Le faire propre de Michel-Ange est encore moins reconnaissable dans la figure de la Vierge, dont les draperies surchargées, aux plis minutieux et compliqués, rappellent le style mis à la mode par Verrocchio, style que Michel-Ange n'adoptera qu'un instant et auquel il ne substituera ces draperies collantes, traitées par larges masses, qui seront une des plus grandes beautés de son art. Cette statue était si peu caractérisée que le public croyait y reconnaître la main de Cristoforo Solari, et Michel-Ange, pour en revendiquer la paternité, se crut obligé de la signer. Il s'est arrangé plus tard pour que de pareilles méprises ne fussent plus à craindre.
Il ne faut pas oublier que le but de l'art est de faire naître en nous un sentiment de plaisir. Sous prétexte de morale, l'artiste n'a pas le droit d'imposer à notre vue de trop révoltantes difformités. Le caractère repoussant des personnages, la grossièreté des détails font disparaître cette sympathie sans laquelle le sentiment esthétique ne saurait s'éveiller et courent le risque de ne plus laisser au lecteur assez d'indépendance pour apprécier le talent de l'écrivain, l'énergie du style ou la vérité des descriptions.
Le baldaquin de Saint-Pierre, commandé au début du pontificat, venait d'être terminé, et Urbain VIII, continuant à embellir la basilique, chargea le Bernin d'une seconde oeuvre non moins importante, le décor des quatre grands piliers soutenant la coupole. On lui demande ici, non pas de faire une oeuvre de toutes pièces, mais de terminer, de décorer l'oeuvre de ses prédécesseurs. Ce n'est pas lui qui a conçu les grandes niches superposées ouvertes dans les pilones; ces niches dataient des travaux de Michel-Ange et peut-être même des premiers projets de Bramante; mais au temps du Bernin, ce n'étaient encore que des trous sans aucun décor et l'on n'avait rien prévu pour les orner.
L'origine florentine de la Renaissance est un fait particulièrement intéressant à noter, parce qu'il nous permettra de comprendre dès le premier abord un des traits les plus caractéristiques de l'art nouveau. Toutes les œuvres de la première Renaissance sont remarquables par leur élégance, leur finesse, leur distinction et leur pensée; et certes, pour avoir tiré de l'art antique, de l'art romain surtout, des formes si légères, si gracieuses et si sentimentales, il fallait avoir l'esprit affiné par une civilisation que Florence seule à ce moment pouvait s'enorgueillir de posséder.
D'une façon générale, nous devons estimer que les œuvres d'un artiste sont d'autant plus tardives qu'elles sont plus savantes. C'est là un des caractères les moins trompeurs ; car, quelles que soient les dispositions naturelles que l'on ait, la maîtrise dans l'art ne s'obtient qu'au prix de longues et laborieuses études et presque toujours la jeunesse se trahit par son inexpérience. Mais il ne faut pas confondre ici science avec beauté. La beauté de l'œuvre n'est pas toujours en rapport avec la science des artistes.
Le premier trait qui nous frappe dans l'art du Bernin, trait qui dans sa jeunesse est prédominant jusqu'à l'exclusivisme, c'est la volupté. Et en même temps, nous voyons, dès ses premières œuvres, un autre caractère tout différent, le caractère religieux, qui va aller sans cesse en se développant, de telle sorte que le Bernin, après avoir été le plus sensuel des maîtres, finira sa vie dans les élans du mysticisme chrétien. Cette alliance de deux sentiments si dissemblables donne à son art un caractère étrange, parfois déconcertant, qui prend toutefois un intérêt singulier lorsque nous songeons qu'il ne s'agit pas là de la fantaisie d'un artiste isolé, mais de la manifestation profonde de la pensée de tout un siècle.
On peut considérer, comme représentant une troisième période, les dix années que Donatello passa à Padoue. Lorsqu'il quitte la cour des Médicis, pour aller travailler dans l'église d'un des Saints les plus populaires de l'Italie, il transforme son style, ou plutôt il l'accentue dans ce qui était le fond même de sa pensée. Il conserve encore le. goût des formes brillantes et des riches décors, mais avant tout c'est désormais l'idée chrétienne qui prédomine dans son art, c'est le spiritualisme le plus élevé qui lui inspire ces œuvres si émouvantes qui sont le Crucifix, la Mise au Tombeau, le St. François.
Nous rechercherons quel est, dans notre esprit, le caractère essentiel de l'émotion esthétique. Le sentiment du Beau ne s'éveille pas chez tous les hommes à la vue des mêmes objets, il n'a pas toujours la même intensité, mais dans son essence, il est uniforme et se manifeste sous un aspect identique. Ce caractère fondamental du sentiment esthétique nous paraît être le bonheur, la joie, l'amour, l'attrait, ce que l'on désigne le plus généralement dans le langage philosophique par le mot Agréable.
Un paysage d’Achard est presque toujours une vue assez étendue, c’est un morceau de pays. Rien n’est fictif, aucun élément étranger n’est introduit sous prétexte de noblesse ; Achard se sert avec la plus inébranlable conviction de tous les éléments, quels qu’ils soient, qui sont sous ses yeux; il n’en ajoute aucun, mais il les emploie tous.
Délicat dans sa touche, Achard ne l’est pas moins dans son coloris. Sa couleur, un peu grossière et lourde au début, s’affine avec le temps, s’harmonise et se purifie. Achard, qui était depuis longtemps un maître dessinateur, devient, à partir de 1850, un maître coloriste. Élève fidèle de la nature, il lui emprunte son charme discret, son enivrante douceur. Ennemi des brutalités, des couleurs trop vives, des rouges et des jaunes ardents, il est d’une adresse surprenante pour manier les verts et conserver leur transparence, pour faire scintiller le soleil dans les frondaisons épaisses, pour illuminer le mur d’une chaumière enfouie sous les arbres. Robuste et énergique à ses débuts, il tendra de plus en plus vers l’élégance, la grâce et la finesse de ton.