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3.96/5 (sur 211 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1973
Biographie :

Marielle Macé est chercheuse au CNRS. Ancienne élève de l’Ecole normale supérieure (Paris), agrégée de Lettres modernes, elle est spécialiste de littérature française moderne, ; sa recherche porte en particulier sur le genre de l’essai, sur l’extension de la notion de style, et sur les formes de l’expérience littéraire. Elle travaille actuellement à un ouvrage sur les conduites de lecture qui articule ces notions.

Directrice-adjointe du CRAL, elle enseigne la littérature et la pensée littéraire à l’EHESS, à l’Ecole normale supérieure, et à New York University. Elle est responsable d’un programme « Littérature et expériences esthétiques » au CRAL, conduit l’axe « Usages et effets de l’interprétation » du projet ANR « Hermes », après avoir été membre de l’ACI « L’histoire littéraire des écrivains » et d’un GDR consacré à la Fiction ; elle fait également partie du groupe Fabula (www.fabula.org).

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Source : cral (centre de recherche sur les arts et le langage
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Marielle Macé est venue présenter son nouvel ouvrage Respire aux éditions verdier. Ce livre parle d'aujourd'hui, de nos asphyxies et de nos grands besoins d'air. Parce qu'une atmosphère assez irrespirable est en train de devenir notre milieu ordinaire. Et l'on rêve plus que jamais de respirer: détoxiquer les sols, les ciels, les relations, le quotidien, souffler, respirer tout court. Peut-être d'ailleurs qu'on ne parle que pour respirer, pour que ce soit respirable ou que ça le devienne. Il suffit de prononcer ce mot, «respirer», et déjà le dehors accourt, attiré, aspiré, espéré à l'appel de la langue.
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Marielle Macé
     
L'oiseau,
sujet d'un battement incessant
entre l'ici et le lointain,
le familier et l'inappropriable.
     
De là, sans doute, la force de liens
à ceux qui mêmes en cages, même ventriloqués, empaillés,
ne se laissent jamais vraiment saisir...
     
L'oiseau ou la sauvagerie à portée de main.
L'oiseau ou la sauvagerie à portée d'oreille et de coeur,
l'oiseau ou la sauvagerie adorable –
la sauvagerie à même la vie ordinaire
– capable de faire de nos jardins
de nos promenades
de nos oreilles,
des milieux poreux
à des héritages fantastiques.
     
Et les oiseaux ne nous saisissent pas
sous la figure de l'esquive ou de la fuite
comme beaucoup d'autre bêtes,
comme tant de créatures d'une nature qui aime à se cacher...
     
Ils nous saisissent dans une véritable intimité sonore :
on tend l'oreille, et le chant précède l'oiseau en général.
Et nous recevons cette intimité comme un bienfait,
parce que à ce monde que leur liberté ouvre au-devant de nous,
nous avons ou nous avions l'habitude d'associer des valeurs morales :
celles d'une vie-plus-que-vie, d'une joie à l'intensité particulière
d'une qualité d'entraînement ou le chant déclare
en quelque sorte le monde,
sa beauté, sa grandeur,
où la vie se loue elle-même*...
     
     
Extrait de la Conférence « Soirée oiseaux. Attachés à ce qui tombe », 5 août 2020. Marielle Macé fait partie de ceux qui, pendant le confinement, ont été attentifs à ces chants d’oiseaux que l’on redécouvrait, au milieu des silences de la ville – Cycle de rencontres « Lire, lier » qui s’est déroulé du 4 au 14 août 2020 | https://www.youtube.com/watch?v=UL9j39IR2m8
(*'Éloge des oiseaux' de Giacomo Leopardi, 1824).
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Tout le monde le sait, le sent : on manque d'oxygène, de santé, de paix, on manque de liens vrais, de justice et de joies.
C'est presque devenu notre condition naturelle, la caractéristique d'environnements à peu près partout intoxiqués ; notre condition politique aussi, traversée de violences et de mépris ; notre condition sociale (nos conditions sociales si différentes plutôt) dans un temps de sauvagerie du capital et de brutalités publiques ; notre condition psychique même : l'essoufflement qui découle de nos « si violentes fatigues», la tête dans le guidon, et de ce que cela coûte de s'ajuster à un monde en surchauffe. Un monde où les crises se succèdent, roulent en avalanche sans laisser le temps de reprendre haleine et d'ouvrir franchement la fenêtre aux poumons.
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L’histoire de la modernité est en fait celle de « l’altération continue et à grande échelle des conditions atmosphériques de la vie » (*)
Des villes entières sont nées du déni de leurs milieux naturels et se maintiennent sous perfusion de technologie, de dispositifs de refroidissement, d’artificialisation de l’atmosphère-et de pompage d’eaux lointaines ou de nappes déjà exsangues. Dans beaucoup de régions du globe (ou plutôt avec l’extension d’une forme de vie, l’« American way of life », dont George Bush avait posé qu’il n’était « pas négociable »), il est difficile d’échapper à la climatisation, qui rend malade et fait monter encore plus le thermomètre dans les rues.
(Ici, à Rome, le vent s’est évaporé : le léger vent d’ouest qui venait de la mer et savait rafraîchir la ville, a faibli dans les années 1970 puis tout à fait disparu avec l’urbanisation des périphéries ; la massification urbaine a brisé la brise, étouffé le « ponentino » qu’on attendait auparavant, le soir, sur les terrasses et dans les rues, et qui n’arrive plus en ville, perdu dans les hauteurs ; désormais il s’élève trop vite, sous la pression des masses de chaleur, et tournoie au-dessus de la capitale sans parvenir à briser le dôme cuisant qui la coiffe. « Il s’évertue jusqu’au soir à ébrécher la coupole d’ozone, sans pouvoir atteindre la ville en contrebas. Efforts vains, infinis, inlassables : invisible combat. » (**) Rome a perdu ce fil qui la reliait à la mer et à ses fraîcheurs savantes, délicates. Et comme elle a aussi rompu ses liens au fleuve, et que le Tibre s’est noyé dans le flux urbain, la voilà coupée de toutes rives, tournant le dos au large.)

P. 20
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Des volontés d'agir sur les conditions climatiques, et face à elles des luttes contre l’irrespirable, il y en a en fait depuis longtemps. La prise de conscience n’a cessé d’accompagner la marche à la modernisation… et d’être par elle mise de côté, dans une production volontaire d’ignorance. En sorte que la pollution de l’air, à grande échelle, a presque constitué un choix de civilisation : le choix d’une atmosphère contre une autre – contre une qu’on aurait pu avoir et qu’on voudrait désormais retrouver, rappeler à soi.
Certains soulignent que le capitalisme ne « subit » pas de crise climatique mais l’organise, la monnaye et en jouit. Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences et du climat, parle de la montée d’un « carbo-fascisme » pour décrire l’éloge cynique des énergies fossiles auquel se livrent régulièrement les mouvements populistes, avec les valeurs, virilistes, qu’ils drainent (on dit, par exemple, que Vladimir Poutine misait sur le réchauffement planétaire pour ouvrir la voie du passage du Nord-Est à ses bateaux gaziers).

P. 18
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OR VOICI QUE LES OISEAUX TOMBENT
Endeuillement, recueillement – extrait
   
Il nous faut aujourd'hui apprendre à faire avec, vivre avec, des deuils aux dimensions inédites : l'abandon de milliers de corps à leur sort, à leur errance ou à leur échouage sur nos rives ; les destructions actuelles ou anticipées des centaines d'espèces vivantes, de milliers de forêts et de territoires, mais aussi d'un grand nombre de langues, et de cultures et de formes de vie...
Vivre dans ce monde abîmé, à l'ère des disparitions multiples, ce sera sans doute faire quelque chose de ces disparitions : nous rapporter un peu mieux à ces pertes, les laisser nous prendre, nous saisir, nous affecter, nous « faire quelque chose » comme on dit, et nous faire si possible quelque chose de bien.
   
C'est cet état endeuillé et les gestes qu'il appelle que pensent aujourd'hui les Extinction studies, ces savoirs rassemblés autour de la notion d'extinction, « comme se rassemblaient jadis autour du feu les créatures conscientes de leur vulnérabilité ». La perte y est posée « comme une réalité polymorphe mais aussi comme la tonalité et l'expérience propres à notre temps ». ...
Savoir, aujourd'hui, c'est souvent savoir ce qu'on a perdu, qui on a perdu. Mais c'est aussi vivre avec cette perte, penser par le deuil et depuis la disparition : « Les Extinction studies pourraient bien travailler à exaucer le voeu secret de l'anthropologie, reformulé par la Théorie critique : se constituer en discipline ouvertement mélancolique, capable, dans son attention à la perte, de déjouer les mécanismes de la domination et de repenser les conditions de la vie commune* ». ...
   
Donna Haraway écrit après Thom van Dooren ou Deborah Bird Rose qu'il nous revient de « pleurer avec »** pour à la fois penser et vivre, c'est à dire pour mesurer nos conditions réelles de vie et de mort, savoir de qui nous dépendons, qui dépend effectivement de nous, nous rappeler et dire à force de mélancolie ce à quoi l'on tient et qui nous tient. Ça peut faire ricaner ce lexique, cette place faite au chagrin, quand on les voit comme une communion sensible un peu régressive, sans force d'accusation contre le destructeur en chef, le capitalisme financier. Reste sans doute qu'on ne défend que ce à quoi on s'est d'abord attaché.
   
pp. 172-173 / * Romain Noël, « Une science mélancolique », Critique, Vol. 860-861, 2019 / ** cité dans son article.
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Marielle Macé
Exiger la considération (jusque dans l’émotion de pitié d’ailleurs), c’est demander que l’on scrute les états de réalité et les idées qu’ils énoncent, c’est demander à la fois qu’on dise les choses avec justesse et qu’on les traite avec justice, en les maintenant avant tout dans leurs droits. Oui, exiger la considération, comme tâche politique et juridique, parce que seuls ceux dont les vies «ne sont pas ʺconsidéréesʺ comme sujettes au deuil, et donc douées de valeur, sont chargées de porter le fardeau de la famine, du sous-emploi, de l’incapacitation légale et de l’exposition différentielle à la violence et à la mort» (Judith Butler, Ce qui fait une vie)
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Le lecteur oscille sans cesse entre la place qui lui est assignée par un dispositif syntaxique, qui lui fait sentir ce dont il est question, et la conduite de réappropriation par laquelle il regarde ce dispositif comme une "capacité" mise à sa disposition. Oscillation merveilleuse : promesse de vie poétique. Comme s'il fallait en effet se reconnaître, mais se reconnaître "juste à côté" : prolonger le texte, avec le sentiment d'avoir été précédé par lui, mais le prolonger dans ce que Proust appelle "une direction divergente de lui-même", c'est-à-dire l'altérer. (p. 227)

Se donner des modèles.
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Le « soudain » est sans doute le rythme temporel de l’oiseau, le rythme de son surgissement. Soudain l’oiseau, c’est la forme de sa venue, le rythme qu’il met dans le monde, sa façon de paraître et de créer une trouée.

...
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La lecture silencieuse qui est désormais la nôtre n'est pourtant pas sans voix ni sans mouvements ; c'est une lecture pensive, qui déclenche en réponse la parole intérieure du lecteur. "Ne vous est-il jamais arrivé, lisant un livre, de vous arrêter sans cesse dans votre lecture, non par désintérêt, mais au contraire par afflux d'idées, d'excitations, d'associations ? En un mot, ne vous est-il pas arrivé de lire en levant la tête ?", demandait Barthes. (p. 40)

Infléchir ses perceptions.
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ÉMERVEILLEMENTS, ATTACHEMENTS
La vocation écologique du poème – extrait
   
... l'oiseau au coeur de ce qu'il faut reconnaître, sans hésiter, comme une vocation écologique de la poésie, un contrat écologique même : ce chant d'amour où le poète et l'oiseau se rapportent l'un à l'autre naît dans un paysage, c'est à dire dans un plus vaste écosystème de vies et de paroles, où le poème est fait pour célébrer le retour de la sève, la floraison, les feuilles, les fruits, tout ce renouveau, l'expressivité végétale qui s'appellera, chez les trouvères du Nord, la « reverdie » (« Verdir, chanter », selon la formule ramassée de Raymond Queneau dans sa Petite cosmogonie portative).
C'est en effet le paysage entier, le milieu vivant tout entier, reverdissant, refleurissant, renaissant, qui enseigne le chant, le fait pousser, le nécessite :
   
« Pro ai del chan enssenhadors. entorn mi et ensenhairitz. praz e vergiers albres e flors. voutas d'auzelhs e lays e critz. per lo douz termini suau »
« Autour de moi j'ai d'excellents maîtres et maîtresses de chant : les prés et les vergers, les arbres et fleurs les mélodies d'oiseaux leur lais leurs cris, par la douce saison nouvelle »*
   
* Traduit et cité par Jacques Roubaud, La Fleur inverse. L'Art des troubadours, Paris, Les Belles Lettres, 2009, p. 146.
   
pp. 45-46
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