Une des déformations du langage qui frappent le plus vivement celui qui étudie l’argot, c’est le procédé artificiel connu sous le nom de †loucherbème (boucher)[1]. Il porte le nom de boucher parce qu’il est employé par la corporation des garçons bouchers concurremment avec les classes dangereuses. Ce procédé consiste à remplacer la première lettre d’un mot par l, à la rejeter à la fin du mot, et à la faire suivre d’un suffixe. Ici ce suffixe est ème ; ailleurs il sera différent ; et cette mobilité de suffixes est une première et précieuse indication.
Nous trouvons, en effet, les formations :
†Lonsieurmique (monsieur), †loirepoque (poire), †lemmefuche (femme), †latronpatte (patron). Elles doivent être ainsi décomposées :
†l ichetonm ique (micheton).
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(1) représente la première moitié de l’élément de déformation ; (2) est le mot disloqué ; (3) représente la seconde moitié de l’élément de déformation. — Cette seconde moitié est le suffixe ique, oque, uche, atte ou ème. Elle n’est parfois que la voyelle e accentuée. Ainsi dans †lingtvé (vingt)[2]. L’ignorance de ce procédé a causé dans les travaux philologiques sur l’argot de graves erreurs. On lit à l’article Linspré dans l’ouvrage de F. Michel :