AMI, Poème de Maria Zaki (SUR LES DUNES DE L'AIMANCE, L'Harmattan 2011) Lecture de Maziane.
C’était également un endroit très personnel où il n’emmenait quasiment jamais personne. Il l’avait cependant baptisé "L’esquif". Abed devait faire partie des nombreux écrivains rêvant de traduire les écrits du vent sur la mer ou peut-être aimait-il sentir qu’une partie de lui était toujours en partance…
Les parents se regardèrent de manière impuissante, chacun implorant l'autre de répondre à la question d'Adam. Un silence lourd traversa la pièce de bout en bout et la question demeura suspendue aux lèvres du garçon désemparé.
En effet, on ne voyait sur l’écran de l’appareil qu’une ombre informe. Ce n’était pas comme si la photo était floue, c’était pire. Un brouillard recouvrait pratiquement tout l’écran. La fillette, incrédule, n’hésita pas à tirer d’autres photos d’Adam, au moins cinq ou six d’affilé, mais le résultat demeura inchangé. Devant l’incapacité de s’expliquer ce phénomène, les jeunes étaient stupéfaits. Qui était-ce donc cette jeune fille qui n’apparaissait pas sur les photographies, un fantôme ?
La lumière de mon cœur
Se perd dans l'espace
Elle ne laisse pas de trace
Juste deux ombres s'obstinent
Face à face :
La sultane aux ailes invisibles
L'esclave aux poings liés
Qui est déjà morte ?
Qui reste à tuer ?
- Nous voilà encore repartis sur les sentiers de la philosophie ! répliqua Adam.
- Et pourquoi pas ? La philosophie n’est pas un discours mais une pratique qui s’éprouve au quotidien et jusque dans les gestes les plus infimes de note vie, dit Abed.
- Vous finirez par changer mon regard sur la philosophie, répliqua Adam.
- Je l’espère ! J’espère que tu comprendras que la philosophie ne se limite pas à la lecture de textes difficiles, sinon, je ne t’aurais rien apporté, dit Abed.
Hormis le silence
Pour entendre l’infini
Chaque être
Vit à son rythme
Ou vif ou alangui
Si les sons étaient fiables
Et les mots immuables
Le monde se viderait
De son mystère
L’oreille comme l’aile
De l’oiseau vient à se tendre
Elle ne perçoit pour bruit
Qu’un murmure du vent
Tout ce que l’on veut prendre
Depuis longtemps est pris
Si la montagne parlait
Elle ne saurait guère
Ce qu’elle devrait
Dire ou taire
La parole est un mur
De sable qui s’altère
Et rien sur cette terre
Jamais ne perdure
Hormis le silence
Quand ta présence
Tant voulue
Soutenue
Défendue
Se déploie entre
Mon aile droite
Et mon aile gauche
Je perce les dunes
Et prends mon envol
Je chevauche les ombres
Et ma nuit devient
Plus claire que le jour
La lumière de l’aimance
Apparaît de mes manques
Et de sa désinence
Surgit ma naissance !
Je disperse mes mots
De-ci, de-là
Sans déranger les sauterelles
Qui sommeillent
Ni les roses de sable
Qui s’éveillent
Je fais rêver
Tout ce petit monde
Sans promettre
Un feu sans cendres
De temps en temps
Je nuance mon silence
De ton encre
Sans m’égarer
Dans les dédales
De l’évidence !
Aurais-je cédé au goût
De pierre entre mes dents !
Sans lieu ni heure
Sourde et muette
Telle est ma patience
Sous une lueur fausse
D’un espoir ennemi
Que mon poème me brûle les doigts
Qu'il me transperce la poitrine
Si la survie n'est qu'à ce prix !
Avant de céder à la mort
Je continuerai à semer
Parmi mes doutes
Des mots
Des mots
Et des mots !
Ainsi chaque matin, la bibliothèque se replongeait dans le repos et l’inaction parfaite. Personne ne pouvait imaginer ce qui s’y passait au milieu de la nuit. Nadia et Adam couchant à l’étage, ils n’entendaient pas grand-chose depuis leur chambre. Il leur arrivait toutefois d’entendre quelques frémissements non identifiables, mais ils les attribuaient au bruit de la brise dans les branches d’arbres, le secret de nos amis les revenants était pour ainsi dire quasi impénétrable.