche, mais les anguilles, c'est eux. Toute proposition les perturbe. Rien à faire, ils sont dans la peur des confrontations. Tout enthousiasme est vu comme une pression, la vitalité est malsaine, elle est prise pour l'agression. pour eux, tout est "intéressant", mais comme rien au fond ne mérite qu'on y consacre sa vie, autant s'intéresser au moins de choses possible. Surtout pas de passion pour le vrai, le dur, le fort. Tout pour le faux, le mou, le faiblard. L'énergie, c'est pas cool...