Europe after the European Age: historical reflections Speaker: Professor Mark Mazower
This event was recorded on 20 January 2010 in Hong Kong Theatre, Clement House
Vivant dans une société sur laquelle les philosophies racistes n'avaient pas beaucoup d'influence, les gens trouvaient le comportement inhumain des Allemands profondément révoltant. Un rescapé d'Auschwitz, Errikos Sevillias [...] écrivait ceci après son retour des camps : "Une aventure inexplicable et inattendue m'est tombée sur la tête. J'ai été saisi comme par un cyclone... qui m'aurait soulevé puis jeté par terre, puis soulevé encore et jeté à nouveau par terre." Les Grecs orthodoxes partageaient cette incompréhension. Selon la formule du romancier Georges Ioannou, chroniqueur du désastre de Salonique, "les Allemands ont soudain introduit dans ce qui apparaît aujourd'hui comme l'atmosphère idyllique de notre insouciante, poussiéreuse culture balkanique, les abîmes des passions moyenâgeuses, les idioties de l'Europe gothique." (p. 400)
Les spécialistes qui considèrent que la machine de guerre du troisième Reich était minée par les rivalités bureaucratiques, l'anarchie et les querelles intestines ne comprennent pas dans quelle mesure les différents services allemands réussissaient à travailler ensemble sur des questions idéologiques importantes. Alors que les Italiens et les Grecs s'indignaient des mesures discriminatoires prises par les nazis contre les Juifs et parfois essayaient même de s'y opposer, les SS, la Wehrmacht et le ministère des Affaires étrangères semblent - à quelques notables exceptions près - avoir partagé des conceptions très similaires et avoir travaillé côte à côte avec une efficacité à glacer le sang. (p. 369)
Car, si les fiers et faméliques rebelles de l'ELAS étaient des radicaux quant à leurs revendications sociales, sur le plan politique, ils n'en étaient pas moins démocrates. Leur décision de prendre les armes était le résultat de tout ce qu'il y a d'admirable dans l'esprit des Grecs - patriotisme ardent, refus de tout calcul quand il est question d'honneur, acceptation stoïque d'indicibles souffrances et détermination d'agir en commun même s'il n'y a pratiquement aucune chance de réussir.