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Critiques de Marlon James (57)
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Léopard noir, loup rouge

Comme une blague, Marlon James s’était amusé à présenter son roman comme un « Games of thrones africain », surpris ensuite de voir son expression reprise par les journalistes. Oui, Léopard noir, loup rouge s’inscrit bien dans le genre fantasy, oui il y a bien en arrière-plan des querelles dynastiques entre prétendants au royaume, mais la comparaison s’arrête vraiment là. Ce premier tome d’une trilogie annoncée ( Black star ) est l’œuvre d’un lecteur vorace qui a digéré tant son Tolkien que les contes folkloriques africains et les légendes de ce continent, mais aussi celle d’un brillant inventeur qui ne contente pas de recycler mais forge un récit détonnant aussi singulier que puissamment dopé à l’adrénaline et la testostérone.



On ne vas se mentir, j’ai mis à peu près deux cents pages avant d’arriver à saisir le fil du récit raconté à la première personne par Pisteur, mercenaire doté d’un odorat phénoménal qui lui permet de retrouver à des kilomètres à la ronde la trace d’une personne. Lorsqu’on fait sa connaissance, il est soumis à la question par un Inquisiteur qui veut lui arracher des confessions sur une précédente mission. Nous sommes dans une Afrique antique et païenne, pré-islamique, pré-colonisation. La complexité de la trame narrative est vertigineuse ; sans compromis, elle évite toute propulsion facile, gorgée de milles digressions, de milles contes secondaires initiées par l’arrivée d’un des très nombreux personnages rencontrés par Pisteur, sans aucune délimitation discernable par rapport à l’intrigue principale. J’ai mis longtemps à l’identifier, et pourtant c’est la boussole de fer au centre des six cents pages : la quête d’un mystérieux enfant disparu depuis des années, Pisteur et d’autres mercenaires ayant été payé par un esclavagiste pour le retrouver, ce ne sont pas les seuls …



Tour de force, cette épopée fantasy picaresque compose un univers cohérent, à la fois totalement imaginaire et pourtant réaliste, des cités ( incroyable Dolingo ) et des royaumes dans lesquelles évoluent des protagonistes en perpétuel déplacement. Pour retrouver l’enfant, Pisteur est entouré d’une bande hétéroclite de super héros dotés de pouvoirs : Sogolon la sorcière de la Lune, Léopard un métamorphe mi léopard mi humain ( personnage le plus « sexy » et le plus drôle de la bande ), Sadogo le géant ou encore une Bunshi une déesse de la rivière. Autour d’eux cela grouille de créatures toutes plus dangereuses les unes que les autres : Ipundulu, l’oiseau-foudre, une créature vampirique ; les frères cannibales Asanbosam et Sasanbonsam, un mangeur de chair humaine et un suceur de sang ; les Omoluzu qui apparaissent sur les plafond attirés par le sang de ceux qu’ils vont pourchasser sans fin pour les dévorer ; ou encore les Savants blancs, effrayants nécromanciens.



Evidemment, avec de telles rencontres, le danger est permanent, l’ultra violence éclate dans chaque page, cruelle, gore, horrifique, confinant dans de nombreuses scènes de viols, tortures, combats. La sexualité est également omniprésente dans ce monde de passions et d’appétits bestiaux : il y a beaucoup d’orifices, de fluides corporels et d’organes génitaux en érection. Cependant, même si on sent une certaine jubilation de l’auteur à décrire les scènes les plus brutales, la violence n’est jamais totalement gratuite car chaque acte violent à des conséquences qui propulse l’intrigue, résonnant en de longs échos.



Dans ce chaos infernal, les plus effrayants ne sont pas les monstres qui assument, eux, leur agressivité sanguinaire, et avancent, eux à visage découvert. Ce sont les personnages humains qui portent tous des masques, cherchant à dissimuler leurs intentions, à tromper, tricher, corrompre, trahir dans un récurrent jeu de rideaux. En fait, derrière la violence dantesque, la fantasy épée et sorcellerie bien brutale, la grivoiserie rabelaisienne de certaines situations, ce roman kaléidoscopique est une œuvre queer explorant la nature changeante de l’identité. Presque tous les personnages, à commencer par Pisteur, ont une sexualité fluide ou ouvertement homosexuelle, à l’image de la cérémonie initiatique ku qu’il raconte : les êtres humains naissant avec deux identités, male et femelle, il convient de trancher pour devenir homme ou femme, ce qui n’empêche l’individu de se questionner sur la part occultée qui subsiste en lui et peut ressortir à tout moment. « Nique les dieux » scande en permanence Pisteur pour rappeler son affranchissement à tout déterminisme, divin ou pas.



Bref, tout est surprenant dans ce livre-monde qui rebat les cartes du genre fantasy avec force et brio. Pour ma part, je suis encore en mode digestion de ces plus de 600 pages folles, encore grisée par cette expérience littéraire hors-norme qui demande un engagement ferme du lecteur, aussi bien exténuée par la densité des excès formels et romanesques de l’œuvre que revigorée par son électrisante énergie.

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Léopard noir, loup rouge

Foisonnant, sensoriel, sensuel, horrifique, poétique, magique, envoutant, protéiforme, kaléidoscopique…tant d'adjectifs me viennent immédiatement à l'esprit pour qualifier ce livre que j'ai tour à tour détesté et adoré…Dans tous les cas hors norme, ce livre de Marlon James, auteur jamaïcain connu pour son roman "Brève histoire de sept meurtres" qui a remporté le Man Booker Prize en 2015.

Des semaines de lecture à petites doses pour le déguster comme il se doit, me demandant par moment ce que je faisais là, m'extasiant à d'autres moments, écoeurée parfois tant par les images, très dures, que par les odeurs, très fortes, souvent éblouie par la beauté des paysages et la philosophie universelle qui émerge de cette histoire…



En fait ce livre m'a fait l'effet d'une immersion brutale et sans crier gare dans la brousse africaine. Une chaleur humide m'a immédiatement fait transpirer tout au long de cette errance jusqu'à l'hébétude, voire le malaise. Des fleurs blanches s'ouvraient à mon arrivée, et se fermaient aussitôt que je me penchais pour mieux les observer, tentant de déchiffrer leur message, tout étant tellement ésotérique dans ce voyage, rien ne se livrant facilement, envoutée néanmoins par leur fort parfum musqué. Certaines lianes pendaient, d'autres remontaient s'enrouler dans les arbres, d'autres encore m'effleuraient pour mieux m'attirer dans leurs entrelacs desquels j'avais du mal à m'extirper. Il faisait sombre, les feuilles cachant la plus grande partie du ciel. Des sons se répercutaient et surtout des odeurs, mille odeurs inconnues et exotiques, m'assaillaient de toute part. J'ai croisé des mingis, ces enfants différents, déformés, albinos ou sans peau, présages de malheur, menacés de massacre pour en revendre les différents membres ; j'ai vu des êtres terrifiants et sanguinaires, les Omoluzu, qui apparaissent au plafond pour mieux se jeter sur leur victimes, assistant ainsi à des spectacles d'une cruauté innommable. J'ai été témoin de la transformation d'un homme en animal et vice versa, l'ami du héros étant un métamorphe, personnage aussi viril que drôle, j'ai fait la connaissance d'une fille fumée, d'une déesse de la rivière, d'une femme-foudre mise en cage, d'un géant (un Ogo), de la Sorcière de la Lune vieille de plus de trois cent ans.…tout s'emmêle dans ma tête quant aux étapes du voyage, quant aux richesses rencontrées, c'est confus et foisonnant, ça pétille de vie et de mort, mais j'ai su dès le départ qu'elle était clairement la ligne directrice de cette épopée : la recherche d'un enfant.



« J'ai porté le tissu à mon nez – une année de soleil, de nuit, de tonnerre et de pluie, des centaines de journées de marche, des douzaines de collines, de vallées, de sables, de mers, de maisons, de villes, de plaines. Une odeur si forte qu'elle est devenue un soupir, un son, une caresse. Je pouvais avancer la main et toucher le garçon, le saisir par l'esprit et vaciller sous le coup de sa distance, tant il était loin. Trop loin, et ma tête se hâtait, sautait et coulait sous la mer puis volait de plus en plus haut, plus haut, et sentait un air sans fumée. Une odeur qui me poussait, me tirait, me traînait au travers de jungles et de tunnels, me faisait dépasser des oiseaux, de la chair déchirée, des insectes mangeurs d'hommes, de la merde, de la pisse et du sang. le sang a afflué en moi. Tant de sang que mes yeux sont devenus rouges, puis noirs ».



« Léopard noir, loup rouge » est un roman de fantasy historique et de réalisme magique qui se déroule dans un univers imaginaire inspiré de l'Afrique précoloniale et préislamique, une Afrique païenne. Il suit les aventures de Pisteur, un chasseur engagé pour retrouver un enfant disparu dans une contrée peuplée de créatures surnaturelles et de magie. En effet Pisteur est doté d'un odorat d'une puissance inégalée lui permettant de retrouver à des kilomètres à la ronde la trace d'une personne. Vous l'aurez compris, le roman est rempli de références à la mythologie, à la culture, aux rites et à l'histoire de l'Afrique, mais il est également un roman d'aventure et de quête personnelle pour le personnage principal. Et cerise sur le gâteau, le livre ne manque pas d'humour. Il est narré par Pisteur lui-même qui raconte alors qu'il est fait prisonnier, soumis à la question par un grand inquisiteur.



Bi oju ri enu a pamo : « L'enfant est mort. C'est tout ce qu'il reste à savoir »

Voilà ses premiers mots.



Tous ces ingrédients sont terriblement attirants, certes, mais que ce livre est complexe dans sa flamboyance ! j'avais le tournis au milieu de toutes ces digressions, toutes ces histoires racontées parallèlement à l'histoire centrale à laquelle je m'accrochais comme je pouvais, celle de la recherche d'un mystérieux enfant par plusieurs personnes dont Pisteur, toutes ces personnes ayant été payées par un esclavagiste pour le retrouver…Comme si au milieu de la brousse dans laquelle j'errais, cette recherche de l'enfant était le chemin à suivre et que très souvent je me perdais sur des pistes secondaires, rendant le récit éminemment épique et picaresque, c'est vrai, mais confus aussi. Sans savoir parfois si vraiment le chemin de l'enfant était le chemin à suivre, ne sachant plus ce que je cherchais, tournant sur moi-même, pour retrouver enfin la piste, plus large, de celle menant à l'enfant.



Étonnée, parfois dérangée, aussi par la permanence de la sexualité, notamment de l'homosexualité, soulignée sans cesse, tout au long de ces presque 700 pages. Beaucoup de sexes, de sexes en érection, de fluides, de sueur, de sperme, de sang, d'instincts primaires, de bestialité. Mais en même temps une sexualité libre, ouverte, où les genres se mélangent et se confondent, Pisteur étant à la fois homme et femme n'ayant pas pu participer à la cérémonie ku de la virilité. Ceci étant,la sexualité pose toujours question, les êtres humains s'étant fait retirer leur part féminine (circoncision) ou masculine (excision) ne cessent ensuite d'être hantée par leur part coupée, perdue…Enfin, j'ai eu parfois l'impression d'un énorme chaudron dans lequel Marlon James avait pris un malin plaisir de déverser tout ce qu'il pouvait dedans, toutes les mythologies, tous les rites, toutes les bêtes imaginaires, donnant un brouet certes délicieux à petites doses, quelque peu indigeste dès qu'on le déguste plus longtemps. Impossible pour moi de lire plus de 30/40 pages d'affilé.



Si je suis contente d'avoir découvert ce livre de réalisme magique africain, ce premier tome de la Dark Star Trilogy sera pour moi la seule expérience tant j'ai peiné à lire ce livre en entier alors que j'aurais tant aimé être davantage emportée. Un amour-haine que j'ai du mal sans doute à expliquer, une note de 2,5 qui ne veut pas dire grand-chose mais qui traduit sans doute cette ambivalence…il faut sans conteste se faire sa propre expérience pour savoir ce qu'il en sera pour vous, la rencontre est dans tous les cas, avec un tel livre, unique et singulière. J'en suis certaine, jamais vous n'avez lu un tel livre. Je remercie chaleureusement Marie-Laure (@Kirzy) pour cette lecture, si je suis moins enthousiaste qu'elle (je vous invite à découvrir sa somptueuse critique), je suis consciente d'avoir découvert un livre qui fera parler de lui, c'est certain ! Des personnes ici, comme Just a Word, parlent même d'une saga monumentale et unique d'une fantasy qui fera date. Un livre à expérimenter !

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Léopard noir, loup rouge

Comment révolutionner la fantasy ?

Peut-on désormais faire autre chose que du Game of Thrones-like après le succès monumentale de la saga de George R.R. Martin ?

Genre balisé où les plus gros succès ne sont souvent que des décalques des schémas habituels, la fantasy semble sur le déclin depuis quelques années.

C'est dans ce contexte qu'un auteur jamaïquain ambitieux décide d'écrire un Games of Thrones africain… une plaisanterie qui va pourtant l'amener à écrire une trilogie fantasy dont le premier volume, Black Leopard, Red Wolf, subjugue la critique américaine.



Marlon James : écrivain et griot des temps passés

Cet écrivain, c'est Marlon James, auteur de trois autres romans jusque là dont le très remarqué Brève histoire de sept meurtres, un pavé de 856 pages articulé autour de la tentative d'assassinat de Bob Marley et ses conséquences. Récompensé par le Man Booker Prize en 2015 et listé par le Time comme l'une des 100 personnes les plus influentes de l'année en 2019, Marlon James décide d'écrire une trilogie de fantasy qu'il décrit d'abord en plaisantant comme un « Games of Thrones africain » (chose qui sera souvent prise au premier degré par les critiques et journalistes par la suite) avant de le présenter comme un projet à la Tolkien, créant un monde imaginaire entier mais à partir du continent africain cette fois et, plus spécifiquement, de l'Afrique sub-saharienne. Mixant des influences venues d'Afrique de L'Ouest (Mali, Ghana…) et d'Afrique Centrale, Marlon James brasse mythes et légendes pour raconter une histoire protéiforme et brutale dans laquelle les hommes vivent et meurent pour l'honneur et les traditions.

Ainsi né Black Leopard, Red Wolf, premier volume de la Dark Star Trilogy, première pierre d'une saga monumentale et unique d'une fantasy qui fera date.



Bi oju ri enu a pamo*

« L'enfant est mort. C'est tout ce qu'il reste à savoir »

Voilà les premiers mots prononcés par Traqueur, narrateur de ce Black Leopard, Red Wolf et prisonnier soumis à la question par un grand inquisiteur. Captif, l'homme rechigne d'abord à livrer son histoire et préfère nous en livrer trois autres à la place : l'une dans laquelle il traque une femme qui a fuit son mari violent pour la rapporter vivante audit mari non sans lui donner les armes pour se défendre, une autre où il raconte son face-à-face avec son père qu'il laisse pour mort ou à peine vivant avant d'abandonner sa mère pour partir à la recherche du village de ses ancêtres, et une dernière où il s'aventure dans l'autre monde pour mettre la main sur un Roi réclamé par sa Reine éplorée et pour laquelle Traqueur va affronter les « Roof walkers » , les terribles Omoluzu. Trois histoires, trois fables orales transmises à l'écrit par Traqueur et retranscrites par la plume virtuose de Marlon James.

Un seul chapitre et toute l'essence du roman capturé d'un seul trait.

Un roman violent, brutal, impitoyable, tissé de récits oraux et de fables, hanté par les monstres d'un Afrique ancienne et fascinante, porté par la voix d'un personnage unique, splendide et charismatique en diable.

Car Traqueur n'est pas un homme comme les autres et chaque personne qui croise sa route lui en fera la remarque : Traqueur a du nez. Et quel nez !

Grâce à lui, il peut sentir l'odeur d'une personne ou d'une bête et la trouver à des kilomètres de distance, peu importe le nombre de jours qu'il faut. Traqueur a du nez…mais aussi une bouche ! Élevé par un père violent qu'il rejette brutalement, Traqueur est un gamin trahi, blessé et en quête d'une figure paternelle qu'il croit d'abord trouver dans son village natale en pays Ku, au bord de la rivière. Là-bas, il vit un temps avec son oncle avant de rencontrer le plus étrange des hommes, et pour cause, puisqu'il n'en est pas un lui-même.

Léopard entre dans la vie de Traqueur et le marque immédiatement au fer rouge. Ce change-forme capable de se transformer en léopard lorsqu'il le souhaite, va l'attirer dans une mission de la première importance : sauver des enfants mingis et les mettre à l'abri auprès d'une Sangoma, une anti-sorcière.

Car l'Afrique dans laquelle vit Traqueur n'est pas une Afrique agréable et facile mais un territoire barbare où la superstition et les traditions ont le cuir épais.



La malédiction de l'existence

Dans Black Leopard, Red Wolf, pas une trace de peau blanche ou presque. Ceux qui ont la peau blanche, les enfants albinos, les mingis, sont impitoyablement recherchés. Les plus chanceux seront tués ou abandonnés dans la savane, les autres finiront entre les mains des terribles sorcières qui les dépèceront pour en faire des talismans et des poudres magiques.

L'Afrique de Marlon James ne ressemble en rien aux continents imaginaires de notre fantasy européenne habituelle. le lecteur attentif devinera les indices du monde réel caché de-ci de-là, avec des hommes au Nord qui mangent leur Dieu, une grande inondation qui a lavé le monde de ses péchés, un prophète à l'Est et ses suivants qui vénèrent un seul Dieu et craignent un seul Diable. Cette Afrique vit avant l'Islam et la Chrétienté, bat au rythme des dieux païens et des croyances ancestrales, dirigée par des rois et des reines tous plus fous les uns que les autres. Fous de gloire ou d'honneur, assoiffés de conquêtes ou de vengeances.

Ainsi, voici Traqueur et Léopard qui sauvent des mingis, des enfants maudits, certains déformés, d'autres à la peau sans couleur et d'autres encore sans peau du tout. Est maudit celui dont les dents du hauts percent avant celle du bas comme celui dont les jambes trop longues le font ressembler à une Girafe. Mais est-ce de l'un de ces enfants que Traqueur nous parle dans ses premiers mots ?

Non.

Traqueur affrontera ses premiers démons aux côtés de Léopard dont il tombe éperdument amoureux, prenant acte de son homosexualité et des risques que celle-ci lui font courir dans certains royaumes où l'on coupe le sexe de l'homme qui aime l'homme. Des années plus tard, Léopard reviendra pour lui proposer une nouvelle aventure dans le bush : trouver un enfant pour le compte d'un marchand d'esclaves.

Car cette Afrique est celle, aussi, de l'esclavage et du servage, de l'homme utilisé par l'homme et de la cruauté de la naissance. Même si l'on échappe à la malédiction mingi, on peut encore finir enchaîné dans la caravane d'un riche esclavagiste qui n'hésitera pas à nous castrer si bon lui semble.

Mais ceci, encore, est une autre histoire car celle qui nous intéresse, c'est celle de l'enfant. Et cet enfant cache bien des secrets.



De l'histoire orale au parchemin brûlé

Recruté par l'esclavagiste, Traqueur devient membre d'une Communauté pour mettre la main sur l'enfant. Mais de ce clin d'oeil à Tolkien, Marlon James en fait une compétition acharnée. Les « alliés » de Traqueur sont aussi sûrement des traîtres et des individus qui cachent mille cachotteries et cadavres. Traqueur part avec Léopard et Bunshi, un esprit de la rivière trompeur et rusé, mais aussi avec Sogolon, la sorcière de la Lune vieille de plus de trois cent ans, sans parler de Sadogo, un Ogo, c'est-à-dire un gigantesque guerrier qu'on pourrait facilement confondre avec un géant (mais ne l'appelez jamais ainsi en sa présence). Chacun recèle des secrets et des histoires pleines de morts et de tristesse, de victoires et de rêves de revanches. Très rapidement, la communauté se scinde et chacun cherche le garçon à sa façon. Pour le reste, nous n'en diront pas plus car Traqueur a beaucoup, beaucoup de choses à vous dire.

Black Leopard, Red Wolf est la prodigieuse mise à l'écrit d'un tissage ahurissant de densité de légendes orales, perpétuant et ressuscitant la manière de transmettre l'histoire en Afrique. Marlon James nous offrent des histoires, celle de Traqueur, de Sogolon, de Mossi, de Léopard…et de tant d'autres. Des histoires comme des perles sur un collier, des histoires dont on doute souvent et qui font de Traqueur un narrateur non fiable, car soumis à la question d'un Inquisiteur qui a, lui-même, entendu d'autres versions.

Avec un incroyable sens de l'enchevêtrement, Marlon James imbrique les histoires les unes dans les autres, transformant sa plume en quelque chose d'insaisissable, comme une forme de parole au coin du feu où le chasseur vous raconte les monstres qu'il a croisé dans l'obscurité et la forêt.

Et des monstres, Black Leopard, Red Wolf en regorge.



Vampires et oiseau-tonnerre

Si le roman de Marlon James épate son lecteur, c'est par son background fantasy unique et absolument fabuleux. Dans ce premier volume, vous croiserez les Omoluzu, les « Roof Walkers » qui apparaissent au plafond par la magie du sang et qui traquent sans relâche leurs victimes…pour leur échapper, dormez à la belle étoile !

Mais on croise aussi un mangeur de chair et son frère suceur de sang, un scientifique devenu une monstrueuse araignée, des sorcières des marais et des bultungins (ou hyènes change-formes), un boucher des Dieux capable de contrôler les masses par la pensée ou d'ouvrir la terre sous vos pieds, un impundulu qui boit le sang de ses victimes et les zombifient en le remplaçant par des éclairs, un singe fou et un buffle intelligent, des trolls des marais et un être fait d'insectes et de vers.

On croise tout cela et bien davantage dans Black Leopard, Red Wolf et chaque page, chaque chapitre réserve son lot de choses extraordinaires tirées des rêves et cauchemars d'une Afrique trop longtemps ignorée.

Marlon James n'oublie pourtant jamais le monstre suprême, la bête qui effraie toutes les autres bêtes : l'homme. Car son roman n'est pas fait pour les tendres ou les lecteurs fragiles, il est fait pour ceux qui sont prêts à affronter le réel en face, armé de courage et de beaucoup de ténacité. L'homme est un monstre mais lui seul peut cacher sa figure de monstre derrière un masque de chair en apparence humain. le roman figure une épopée barbare, au sens le plus strict du terme, dans une époque où la loi du plus fort prévaut, à la force de la hache et de l'épée. L'histoire nous emmène dans des lieux extraordinaires comme la cité des tunnels Malangika, ou la cité d'arbres, Dolingo où l'on croit d'abord apercevoir la reine Galadriel avant de découvrir l'horreur derrière la magnificence. Marlon James n'hésite jamais à montrer la brutalité et l'indicible. Meurtre, viol, torture et autres mutilations sont de la partie. Car le monde est une chose dure et l'aventure de Traqueur l'est encore davantage.



Pour trouver qui je suis

Pourtant, au milieu de la barbarie et de la violence des hommes, Marlon James repêche une lueur d'espoir avec ce qui unit bientôt Traqueur et Mossi, un amour qui pourrait être rédempteur, la possibilité d'un homme de devenir un père quand lui-même n'a jamais pu connaître et venger le sien.

Tout du long, Black Leopard, Red Wolf s'interroge sur l'identité, le pouvoir et la tradition. Tout du long, Marlon James façonne un narrateur qui devient émouvant dans les fêlures qu'il refuse de montrer, sous la rage ou sous la peine. Derrière le Traqueur, derrière le combattant et le chasseur, se cache un individu plein de larmes et de remords, qui refuse de faire face à lui-même et tente la rédemption sans même en avoir conscience.

La beauté cruelle de l'entreprise permet de voir en cet homme faillible un être humain à la hauteur du réel. Un homme trahi par ceux qui l'aiment et qui hait parfois les mauvaises personnes. Un homme qui déteste les femmes et qui a peur d'elles dès qu'elles ont du pouvoir. Un homme avec d'immenses défauts dans sa cuirasse et pourtant l'infime espoir nourri d'un baobab et d'enfants qui ne sont pas les siens. La beauté fulgurante de la prose de Marlon James fait le reste, s'interrogeant sur l'identité faite en nuances de gris et non de noir et de blanc, de coupables et de victimes. Black Leopard, Red Wolf n'est pas qu'une aventure fantasy originale et aux mille monstres exotiques, c'est aussi une histoire poignante et émouvante, celle d'un homme forgé par la cruauté alors qu'il ne cherchait qu'à savoir qui il est.



Black Leopard, Red Wolf révolutionne la fantasy.

Livre de tous les superlatifs, sublime résurrection de la mythologie africaine qui pense l'humain et le monstre dans un même élan fait de fables et de chants, le roman de Marlon James est un chef d'oeuvre total, un miracle d'intelligence et de violence dont on ressort abasourdi et haletant. Une merveille qui fera date.



NB :

Le roman sera publié en Octobre 2022 en France dans la collection Terres d'Amérique chez Albin Michel et traduit par Héloïse Esquié… coïncidant ainsi avec la venue en France de Marlon James lui-même !
Lien : https://justaword.fr/black-l..
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Brève histoire de sept meurtres

Une plongée fascinante dans la Jamaïque de Bob Marley avant, pendant et après la tentative d'assassinat du chanteur qui a eu lieu le 3 décembre 1976.



800 pages, près de 70 personnages qui ont chacun leur voix et leur propre regard des événements. Chacun a un rôle à jouer dans cette Jamaïque au bord du chaos. La CIA veut faire pencher les élections de son côté ; deux gangs s'affrontent ; tous les deux manipulés par les hommes politiques du pays ; la drogue s'exporte ; les morts s'accumulent mais, au milieu des décombres, Bob Marley, idole du pays, chante la paix et l'unité.



On lui tire dessus.



Qui a commandité cet assassinat manqué ? Que cela révèle-t-il de son pays ? Et comment s'échappe t-on de cette situation ? Comment retrouver la lumière du jour quand tout un quartier, tout un pays est plongé dans les ténèbres ?



Certains personnages s'en sortiront -peut-être !, pas le lecteur.



C'est violent, brutal, triste, désespérant même, mais c'est aussi d'une incroyable beauté. Il est impossible d'abandonner la lecture du livre, d'abandonner ne serait-ce qu'un seul de ces personnages quasiment tous inspirés de personnes réelles.

C'est que Marlon James se met dans la peau de tous ses personnages, sans jamais les juger, il adopte leurs tons, les rend vivants, parfois attachants, parfois terrifiants. Certains ne font qu'un passage éclair, d'autres s'expriment sur des centaines de pages, tous permettent au lecteur d'avoir un regard unique sur la Jamaïque.



Je ne sais pas s'il est possible d'appréhender totalement la situation complexe d'un pays au bord du gouffre à travers un roman mais ce livre est la tentative la plus réussie que j'ai pu lire à ce jour.





"This ambush in the night

Planned by society

Ambush in the night

They tryin' to conquer me"

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Brève histoire de sept meurtres



Impossible de finir ce pavé de 900 pages qui a été tant louangé lors de la dernière rentrée littéraire..Le portrait que dresse Marlon James d'une Jamaïque corrompue jusqu'à la moelle ne manque pas d'ambition mais le style de l'auteur est vraiment trop déstructuré et manque vraiment de fluidité pour passionner... je suis passé totalement à coté de cette histoire et ces personnages...dommage..
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The Book of Night Women

Lilith est une jeune esclave de 14 ans née dans le domaine de Montpelier, en Jamaïque. Bien que sa peau soit noire, ses yeux d'un vert éclatant vont lui permettre de vivre jusque-là de manière privilégiée sans qu'elle le réalise vraiment. Jusqu'à ce qu'elle soit intégrée à la maison principale, où non seulement elle va apprendre la vérité sur ses origines mais surtout commencer à vivre le même quotidien raciste et déshumanisant que ses pairs...



C'est un livre d'une violence extrême, dans les mots utilisés aussi bien que les actes décrits. Marlon James a réussi le très lourd pari de rendre vivante l'époque monstrueuse de la traite des Noirs et de leur utilisation en tant que nègres-esclaves dans un domaine jamaïcain où les Blancs règnent en maîtres absolus, avec une hiérarchie de couleurs de peaux et un quotidien de labeurs et massacres humains.

L'histoire est racontée dans un créole d'époque hyper cru et brutal, qui honnêtement a eu raison de moi tant la façon constante de se parler entre personnages est impitoyable et sans pincettes. Déjà l'histoire est hard-core (avec le personnage de Lilith assez dédaigneux qui ne comprend pas la chance qu'elle a et s'adresse à ses aînés comme si c'étaient des chiens, et la succession d'évènements absolument cruels où les meurtres, viols et tutti quanti gratuits de Noirs s'enchaînent au gré de rigolades blanches indifférentes et où la maltraitance atteint des niveaux absolus), alors quand on rajoute un vocabulaire intense et agressif avec des "bitch" à toutes les sauces, au bout d'un moment ça devient clairement insupportable.

Et c'est dommage, parce que cet ouvrage est clairement une référence, même si c'est une fiction, en matière de faits historiques.

Ce qui est terrible aussi, c'est que l'horreur est continue, puisque les personnages, qui cherchent à se révolter, perdent tous la bataille dans une mort affreuse et bien sûr injuste. Le livre se termine sur une note aussi démoralisante qu'au début... Franchement, c'était juste trop.

Pour ceux qui ont le coeur bien accroché et savent dans quoi ils se lancent, ils ne seront pas déçus car tout y est pour rendre le quotidien des Noirs esclavagés au début du 18ème siècle aussi juste que possible.
Lien : http://livriotheque.free.fr/..
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Léopard noir, loup rouge

J'ai mis une semaine pour le lire tellement qu'il est unique en son genre. Je ne peux pas dire que j'ai adoré, ni que j'ai détesté. C'est incontestablement une œuvre grandiose, mais où il faut lire petit à petit et être très concentré pour être happé.



Pourquoi cela ? Parce que l'auteur a construit son récit d'une façon particulière. Nous avons une histoire directive où s'insèrent des multitudes d'histoires pouvant nous perdre si on ne suit plus assez le texte. Le rythme est assez rapide et on trouve pas mal de descriptions.



L'immersion est directe et brutale dans cette Afrique mystérieuse et sans chichis. C'est crû, c'est violent, c'est triste, c'est joyeux, c'est traditionnel, c'est philosophique, c'est onirique... C'est tellement de choses &#xNaN



On y parle d'excision, de circoncision, de violence, de viol, de massacre, d'homosexualité, d'enfants mingis (enfants différents : maladies, albinos, déformations..), d'esclaves, et tant d'autres choses !



Le tout est raconté en parlant de sorcières, de fille fumée, de métamorphose... Et d'un pisteur capable de retrouver des gens grâce à son nez ! Ce dernier raconte son histoire à des inquisiteurs, c'est donc un récit oral que nous découvrons ici.



Il y a des scènes pouvant heurter les âmes les plus sensibles et les plus jeunes. Ce n'est pas un roman à mettre entre toutes les mains.



Quant au fait de lire la suite, je ne sais pas... Je verrais, peut-être un jour ! Mais ce n'est pas au goût du jour.
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Brève histoire de sept meurtres

La Jamaïque, pour tous ceux qui vivent en dehors, c'est un pays qui se résume à Bob Marley et à Usain Bolt. Avec un climat torride, une consommation effrénée de cigarettes qui font rire et une violence qui élève sa capitale Kingston au rang de Johannesburg, Mexico ou Lagos. Et sinon ? Rien d'autre. Marlon James, Booker Prize avec Brève histoire de sept meurtres, vient mettre un bon coup dans la fourmilière des idées reçues dans un roman foisonnant, dense et rageur, une fresque ambitieuse et stupéfiante qui raconte une île en éruption permanente dévastée par les différences sociales, la pauvreté et la multiplicité des crimes de sang. L'argument du livre tourne autour de la tentative d'assassinat du célèbre chanteur cité plus haut, le 3 septembre 1976 : quelques jours avant et longtemps après, de Kingston à New York. Un roman choral où les personnages viennent se confier les uns après les autres, avec chacun son propre langage. Cette littérature à l'estomac est impressionnante mais se révèlera sans doute indigeste pour certains. Plus de 800 pages au milieu du chaos, dans les confidences de membres de gangs sanguinaires, on a beau envie d'en savoir plus sur l'histoire récente de la Jamaïque, elle semble tellement être rythmée autant par les fusillades que par le reggae que l'overdose peut être fatale. Le langage est cru, les exactions permanentes, au-delà de l'horrible parfois, au point que le tableau d'ensemble et le style de l'auteur finissent par devenir sinon complaisants du moins trop conscients de leur efficacité et de leur puissance de feu. L'aspect hyperréaliste et dérangeant du livre est bien entendu une caractéristique de roman noir au sens le plus fort du terme mais disons qu'il vaut mieux être un adepte de Ellroy, Céline ou Dostoïevski plutôt que de Nothomb (par exemple) pour l'apprécier. Quoi qu'il en soit, et même si Brève histoire de sept meurtres peut agacer pour les raisons décrites plus haut, Marlon James est d'évidence un auteur à surveiller de près, ne serait-ce qu'en découvrant ses romans antérieurs, encore inédits en France.
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Brève histoire de sept meurtres

Brève, c’est pas le mot, ce roman fait plus de 800 pages ! Le livre est surprenant par sa construction du récit, par le sujet, et par le nombre conséquent de personnages, c’est une véritable fresque de la Jamaïque que nous offre l’auteur. J’ai bien aimé même si j’ai eu du mal avec tout ce monde, je ne suis pas très attentif en ce moment et ça se ressent dans mes lectures, alors avec un pavé pareil, c’est normal de me voir passer à côté de ce roman.

Mettre Bob Marley au cœur du récit était une bonne idée, tout le monde voit qui il est et le message qu’il transmet dans ses chansons, c’est une personnalité jamaïcaine reconnu qui œuvre pour plus de paix, mais alors qui et pourquoi lui tirer dessus ? Ce sera tout le propos du récit, entre les gangs, la CIA, les manipulations politiques et un pays au bord du gouffre, tout ça se sera à vous de vous dépatouiller avec.

Personnellement j’ai eu un peu de mal, c’est vaste, très vaste et ça peut plaire j’en conviens mais de mon côté c’est le meilleur moyen pour me perdre. Cela dit je l’ai quand même terminé, ne serait-ce que pour avoir le fin mot de l’histoire même si je ne suis pas fan de l’écriture un peu brouillonne.
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Brève histoire de sept meurtres

Quand en préambule d'un roman, on découvre la liste des personnages, on tourne la page en se disant qu'il sera toujours temps d'y revenir plus tard.

Mais quand cette liste compte plus de 70 noms, classés par époques sur plusieurs décennies, comme c'est le cas pour cette "brève (!) histoire de sept meurtres", on redouble d'attention et on se dit qu'il va falloir s'accrocher !

Alors on prend son courage à deux mains, on se cramponne fermement, et si l'on ne se laisse pas désarçonner par les premiers chapitres et le style pour le moins déroutant de Marlon James (qui fait même parler les morts !), on finit par dompter la bête !



Commence alors une chevauchée haletante au pays du grand Bob Marley, qui n'est jamais nommé par son patronyme et qui n'entre jamais en scène, mais qui constitue malgré tout le point d'ancrage d'un roman unique en son genre ! On y découvre une Jamaïque au bord du chaos, rongée par la drogue, la misère, les guerres de gangs et les complots politiques. Malheur au lecteur qui s'embarquerait dans cette aventure en dilettante : il risque de se perdre dans les méandres d'une intrigue dense et complexe, où les personnages sont nombreux et les fusillades plus encore !

L'histoire s'articule principalement autour de la soirée du 3 décembre 1976 au cours de laquelle "le Chanteur", qui préparait un concert historique pour la paix, est victime d'une tentative d'assassinat. Différents chefs de gangs, plus ou moins pilotés par les partis politiques rivaux de l'île, ou même par la CIA qui surveille de près la situation jamaïcaine, sont mêlés à cette opération qui tourne au fiasco.

S'ensuivront plusieurs réglements de compte, parfois un peu confus (mais toujours sanglants !), et la tension quasi-permanente qui émane de ce long roman choral tient le lecteur en haleine jusqu'au bout.

Entre Kingston et New-York, c'est une fresque pleine de puissance que nous propose l'auteur, et l'on sent à chaque page que Marlon James a véritablement son pays natal chevillé au corps. Pour lui, l'attentat contre Bob Marley n'est finalement qu'un prétexte pour dépeindre en détails l'effritement d'une nation, et les poudrières que constituent les ghettos livrés à eux-mêmes. Son roman, finalement bien loin du simple polar teinté d'espionnage, est manifestement le fruit d'un gros travail d'enquête sur la Jamaïque des années 70, et sur les collusions entre les responsables politiques locaux, cubains et américains, la presse, et les mafieux de l'époque.

Heureusement les personnages féminins ne sont pas en reste : chacun d'eux révèle une réelle profondeur et leurs personnalités tranchent radicalement avec celles des tueurs sanguinaires ou des complotistes, parfois un peu trop caricaturaux, qui les entourent.

Voilà au final un roman follement ambitieux, intense et éprouvant, mais diablement efficace !
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Brève histoire de sept meurtres

- abandon



Politiciens, chefs de gangs, petits caïds et voyous, concierge, membre de la CIA… Chacun de ces personnages raconte une partie de son histoire personnelle, et la manière dont il a vécu et compris certains événements. La diversités des points du vue donne une image contrastée mais cohérente de la Jamaïque de la fin des années 1970. Corruption, trafics et violence mènent le jeu. Pour les politiques, tous les moyens sont bons pour parvenir au pouvoir et y rester, à l'image de ce qui se passe dans les quartiers pauvres dominés par des chefs de gangs.



Le portrait que dresse Marlon James de la Jamaïque est frappant. Je ne connais ce pays pauvre qu'à travers quelques clichés, et le propos de l'auteur me semble donc particulièrement intéressant. Les références à la musique sont omniprésentes dans l'ouvrage, notamment au reggae (conseil : à lire près d'un ordi pour pouvoir écouter les chanteurs ou chansons cités), ce qui m'a aussi accroché.



Je ne suis cependant pas parvenu à terminer ce pavé, en raison d'un style d'écriture qui ne me convient pas. Cette plume m'a un peu fait penser à celle de Louis-Ferdinand Céline dans 'Voyage au bout de la nuit', ouvrage que je n'ai pas apprécié. Chez ces deux auteurs, le vocabulaire et les expressions sont proches de ceux du langage parlé. Certains adorent - écoutez Fabrice Luchini parler de Céline... Pour moi, de telles lectures sont fastidieuses, leurs phrases manquant des structures auxquelles je suis habitué et qui donnent de la fluidité au texte. Je ne me suis pas senti le courage d'avaler 850 pages de cet acabit… La centaine de pages que j'ai lue me permet néanmoins de comprendre l'avis nettement plus enthousiaste d'autres lecteurs/babeliotes plus réceptifs que moi à la manière d'écrire de Marlon James.
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Brève histoire de sept meurtres

A Kingston, en Jamaïque, des membres de gangs préparent l'assassinat de Bob Marley, deux jours avant un concert historique pourtant organisé par des politiques, quelques semaines avant des élections cruciales pour le pays. Divers personnages racontent leur rapport au Chanteur, les évènements qui les ont amenés là...



Le mot "brève" dans ce titre est absolument relatif, non seulement parce que le roman approche les mille pages en version poche, mais également parce que sa construction polyphonique en monologues est très loin d'être facile à suivre, en termes de chronologie, de rapport à l'histoire attendue, de références historiques et culturelles, d'utilité pour le récit, de niveaux de langage, de compréhension des évènements. Ouais, la liste est longue.

C'est vraiment un roman à part, brut de pomme, hyper cru. Après deux romans lus sur cinq publiés à ce jour, on peut facilement dire que le style d'écriture de l'auteur est brutal, musclé, féroce et violent et qu'il ne mâche ni ses mots ni n'édulcore les "true colors" de son pays natal. En cela, cela en fait un auteur assez difficile à aborder, il faut être prévenu.

Cet ouvrage est d'autant plus ardu à lire qu'il comporte une quantité incalculable de références historiques, politiques, culturelles, sociales et j'en passe sur la Jamaïque. Si on se lance dans ce bouquin sans avoir jamais touché à la culture et de surcroît la littérature jamaïcaine, ce n'est même pas la peine d'espérer y comprendre quelque chose. Même avec un lexique en fin d'ouvrage et de nombreuses notes de bas de page, beaucoup d'éléments non-annotés (et qu'on ne peut repérer que si on a lu d'autres choses avant comme c'est mon cas) peuvent passer à la trappe malgré leur propre importance culturelle.

Brièvement (ah ah), je vais conclure par ceci : ce n'est pas un roman clair ou facile à suivre/comprendre. Il faut applaudir la traductrice qui a dû s'arracher les cheveux pendant les mois de traduction (on espère qu'elle a pu se reposer sur l'auteur un peu quand même). On ressent aisément la violence, la corruption, la peur, les enjeux politico-sociaux, mais on a énormément de mal à intégrer le but des dialogues ou le déroulé des évènements. Je trouve ça dommage que l'auteur jamaïcain le plus connu en France (grâce à son Man Booker Prize) soit un auteur compliqué à découvrir. Entre parenthèses, lui-même a expliqué qu'ayant quitté la Jamaïque depuis longtemps (il vit depuis une trentaine d'années aux Etats-Unis), il est conscient que la Jamaïque passée qu'il narre n'est peut-être plus la Jamaïque d'aujourd'hui car tout évolue très vite. Néanmoins, quand on lit d'autres auteurs, certains thèmes restent bien vivants de nos jours...
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Léopard noir, loup rouge

Extrait de ma chronique :



"A travers ce fil imaginaire que je viens d'évoquer se transmet une vibration, bien réelle elle : tel que je viens de le décrire, le projet de Marlon James pourrait paraître cérébral, mais il parvient, au contraire, à nous faire ressentir avec intensité l'humanité de Pisteur, même si l'on ne partage ni sa couleur de peau, ni son orientation sexuelle, ni son sens (bien caché, mais réel) de la famille.





Cela tient, sans doute, à la "grande gueule" du personnage (page 195 ou 335, voir aussi pages 188, 316 ou 549), à sa truculence (le juron "nique les dieux"), son autodérision (à l'insulte "va te faire enculer mille fois" de la page 606, il répond "ça fait largement plus de mille fois que je me fais enculer") et surtout sa morale de voyou au grand coeur (pour ne pas dire de picaro mettant le doigt là où ça fait mal), qui place au-dessus de tout le respect des enfants, y compris "disgraciés" (page 538).





C'est présent dès le premier chapitre (comme le remarque fort justement Nicolas Winter, "un seul chapitre, et toute l'essence du roman capturé d'un seul trait") : Pisteur y décrit l'Inquisiteur comme "un homme possédant deux cent vaches, qui se repaît d'un carré de peau de garçonnet et de la cramouille d'une fillette qui ne devrait pas être la femme d'un homme".





Comme Tiger d'Eric Richer ou Dragon de Thomas Day, voire Monstrueuse féerie de Laurent Pépin, Léopard noir, loup rouge est donc aussi un roman sur l'enfance meurtrie (d'où l'importance accordée à celle de Pisteur dans la première partie), dans laquelle absolument tous les méchants de l'histoire, d'Adze à Sasabonsam, s'en prendront un jour ou l'autre à un gosse."
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Léopard noir, loup rouge

Une frustration à la hauteur de mon enthousiasme...



Voilà un livre encensé par la critique américaine ET française. On parle de "nouveau Tolkien", de chef d'oeuvre absolu, d'un mélange de Gabriel Garcia Marquez, de Jérôme Bosch et de... comics Marvel ! On évoque un renouvellement total de l'heroic fantasy. Je n'invente rien, je l'ai lu.

Tout pour me plaire, sincèrement. Je n'ai peur ni des pavés ni des livres fleuves. J'ai dévoré les 2400 pages d'À la recherche du temps perdu,  j'ai lu et relu TOUT Tolkien depuis le Silmarillion jusqu'au Seigneur des anneaux et autres contes, j'ai lu assez de SF et de fantasy pour remplir une bibliothèque... et pourtant...



Passé le premier choc, enthousiasmant, des premières pages où le style flamboyant de Marlon James m'a explosé au visage.. et où je me suis dit : Wouah, c'est pas banal, c'est dingue...j'adore ! Mais... mais j'ai très vite été perdu par l'auteur. La flamboyance, l'exubérance, c'est bien mais sans interruption de page en page, c'est épuisant. J'ai "choppé" les références culturelles mais l'emploi répété de l'implicite (genre tout le monde sait de quoi je parle donc je passe outre), c'est au bout d'un moment horripilant. 



Les contes dans le conte,  je connais et ça peut enrichir le texte, mais là ça rompt la cohérence. L'art du conte africain (l'auteur est Jamaïcain), ça n'est pas ma tasse de thé mais ça dépayse. Alors j'en ai lu, histoire de compléter ce que je connaissais. Dans cet immense conte où le héros Pisteur  (c'est son nom ) raconte sa vie à un Inquisiteur, où se mêlent grivoiserie  (euphémisme pour FB) et fantastique,  gay et sorcières,  monstres et faune de la jungle, on est toujours entre rêve et réalité,  fantasme et mensonge assumé. Épuisant.  Je ne suis pas arrivé à entrer dans ce texte,  à m'y fondre comme d'habitude. Les phrases à rallonge (et pourtant j'ai fréquenté la prose de Proust) relues 3 fois bien que poétiques et qui me laissent perplexe... je n'ai pas pu.



Ce livre trouvera sûrement des amateurs, d'ailleurs je vais le passer à un fan de ce genre littéraire. Il y aura sûrement des lecteurs qui crieront au génie ou à l'oeuvre inclassable. Mais je n'en suis pas. J'ai abandonné à la fin de la première partie. Si je vous ai intrigué et donné l'envie de me contredire, c'est formidable.  Vous allez pouvoir m'expliquer pourquoi je me trompe, ce que j'ai raté. Ça m'intéresse vraiment. Je suis incapable de dire si c'est génial ou insupportable. Ce que je sais, c'est que ça n'est pas pour moi. J'ai fait un rejet, une allergie, malgré plusieurs essais sur plusieurs jours. Dommage....
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Brève histoire de sept meurtres

Merci à Babelio et à l'opération Masse critique qui m'ont permis de mettre la main sur ce livre assez imposant. J'aime les pavés, ils garantissent l'évasion et de longues heures de lecture. Encore faut-il qu'ils soient bien écrits. Ici, c'est en grande partie le cas.

Ce roman, Brève histoire de sept meurtres, est le produit d'un auteur jamaïcain, Marlon James. Le point de départ est l'assassinat raté de Bob Marley en 1976, mais très vite on dépasse cet événement, pour un panorama plus large. Je n'en dis pas plus pour ne pas gâcher l'expérience de ceux qui voudraient se lancer dedans.

J'ai envie de qualifier le style d'écriture de dense, parce qu'il est assez déstabilisant de prime abord, et qu'il faut un petit temps d'adaptation. Et surtout, de très nombreux personnages s'y mêlent. Ils sont motivés par le pouvoir, l'argent ou la violence, et sont tous assez caractéristiques malgré leur multitude. La narration se fait à la première personne. J'ai un peu de mal avec, mais cela permet une immersion plus profonde dans les pensées des personnages. Ce qui est plutôt intéressant, parce qu'ils ne sont pas du tout lisses, et bien souvent torturés. D'ailleurs, certains passages sont assez durs, mais ce n'est pas forcément un point négatif, car cela concourt au réalisme de ce qui est décrit.

C'est un livre que je ne conseillerais pas à tout le monde, en raison du lyrisme parfois un peu trop présent à mon goût. J'ai parfois même eu un peu de mal à suivre le fil de la narration, ce qui explique ma note pas totalement positive. Mais c'est une expérience à tenter pour les lecteurs courageux, qui ont des soirées d'automne à occuper.
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Brève histoire de sept meurtres

Voilà une des grandes révélations de l'année ! Un pavé de plus de 800 pages mais à la force narrative incomparable, au style démentiel et à l'originalité sans faille ! Brève histoire de sept meurtres s'impose parmi les grands romans de la rentrée littéraire : à ne surtout pas manquer !



Tout tourne autour d'une personne : le Chanteur, et pourtant ce dernier n'aura jamais le droit à la parole, il sera décrit par ses proches, ses ennemis; il est tel un symbole ou un fantôme qui hante le roman sans jamais faire d'apparition concrète. Mais Bob Marley n'est pas le sujet de ce roman, c'est l'histoire d'une nation, c'est l'histoire du lien intrinsèque entre deux pays, c'est l'histoire des hommes qui sont dans l'Histoire, qui y jouent un rôle a priori anodin mais si important, c'est puissant, addictif et grandiose !



A l'image du grand Ellroy, Marlon James dépeint de nombreuses périodes et de nombreux lieux, il transcende le cadre spatio-temporel et va amener de nombreux protagonistes à devenir narrateur : un mort, des membres de gang, des femmes perdues et au chômage, des journalistes, des agents du gouvernement américain... Ils seront tous vos compagnons de lecture et vous emmèneront dans une grande aventure, un voyage incroyable : sur les traces de ceux qui ont voulu attenter à la vie de Tuff Gong (ou Bob Marley pour les intimes).



J'ai eu un vrai coup de cœur autant pour le style qui s'adapte magistralement à la personnalité de chaque narrateur, que pour l'histoire qui est unique. Cependant la grande force du livre se trouve dans les personnages. Vous allez découvrir leur passé, leur présent et leur avenir, vous allez assister à leur déchéance, à leur chute, à leur mort ou parfois à leur rédemption. J'ai particulièrement aimé le personnage de Bam-Bam car son passé est d'une grande tristesse, Weeper pour son mystère intrinsèque ou encore Nina Burgess, une battante dans un monde corrompu.



En définitive, c'est ce que l'on appelle un chef d'œuvre !
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Léopard noir, loup rouge

Si vous aimez le dépaysement , ce livre est pour vous , en effet :les auteurs jamaïcains ne courent pas les librairies. L’Afrique ancienne (fantasmée) comme cadre ce n’est pas banal . Mythologies et folklores africains sont largement sous estimés sauf chez les ethnologues . Un mélange de merveilleux, d’aventure , d’horreur « gore » pimenté d’humour noir (sans jeu de mots) et rabelaisien n’est pas commun. Donc embarquez-vous dans la quête menée par le héros Pisteur (pour son flair) ou Œil-de-Loup, et ses compagnons : un homme léopard , une sorcière, une nymphe des rivières . Vous les verrez parcourir jungle, savane et désert , franchir des portes magiques, visiter des cités improbables . Ils affronteront des monstres effroyables , des sorciers maléfiques , des environnements hostiles, la trahison et la duplicité .Ils connaîtront les passions : amour , désir d’enfant , amitié , haine , folie du pouvoir. Et derrière l’aventure se dessineront des thèmes plus profonds : la guerre des sexes , l’exclusion des êtres différents, l’esclavage ,les mutilations, l’existence des dieux . Un livre-monde plein de rires , de sang , de sexe et de fureur jouant sur tous les registres . Sacrée aventure !
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Léopard noir, loup rouge

Si la première scène risque d'en rebuter plus d'un, il serait dommage de s'arrêter là tant le résultat final est sans aucun doute ce qui s'est écrit de plus puissant en fantasy depuis des années, et de loin. Si je n'ai pas trouvé que l'auteur révolutionnait quoi que ce soit en revanche, la richesse de sa langue, la puissance des thèmes et la profondeur de son intrigue renversent toutes les attentes. Du moins, les miennes.
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Brève histoire de sept meurtres

C’est quand on tient entre ses mains les 850 pages et pas loin d’un kilo du roman de Marlon James que l’on mesure l’ironie de son titre. Rien ne sera bref là-dedans et rien ne sera non plus aussi léger que le colibri qui orne la couverture. De fait, cette histoire qui débute en Jamaïque en 1976 pour s’achever à New York en 1991 et qui mêle les trajectoires de dizaines de personnages se révèle d’une rare densité.

Tout commence par la journée du 3 décembre 1976, à deux jour du concert Smile Jamaïca, que le Chanteur – dont le nom n’est jamais prononcé ici – doit donner à la demande du Premier ministre Michael Manley, leader du People’s National Party (PNP). Les élections approchent et la CIA, dans sa logique de containment du communisme, verrait bien le Jamaïca Labour Party (JLP), plus à droite, les remporter. Mais le soutien du Chanteur, star mondiale du reggae adulée par la population, au PNP est un obstacle. Dans le contexte de guerre civile dans lequel vit alors la Jamaïque, il est aisé pour les Américains de trouver du monde pour exécuter quelques sales besognes. Les gangs JLP qui tiennent Copenhagen City, l’un des ghettos de Kingston, sont mis à contribution et, en ce 3 décembre 1976, une équipe tentera d’assassiner le Chanteur. Ce sont essentiellement les membres de ce commando que l’on va suivre lors de cette première journée. Eux, mauvaises graines du ghetto, enfants soldats ou gangsters accomplis, leurs instructeurs américains et cubains, mais aussi un journaliste de Rolling Stones, une jeune femme enceinte faisant le pied de grue devant la maison du Chanteur, quelques politiciens locaux et membres d’un gang adverse au service du PNP.

Cette journée fondatrice donne le ton. Marlon James saute d’un personnage à l’autre, collant au plus près à ses pensées, entrant littéralement dans sa tête. C’est donc à travers les yeux de chacun d’entre eux, avec toute la subjectivité que cela implique, que l’on suit les événements, que l’on voit se matérialiser ce Kingston sous haute tension, que l’on comprend les implications de chacun, les lignes de fracture. Que l’on découvre surtout la force de l’écriture de Marlon James, protéiforme, capable de s’adapter avec subtilité à chacun des personnages. Rugueuse lorsqu’il s’agit de faire parler le chef de gang Papa Lo, débit de mitraillette, haché, lorsque l’on passe à Bam-Bam l’enfant tueur, plus lisse avec Barry Diflorio le chef de station de la CIA, faussement cool chez Alex Pierce le journaliste décidé à s’imprégner de la culture jamaïcaine sans pour autant pouvoir se détacher d’une certaine condescendance, plus lasse mais combattive pour Nina Burgess…

De tout cela émerge peu à peu la figure de Josey Wales, exécuteur des basses œuvres du gang de Copenhagen City calqué sur le personnage bien réel de Lester « Jim Brown » Coke, fondateur du Shower Posse qui devient ici le Storm Posse, gang jamaïcain implanté dans les grandes agglomérations américaines et en cheville avec les cartels colombiens. Marlon James décrit ainsi la façon dont, en l’espace de moins de deux décennies, la CIA crée un monstre qui lui échappe et finit par porter la violence des ghettos jamaïcains sur son sol. En s’attachant à demeurer au plus près de ses personnages, il évite les explications fastidieuses, compte sur l’intelligence du lecteur pour faire les liens, combler les non-dits. Il réussit par ailleurs à offrir une compréhension charnelle des tensions sociales et raciales, certains chapitres se révélant être d’extraordinaires expériences de lecture.

C’est peu dire que Brève histoire de sept meurtres est un roman à part, ambitieux et exigeant dans le fond comme dans la forme, instructif sans être didactique. Déstabilisant dans ses premières pages, il devient vite passionnant et même, stimulant. Impressionnant.


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Brève histoire de sept meurtres

854 pages, cinq parties, une action qui se déroule sur quinze ans, de la Jamaïque aux Etats-Unis, une cinquantaine de personnages, autant dire qu’entrer dans ce livre et arriver jusqu’au bout demande du souffle – tout en sachant qu’il est bien plus aisé de lire que de l’écrire.

Ne pas s’effrayer, ne pas rebrousser chemin : pas facile, tant la violence qui nous est racontée, décrite, est quotidienne. Tout peut arriver, n’importe qui peut devenir une cible, une victime. Personne n’est en sécurité, y compris quand la police est sur les lieux. Même Bob Marley, qui sera toujours appelé « Le Chanteur ». Il sera toujours question de lui, implicitement, même après sa mort, et pourtant, il est la seule voix que l’on n’entendra pas dans ce roman polyphonique.

Presque tous auront la parole – y compris le fantôme d’un politicien assassiné, le gamin qui s’est engagé dans un gang, un tueur à gages ou une réceptionniste au chômage. Presque aucun n’en sortira indemne. Pourtant, une forme de rédemption est possible, à condition d’avoir de la chance (toujours utile, la chance) et la volonté chevillée au corps.

Le langage est souvent très cru, tout comme certaines scènes. Elles sont là et, finalement, servent aussi à caractériser la violence des relations entre les êtres -même les relations amoureuses.

L’humour est parfois présent – je pense au personnage d’Alex Pierce, journaliste très chanceux. Parfois. C’est grâce à lui que le titre du livre prendra son sens et me semblera aussi une histoire à continuer – ou pas.

Brève histoire de sept meurtres surprendra, étonnera, choquera sans doute, mais ne laissera pas indifférent.
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