Entretien avec Martin Veyron à propos de son album Ce qu’il faut de terre à l’homme :
03/02/2017
Votre album est une fable se déroulant dans l’univers agricole sibérien. Pourquoi avoir choisi cet univers et pas un monde contemporain ? Pourquoi avoir choisi la forme de la fable ?
Parce que la nouvelle de Léon Tolstoï qui l`inspire s`y déroule et que c`est un genre de fable.
Votre ouvrage est inspiré d’une nouvelle de Tolstoï. Peut-on parler d’une adaptation ? Comment avez-vous découvert ce texte ? Quel degré de liberté vous êtes-vous accordé par rapport à la nouvelle ?
Je crois qu`on peut parler d`une adaptation. J`ai découvert ce texte en 1962 dans la bibliothèque d`un collège de Jésuites.
Je me suis accordé une totale liberté pour l`adapter à la bande dessinée tout en veillant à ne pas en trahir l`esprit.
Mettant en scène des paysans qui se disputent la gestion de terres agricoles, vous montrez des hommes à la cupidité sans limite. Les hommes sont-ils pour vous fondamentalement mauvais ? L’avidité est-elle selon vous le mal du siècle ?
Non, l`homme n`est pas fondamentalement mauvais, sauf qu`il ne met pas toujours son intelligence au service d`une cause intelligente.
L`avidité n`est pas le mal du siècle, elle sévit depuis homo sapiens.
En choisissant ce scénario, vous semblez assumer votre position vis à vis des hommes d’aujourd’hui et de leur soif de richesse. Considérez-vous cet album comme engagé ? Peut-on, qualifiant sa chute, employer le terme de “morale” ?
Engagé contre le productivisme, oui. La chute avec morale appartient au genre de la fable.
Nous échangeons dans le cadre du festival d’Angoulême. Avez-vous déjà participé à cette manifestation ? Comment appréhendez-vous le rendez-vous de cette année ?
Je vais à Angoulême pas intermittences depuis quarante ans.
Cette année, je suis en lice pour le Fauve d`or, et j`appréhende d`avoir à me le trimballer dans le train du retour.
Martin Veyron et ses lectures :
Quel est l’ouvrage qui vous a donné envie de vous lancer dans la BD?
Le sapeur Camember.
Quel est l’auteur qui aurait pu vous donner envie d’arrêter (par ses qualités exceptionnelles...) ?
Celui-là donne plutôt envie de continuer, ce sont les mauvais qui donnent envie de laisser tomber.
Quelle est votre première grande découverte littéraire ?
"Le petit wagon qui arrivait toujours le dernier."
Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?
L`Homme-dé de Luke Rhinehart.
Et en ce moment que lisez-vous ?
Manuel à l`usage des femmes de ménage de Lucia Berlin. »
Entretien réalisé par Marie-Delphine
Découvrez
Ce qu`il faut de terre à l`homme de
Martin Veyron aux éditions
Dargaud :
Martin Veyron en interview pour PlaneteBD .
Martin Veyron, pour son dernier album, présente une adaptation d'une nouvelle de
Léon Tolstoï, "
Ce qu'il faut de terre à l'homme". Il donne ainsi une version sobre mais très expressive d'une leçon de vie dont la morale à tirer de cette histoire prend une dimension presque philosophique. L'auteur nous fait la joie d'une interview brève mais intense lors de son passage au festival de la bande dessinée d'Angoulême dont il rafle au passage le prix Tournesol pour cet album...Bravo !
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[ au square, une jeune mère s'adresse à un 'vieux' ]
- Ça ne vous gêne pas de faire des enfants à votre âge ?
- Si ! D'autant plus que je me suis fait vasectomiser.
- Votre femme le sait ?
- Elle n'était pas née !
- Ah ? Elle est beaucoup plus jeune que vous, alors !
- Pour pondre des chiards, c'est mieux d'être jeune !
- Attendez, si vous vous êtes fait stériliser, c'est que vous n'en vouliez plus... Alors pourquoi une jeune ?
- C'est appétissant !
- Vous êtes cocu, bien fait ! Ce môme n'est pas de vous !
- Je ne savais pas comment vous le dire !
- Et vous gardez le merdeux d'un rival ? Vous êtes cool !
- Super cool ! Mais en réalité, il s'agit de mon petit-fils.
- Vous ne pouviez pas le dire tout de suite ?
- Vous aviez tellement envie de voir un vieux fier de sa semence !
(p. 65-66)
- Il y a 'voyeur' pour ceux qui matent, comment nommer ceux qui
écoutent ?
- 'Ecouteur' ? Non ! 'Auditeur' ? Non plus ! 'Oyeur' ? C'est pas mal, 'oyeur', c'est bien.
(p. 70)
Pourquoi trempez-vous votre smartphone dans vos pâtes ?
J'ai une appli qui détecte le gluten.
"Celui qui offre son toit a dans le coeur l'or qu'il n'a pas dans les mains."
- La neige, ça peut durer des jours, et mon affaire ne peut pas attendre.
- Tout peut attendre.
- Même mourir.
- Vous essayez de me dire que vous voulez remettre ça avec votre point G, maintenant que je suis totalement inoffensif ?
- C'est très important pour moi !
- Plus pour moi. Pire, maintenant, tout ça me dégoûte !
- Je vous dégoûte ? Vous êtes un mufle !
- Pas vous ! « Ça » ! Et vous, quand vous disiez que vous ne me désiriez pas, c'était quoi ?
- Oui, je ne vous désirais pas, mais je n'ai jamais dit que vous me dégoûtiez, c'est pas pareil.
- Oui, bon, ça va. Parlons d'autre chose.
- ... Fais [l'album] 'L'amour propre 2', ça te rapportera des sous, au lieu d'en coûter !
- Décidément, vous ne pensez qu'au pognon, vous, les bonnes femmes !
- Comme vous, les mecs, vous ne pensez qu'au cul, les deux moitiés de l'humanité entretiennent chacune les deux moteurs du monde.
(p. 34)
Deux mètres de longueur sur un mètre de largeur et de profondeur, voilà ce qu'il faut de terre à l'homme.
-Mon mari a de la chance que je n'aie pas tes goûts, il n'aurait pas les moyens de les satisfaire!
-C'est parce que t'en as pas choisi un ambitieux. C'est tout!
-Ambitieux? Pour quoi faire puisque nous ne manquons de rien.
- Alors ? Heureuse à présent ?
- Si t'avais la tête qui fonctionne aussi vite que la queue, tu serais moins con !!
- Ben... Forcément moi ça m'excite pas l'amour à la papa !
- Tu préfères à la maman !
- Non heu... Je sais pas... Tu pourrais mettre des trucs là qui tiennent les bas...
- Ouais super ! Et toi des fixe-chaussettes. Quel pied !
(p. 29)