Page à page, je me définis, en une tentative hésitante et itérative de me distinguer des autres objets. Je veux être unique et improbable, irremplaçable et impensé. Et, page à page, en me définissant, je deviens unique.
il
marche à ma suite un pas derrière
moi pose la main sur mon cou la paume
descend un peu glisse entre mes omoplates
s'attarde là chaude et s'efface ma tête tourne
Mais c’est que je suis un livre potentiel, dont l’existence (réelle) est soumise à la vôtre, à votre existence de lectrice, à votre acte de lecture.
Comme l’ultime
si nous savions écrire la lumière
de l’étreinte et la brillance du baiser
comme si l’orient était tout entier
enclos dans une dorure
nous nous offririons le luxe de nous dissoudre
dans l’innocente luxure
de toutes nos petites morts
Ici est un ailleurs inavoué.
Arrive-t-on un jour au terme du mouvement,
en cet équilibre où aucun pas n'est possible
ni nécessaire, quand errer ne se conjugue
plus ni dans la faute ni dans l'égarement?
Arrive-t-on un jour à vivre comme on
meurt, au-delà de tout désir et de toute
vanité, enfin résolu à se perdre soi-même
en un très long poème où il n'y a pas
d'image?
Je suis un livre : une matière composite et sensible.
C’est une fête commencée dès que s’ouvrent les lèvres sur les dents comme des pierres blanches et mouillées sur le souffle comme un fleuve nous portant : quelque repas s’y prépare qui prépare le corps à d’autre goûts déjà
:
tu m’emmènes,
tu m’ouvres,
tu me guides,
tu t’assieds,
tu me parles,
tu ris,
tu me touches,
nous mangeons
tu m’embrasses.
Tout ce qui est tu nous livre à l'éphémère.