« Ne pleure pas, dit une voix dans le lit voisin. Tiens.
Louis sentit qu’on lui mettait un mouchoir dans la main.
- Vas-y. Souffle, dit encore la gentille voix, ne te sens-tu pas mieux ?
La voix s’était rapprochée. Louis sentit que son lit s’incurvait parce que quelqu’un s’y était assis.
- Je m’appelle Gabriel Gautier. Et toi ?
- Louis. Louis Braille, dit Louis entre deux sanglots.
- Ecoute, Louis, dit Gabriel, tu as simplement le cafard des nouveaux. Tout le monde l’a, au début. Moi aussi, je l’ai eu.
- Tu… tu l’as eu aussi ?
- Oui. Mais ça passe. Dors maintenant. Demain tu te sentiras mieux. Attends, tu verras. Bonne nuit, dit doucement Gabriel depuis son propre lit.
- Bonne nuit. »
On ne peut voir ni même toucher ce qu'il y a de meilleur et de plus beau dans le monde. Il faut le sentir avec son cœur.
Il y avait tant de choses qu'il ne pouvait faire ! Il ne pouvait pas jouer à cache-cache, ni à chat perché. Il ne pouvait pas courir à la rencontre d'un ami, ni se faufiler avec des camarades dans les sous-bois pour se cacher dans un coin
secret. Tout le monde aimait Louis dans le village, mais cela ne remplaçait pas un ami intime ou une bande de copains.
Le livre est bien, mais triste.
Puis il y eu comme un rideau grisâtre devant les yeux de Louis.
Il voyait encore faiblement, de plus en plus faiblement.
Un jour il vit à peine le soleil à travers la fenêtre, et le lendemain il ne le vit plus du tout.
Louis était trop petit pour comprendre ce qui lui arrivait. "Quand est-ce que ce sera le matin ?" demandait-il sans cesse.
Helen savait déjà que les livres allaient jouer dans sa vie un rôle très important.
— Ils me racontent tant de choses intéressantes sur tout ce que je ne vois pas, disait-elle. Et, contrairement aux gens, ils ne sont jamais fatigués ou contrariés.
On ne peut voir ni même toucher ce qu'il y a de meilleur et de plus beau dans le monde. Il faut le sentir avec son coeur.
- Regardez, mademoiselle Annie ! s'écria Mme Keller. Helen fait les même gestes que vous !
Moi qui suis aveugle, je ne peux vous donner qu'un seul conseil, à vous qui voyez: servez vous de vos yeux comme si vous deviez vous réveiller aveugles demain.
Tout le monde aimait Louis dans le village, mais cela ne remplaçait pas un ami intime ou une bande de copains.
A plusieurs reprises, Helen tendit le bras vers la poupée. Mais elle ne rencontra que le vide. Alors elle commença à gronder.
Attention, mademoiselle Annie s’écria Mme Keller.
Mais l’avertissement vint trop tard. Helen se précipita. Son poing se détendit et frappa Anna Sullivan en plein sur la bouche.
Au temps de Louis, les professeurs n'étaient pas censés être particulièrement gentils ou patients. Et, de fait, il ne l'étaient pas. Ils criaient, parlaient forts et se moquaient des élèves peu doués. Ils pensaient que le savoir était avant tout une affaire de dressage.
Un grand nombre de professeurs voyants étaient d'accord avec le Dr Dufau. Eux non plus n'aimaient pas l'alphabet de Louis. Parfois par pure paresse. Ils savaient lire et n'avaient pas envie d'apprendre une autre méthode. Pourtant, la plupart d'entre eux avaient peur. Et si l'alphabet allait se répandre ? Si un grand nombre de livres étaient imprimés de la sorte ? Alors cette école et d'autres école du même genre pourraient être dirigées par des professeurs aveugles. Et eux, que deviendraient-ils ?