Marion Laurent (II)

Chapitre 3 :
Camille
«… Je maudis une fois de plus mon réveil qui n’a pas sonné.
– D’autant plus que j’aurais bien voulu vérifier l’adage de Zézette dans Le Père Noël est une ordure. Félix, il a un gros kiki, ajouté-je en zozotant pour imiter le personnage de Marie-Anne Chazel.
Capucine éclate de rire.
– Je suis sûre que c’est le cas, s’exclame mon amie. Un mec comme ça ne peut en avoir qu’une grosse. Sinon, bonjour la déception ! Imagine un peu la scène, il te ramène chez lui, commence à se déshabiller et là… merde, elle est passée où ? Il faut une pince à cornichons pour l’attraper ?
Je ne peux retenir mon fou rire et les larmes qui inondent mes yeux.
– Non, c’est impossible. Un sex-symbol avec un micro-pénis, ce n’est pas envisageable ! reprend Capucine. Mon fantasme de
l’enfourcher en lui criant de me la mettre bien profond serait anéanti s’il pouvait à peine la tenir entre ses doigts.
– Oh, mon Dieu, dis-je en pleurant de rire. Je te remercie pour l’image.
Je prie le ciel pour ne pas le croiser aujourd’hui. Le « ding » de l’ascenseur m’avertit que je suis arrivée au troisième étage.
– Il faut que je raccroche, j’arrive au boulot. Je te rappelle plus tard. Bisous ma Boulette.
– Bisous Saucisse.
Je range mon téléphone dans mon sac au moment où je sors de l’ascenseur. Je fais quelques pas dans le couloir quand j’aperçois Penny devant son bureau, habillée d’un tailleur crème, le dos droit et le regard braqué vers moi. Mon estomac se retourne comme une chaussette.
Je vais prendre cher !
– Je suis désolée pour le retard, annoncé-je avant même de la saluer. Ça ne se reproduira pas.
– Nous verrons cela une prochaine fois, me dit-elle froidement et à voix basse sans me regarder.
– Je ne suis pas à l’heure non plus, dit une voix grave derrière moi.
Je sursaute et mon cœur manque un battement. Je reconnais sa voix aussitôt, car je regarde le film qui lui a valu sa nomination en boucle depuis deux semaines. Je pivote lentement sur moi-même et me retrouve face à l’homme de l’ascenseur ... »

Chapitre 4 :
Jake
«… Je me décale ensuite vers la dernière recrue, la seule fille de mon escadron.
– Déclinez votre…
Non, c’est impossible.
Mon cœur se serre quand je la reconnais. Je ne peux pas croire que ce soit elle. Elle était encore une enfant la dernière fois que je l’ai vue. Mon Dieu, comment est-ce possible ? Que fait-elle ici ? J’ai l’impression d’être rattrapé par un passé que j’ai tout fait pour laisser derrière moi. Une douleur déchire mes entrailles. Je ne pensais jamais la revoir un jour. Un long et poignant frisson me parcourt l’échine, me retournant l’estomac sur son passage.
– … identité.
Un voile traverse les deux billes transparentes qui me fixent et mon souffle s’accélère.
Je ne peux pas le croire…
– Soldat Wilson, me dit-elle sans sourciller.
C’est impossible que ce soit elle et pourtant… Je déglutis avec peine. Mon Dieu qu’elle a changé. Que fait-elle là ? Pourquoi ? Une salve de souvenirs remontent à la surface mais je fais tout pour les repousser le plus loin possible. Je tente de me reprendre rapidement.
– Soldat Wilson, pourquoi êtes-vous là ?
Ma voix vient de me trahir. Je n’ai pas pu adopter celle que j’utilise quand je suis sergent. Sans le vouloir, j’ai repris ma voix de Jake, celle qu’elle connaît si bien.
– Pour honorer mon pays… sergent, me répond-elle avec froideur.
Son regard est dur comme de l’acier et la haine qu’il dégage me percute de plein fouet. J’aimerais la prendre dans mes bras et la serrer contre moi. J’aimerais lui dire à quel point je suis désolé, lui expliquer, mais c’est impossible. Je me contente de la dévisager encore quelques secondes avant de retourner au centre de la place, face à mon nouvel escadron. Je n’arrive pas à croire que je vais être en charge de son entraînement pour devenir soldat, que je vais devoir la former pour les trois prochains mois. ...»

Chapitre 4 :
Félix
«… Ses joues rougissent et je m’amuse de la situation. J’adore faire semblant d’écouter de la musique pour en fait entendre les conversations des autres. C’est mon côté voyeuriste qui ressort.
Sa boss fait des va-et-vient entre nous sans comprendre de quoi je parle, mais je sais que Camille a saisi. Un voile trouble ses yeux couleur noisette. Je l’ai mise mal à l’aise et au lieu de m’en sentir gêné, je souris outrageusement. Elle est mignonne avec ses cheveux qui semblent voler tout autour de sa tête, son manteau tout droit sorti de Laponie et… qu’est-ce que c’est ? Un soutien-gorge dans la poche ? J’étouffe un petit rire. Elle me plaît … »

De nombreux cauchemars sont venus animer mon esprit. Entre feu, torture, cris et pleurs, je me suis réveillée ce matin en sueur. Il m’a fallu un petit moment avant de pouvoir reprendre mes esprits et de comprendre où j’étais. Cependant, je ne suis toujours pas sûre de savoir ce que je fais ici. Comment cette « école » pourrait me faire oublier ce que j’ai fait ? Comment quelqu’un ici pourrait me faire accepter d’avoir ôté la vie ? Je regarde cette femme qui semble implacable et je me sens comme une petite fille qui aurait fait une grosse bêtise.

Sa phrase me glace le sang et me brise le coeur. Je serre les dents. Elle sait parfaitement où frapper pour me faire mal. C'est injustifié et la douleru qui inonde mon coeur me fait rugir.

Quand une situation lui échappe, il fuit et aujourd'hui ne fait pas exception à la règle. Jake est un lâche dis je en serrant les dents.

Avant de devoir t'appeler à nouveau sergent Hogan et de te devoir le respect, je tenais à te dire une chose, Jake. Va te faire foutre !

Vos différences sont votre force. Votre mixité en tant que communauté, fait de chacun d’entre vous une personne plus forte. Votre diversité est essentielle pour notre engagement envers l’excellence. Les connaissances, les valeurs, les traditions, les croyances et les connexions que vous allez acquérir ici, vont façonner votre vie future. Vous allez changer, vous transformer en adulte et nous sommes fiers et heureux d’être présents aujourd’hui, pour ce nouveau départ. Bienvenue à vous, élèves de cette promotion 2016.
Sous les applaudissements, il passe ensuite la parole à certains grands professeurs, d’histoire, de sciences et d’art. Une heure plus tard tous les premières années s’installent sur les marches de Widener Library pour la traditionnelle photo. Nous sommes un peu plus de 1600 étudiants à se serrer les uns contre les autres pour coucher sur papier glacé ce souvenir du début du reste de notre vie.

Chapitre 3 :
Emma
«… Je déglutis et ferme les yeux une demi-seconde.
Oui, Daddy Chou, tu seras fier de moi, je te le promets.
Je souris en repensant au surnom ridicule dont je l’avais affublé. Il le trouvait adorable.
Je regarde droit devant, toujours immobile, sans jeter un seul regard vers le sous-officier qui s’avance vers nous.
– Repos.
Mon corps se relâche et ma jambe gauche se détend et se décale légèrement. Je croise mes mains derrière le dos et garde la tête droite et le regard fixe.
– Bonjour à tous et bienvenue à Fort Benning. Je me présente, annonce une voix grave. Je suis le sergent Hogan et je serai votre instructeur pour les dix prochaines semaines.
Un frisson me traverse. J’ai connu un garçon qui s’appelait Hogan il y a longtemps. De douloureux souvenirs refont surface. C’était il y a de nombreuses années. À l’époque, nous étions heureux. À l’époque, papa était encore vivant. ...»

Chapitre 2 :
«… Ces yeux…
Cette bouche… Ces mains…
Bon sang, Laura ! Ressaisis-toi !
— Vous semblez un peu perdue. Je pourrais vous servir de guide si vous le souhaitez, me propose-t-il.
Oups…
— C’est gentil merci…
Peut-être un peu trop pour être honnête ?
— Mais je ne voudrais pas que vous passiez vos vacances à jouer au guide touristique pour quelqu’un que vous ne connaissez même pas. Non vraiment, je ne peux pas accepter.
C’est surtout que je ne peux pas imaginer une seule seconde, passer une journée entière avec cet homme séduisant sans lui sauter dessus. Après six mois d’abstinence, mes sens viennent de se réveiller brusquement et ont visiblement décidé de ne pas se rendormir avant d’être pleinement satisfaits.…»