Amours scandaleuses au mont Blanc Marcel Pérès Editions Guérin Chamonix
Dix ans après, Lionel Terray se demandera encore comment il a pu réaliser un tel exploit acrobatique dans ce fameux passage du pendule et mobiliser des forces aussi insoupçonnées au tréfonds de lui-même. Quelle ivresse, non pas des profondeurs, mais des airs, il ressentit alors ! Quelle extraordinaire sensation d'euphorie et de légèreté, presque irréelle, rendue possible par une sorte de dédoublement de la personnalité : "Si je lâchais, les cordes casseraient et d'un seul vol, j'irais m'écraser 400m plus bas... Ma personnalité m'a quitté, les liens avec la terre sont rompus ; je ne suis plus moi ; je suis invincible ; je n'ai plus ni peur, ni fatigue, je me sens porté par les airs..."
"Une lourde responsabilité pèse sur moi, je sais que demain la bataille sera incertaine et dangereuse. Dans le fond de mon cœur un difficile débat se déroule. Tous trois nous avons ardemment voulu cette aventure, tous trois nous avons passionnément donné le meilleur de nous-mêmes, pour un même but idéal. Il me semble terrible que l'un d'entre nous ne puisse pas partager les minutes de joie où nous pourrons nous dresser sur la cime, mais soit obligé de rester dans la tristesse d'un camp désert, l'âme envahie par une pénible impression d'inachevé. J'avais prévenu Kees que je ne pourrais l'emmener au sommet que s'il me paraissait en parfaite forme, et je sais que là, tout contre moi, l'âme sensible qu'abrite ce corps de géant souffre dans l'attente du verdict qui va briser son beau rêve. Mais maintenant ma décision est prise. Si demain Kees a la force de partir, nous monterons donc au sommet ou pas du tout."
Ainsi, pour Lionel Terray, l'aventure commune a toujours pris le pas sur l'impératif de la conquête du sommet et sur la gloire qui en découle.
[Citation du journal de Lionel Terray extraite de la préface de Tom de Booij.
e courageux Chamoniard qui, le premier, escalada plusieurs pointes juqu'alors inaccessibles dans le massif du Mont-Blanc avait épousé en 1877 une jeune Anglaise Isabella Straton, riche et de religion protestante, pour devenir la femme du simple paysan en qui elle avait su découvrir les plus rares qualités morales ; elle apprit le français et un peu notre patois... Elle devint savoyarde et ne quitta plus la vallée de l'Arve.
Les sauveteurs découvrirent aux alentours un gant, une ceinture et des bottes appartenant à Lord Douglas, mais son corps restera introuvable.