S'il est un sujet propre à intéresser les hommes Je notre pays et de notre temps, c'est incontestablement l'histoire des idées et des faits qui se sont produits en France durant ces quatre-vingts dernières années. Les choses nous frappent, en effet, d'autant plus qu'elles nous touchent de plus près; outre leur importance absolue qui tient à leur grandeur, elles ont une importance relative qui vient de leur proximité : comme l'ordre physique, l'ordre moral a sa perspective.
Cette étude peut paraître et a quelquefois paru étrangère à l'histoire de la philosophie nettement circonscrite et délimitée. Ni M. Ravaisson ni M. Renouvier ne s'en occupent dans les tableaux inégalement développés qu'ils ont tracés de la philosophie de notre époque. L'auteur des Philosophes français au dix-neuvième siècle , M. Taine, ne s'en occupe pas davantage. Pourquoi, lui demandions nous, il y a déjà bien des aimées, vous êtes-vous borné à étudier, dans votre ouvrage, Royer-Gollard, Cousin, Jouffroy et les autres philosophes rationalistes, et avez-vous omis de Maistre, de Bonalcl, Lamennaisj en un mot, les philosophes traditionalistes ? — C'est, nous répondit-il, parce que ce ne sont pas des philosophes.
Nous ouvrons l'histoire de l'école spiritualiste par une étude rapide sur Mme de Staël, parce que son nom exprime à merveille ce mélange d'aspirations vers l'avenir et de sympathies pour le passé qui caractérise l'école dont il s'agit. Cependant, il faut convenir que cette femme célèbre avait une intelligence primesautière plutôt que méthodique, et qu'on trouve dans ses ouvrages des intuitions heureuses plutôt qu'un véritable système.