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Citation de kathy


Je voudrais vous faire lire cette citation suite à ma critique postée à propos du livre " Cahiers de cancres" dans laquelle je faisais allusion au manque de "psychologie" de certains enseignants à une certaine époque... Et personne n'a jamais établi de statistiques quant au nombre d'enfants qui ont prématurément interrompu leurs études à cause de telles humiliations...

La citation est un peu longue... je m'en excuse... !

Avant j'étais presque illettré, j'en ai pas honte. La lecture, c'est de l'acquis. Pas besoin d'aller la chercher : quand tu es petit, on t'envoie à l'école pour te gaver de force, comme on fait pour les oies.
Il y en a qui le font proprement, ils ont le doigté, la patience, tout ça. Ils t'emplissent en douceur la mémoire, jusqu'à ce que tu sois bondé comme un oeuf. Mais avec d'autres, gobe ou crève ! Ils te fourrent ça dans la tête sans aller vérifier où ça va se loger. Résultat, le moindre petit grain de savoir qui te reste en travers, ça t'étouffe.T'as plus qu'une envie : le recracher et puis rester à jeun, plutôt que d'être mal.
Mon instituteur, monsieur Bayle, c'était un gaveur à la con. Il me fichait une trouille terrible. Je me serais pissé dessus, quand il me regardait, certains jours. Rien que dans sa façon de prononcer mon nom, "Châzes" ! Je savais qu'il ne m'aimait pas. Il avait sûrement ses raisons. Pour un maître c'est casse-couilles, un élève abruti. Je peux comprendre ça. Alors, pour se passer les nerfs, il me faisait venir au tableau tous les jours. Je devais réciter mes leçons.
Les réciter devant les lèche-culs qui se poussaient du coude et se foutaient de moi en se cachant la bouche de leur main, et puis les nuls, contents de voir que j'étais pire. Monsieur Bayle ne m'aidait pas, il m'enfonçait bien, au contraire. Un enfoiré de première, c'était. Je l'entends toujours, sans forcer : j'ai sa voix chevillée dans le creux de l'oreille.
- Alors, Châzes, on oublie ses phrâses?
- Eh bien, Châzes ? On manque de bâses ?
- Je sens que, ce matin, notre ami Châzes est dans la vâse !
Ca faisait marrer les copains.
Ensuite, il ajoutait :
- Alors, Châzes? J'attends ! J'attends, nous attendons, vos camarades attendent...
Il tirait juste un peu sa chaise, pour mieux se tourner face à moi. Il se croisait les bras, et il me regardait en hochant la tête. Il tapotait du bout de son pied, par terre, sans rien dire. Tap, tap, tap... Moi, je n'entendais plus que ce bruit là, et puis celui de la pendule, en face, tic tac, tic, tac. Des fois, ça durait si longtemps que tous les autres finissaient par se taire.
Tout devenait tellement silencieux autour du tic-tac et du tap des semelles, que j'entendais mon coeur me battre dans la tête. A la fin, il soupirait, il me renvoyait à ma place, d'un geste. Il disait :
- Décidément, mon pauvre Châzes, je crois bien qu'il vous manque une câse !
Les autres éclataient tous de rire, ça les détendait un bon coup. Et moi, j'aurais voulu mourir. Ou le tuer, si j'avais pu.
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