mais quand j’étais venue te voir cet après-midi-là, tu étais assis à la table ronde de ta salle à manger. Seul, rien d’autre sur la table que ce revolver dont je ne me demandais pas vraiment s’il était chargé, sa présence noire sur cette table suffisait à abréger la maigre conversation que je tentai alors d’entreprendre.
Là encore, j’avais fini par m’enfuir.
Ça y est, je crois qu’ils ont compris, silence, je suis ailleurs, du côté des corps qui se transforment, pourrissent, se dégonflent, qu’on me laisse tranquille. Je veux cuver ta mort.
Il n’y voyait plus guère, mais comment, comment savoir jusqu’où ? Un soir, seule chez nous, je tente de marcher en fermant à plein les yeux pour ne plus qu’entre un halo de lampe, se diriger alors comme on peut, une légère ivresse qui fait à peine tanguer pour retrouver l’origine de son pas incertain, mais jamais il n’avait la plainte du presque aveugle, juste l’équilibre, instable. Son corps ? il chavire.
clochard discret, cassé,
les mains rougies de bière
et les passants que tu croisais
faisant ce qu’il savent le mieux – passer
La grammaire française est un petit peuple au vocabulaire fort curieux : des articles (de loi ?), des attributs (attribués à qui?), des participes (à quoi peuvent-ils participer?), des auxiliaires (quel genre d'aide apportent-ils?), des modes (façon boeuf mode ou Modes & Travaux?), la syntaxe (s'agit-il d'un saint ?)... Ces mots qui n'évoquent pas d'emblée ce qu'ils désignent, des générations de petits humains les ont affrontés dès l'école primaire ; et la cruelle bataille se poursuit. Mots qui ne passent pas, mots qu'il s'agit pourtant de manger tout crus. Comme s'il était facile d'avaler de la farine ou des lentilles juste sorties de l'emballage.
Voltaire dira de lui [Clément Marot] qu'il a rapporté deux choses d'Italie, "la vérole et l'accord du participe passé", et que c'est assurément "la deuxième qui a fait le plus de ravages".
Nous avons surtout évoqué des substantifs [pléonasmes] que l'on flanque d'adjectifs, mais certains verbes sont aussi de la partie et se voient à leur corps défendant imposer une suite : lésiner sur les moyens (lésiner signifie « épargner avec avarice », la lésine étant de la pingrerie), s'avérer vrai (ce qui s'avère est vrai, confirmé), agonir d'injures (agonir signifie «insulter», «injurier») et le très beau talonner de près : essayez donc de talonner de loin !
Dans le même ordre d'idée, nous avons le fameux au jour d'aujourd'hui, très fréquent dans les médias, double pléonasme dont on dira par charité qu'il est surtout utile pour gagner du temps : cinq syllabes pendant lesquelles le locuteur peut réfléchir à ce qu'il déclarera ensuite.
Onze heures, il n’avait même pas pu arriver à celle du déjeuner. Je ne sais plus si on l’avait trouvé dans son lit, ou par terre, ou affalé comme une voile sur une chaise. L’avais-je demandé d’ailleurs ? C’était l’aide ménagère que j’avais envoyée voir ce qui se passait.
C'est pourquoi on peut avancer qu'une réforme profonde de l'orthographe, c'est-à-dire sa simplification, ne pourrait être menée que par un pouvoir bénéficiant d'un consensus, d'un réel soutien, par exemple dans le feu et l'exaltation d'une révolution politique et sociale.