Margaret Maruani est sociologue, directrice de recherche au CNRS. Elle répond à nos questions à l'occasion de la parution de son ouvrage "Travail et genre dans le monde, l'état des savoirs" paru aux Editions La Découverte :
- Quels traits communs peut-on dégager concernant la situation des femmes dans le monde du travail dans les différentes régions du globe ?
- Comment expliquez-vous que la tolérance au sur-chômage des femmes, à leur surreprésentation dans les emplois dits « atypiques », à une plus faible rémunération que celle des hommes soit aussi « bien » partagée dans toutes les régions du monde ?
- Dans quelle mesure est-il possible de combattre les inégalités entre hommes et femmes dans le monde du travail au niveau international ?
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La précarité n’est donc pas un état transitoire, exceptionnel, mais un phénomène permanent, nouveau par son ampleur, sur lequel nous devons réfléchir
Au fond , nous défendons deux idées différentes mais indissociables : la pertinence durable du concept de genre pour l’analyse du monde du travail, d’une part ; la centralité du travail dans les sciences humaines et sociales, et en particulier dans les études de genre, d’autres part
Le temps partiel n’apparaît pas comme une simple fraction d’un temps plein. Il est souvent associé à une organisation plus disciplinaire, à une moindre autonomie et à des facteurs de flexibilité temporelle dont les formes extrêmes peuvent impliquer le travail sur appel, les horaires coupés, des changements d’horaire avec de brèves périodes d’anticipation
l’observation est indissociable de la façon d’observer, la mesure, inséparable de l’instrument de mesure. Or le regard dépend du contexte, des valeurs et des représentations du moment ; les définitions et les classements utilisés vont opérer comme autant de filtres pour mettre en lumière certains aspects de la réalité et en laisser d’autres dans l’ombre
Il est des femmes, des hommes et des travaux de toutes sortes. Il est aussi une hiérarchie du masculin/féminin qui se construit et se structure autour du travail et que l’on voit à l’œuvre où que se soit. Bien entendu cette construction hiérarchique est mouvante. Elle se transforme, se renouvelle et se reconfigure au fil des époques et des territoires
loin d’être neutres, nombre de sphères ont été durablement naturalisées au masculin… le statut mineur des femmes (tant du point de vue civil que politique) a eu des effets durables sur la définition des possibles en termes professionnels et a contribué à un arrangement de genre particulièrement défavorable aux ambitions féminines
Avec la diffusion du salariat, leur labeur est désormais devenu visible et autonome, déconnecté de leur statut familial. Les femmes salariées travaillent et gagnent leur vie, quelles que soient leur situation familiale et la profession du conjoint. Le salariat consomme le divorce entre statut professionnel et familial
Dans l’histoire de l’activité féminine, la nouveauté n’est donc pas tant le travail qui, sous des formes diverses, a toujours existé, mais plutôt l’emploi salarié, c’est-à-dire une forme de travail instituée et reconnue, autonome, clairement identifiable et extérieure à l’univers domestique
Si le travail est au cœur de la dynamique des rapports de pouvoir, s’il constitue bien l’enjeu des rapports sociaux comme nous le postulons, il doit être placé au centre de toute réflexion tant sur la domination (le travail en est un levier essentiel) que sur l’émancipation
le surchômage féminin n’a jamais été considéré comme un problème social