Voilà ce que je ne savais pas : on peut aimer quelqu'un au point de ne pas avoir assez de mots pour l'exprimer.
Quel enfant ne renverserait pas son lait, ne ferait pas pipi dans son pantalon ou au lit, ne manifesterait pas son malaise dans une maison où les menaces fusent continuellement, jusqu'au moment où un poing vient les concrétiser ?
L'armée n'a qu'un objectif : vous laver le cerveau de tout ce qui a jamais compté pour vous afin de pouvoir y graver ses propres conneries .
Quand les hommes pleurent, ils expriment une telle vulnérabilité, une telle angoisse, qu'ils semblent presque à l'agonie.
Il adorait apprendre. Cette boisson -là avait un goût inimitable. Toutes ses bonnes notes étaient autant d'épées brandies à la face des
Ennemis réels ou imaginaires qui peuplaient sa tête et il voulait tous les éliminer afin de purifier son cerveau.
On peut aimer quelqu'un au point de ne pas avoir assez de mots pour l'exprimer.
- USA, 1967 -
Tous ces slogans stupides [pour s'engager dans les Marines]... « Vous pouvez servir votre pays et voir le monde. Découvrez de nouvelles cultures. » Celui que je détestais le plus figurait sur l'affiche de propagande que j'avais dénichée dans la chambre de [mon fils] Jimmy peu après son départ. « Les Marines font de vous des hommes. » Quelle ironie ! Comme si je n'avais été là que pour lui donner la vie, sachant qu'ils feraient de lui un homme. Comme si ceux qui ne rejoignaient pas leurs rangs n'étaient pas vraiment des hommes.
(p. 148-149)
Je n'avais jamais douté du retour de mon fils [du Vietnam] - sinon vivant, du moins mort. C'étaient les termes de ce marché innommable : il devait rentrer, d'une façon ou d'une autre. A aucun moment il ne m'était venu à l'esprit qu'il pouvait disparaître, tout simplement. Or j'avais besoin de son corps. J'avais besoin d'embrasser ses paupières pour les fermer, tout comme je le faisais au moment de le border quand il était petit, en lui disant que mes baisers chasseraient les mauvais rêves. (p. 125)
" Une petite ville ressemble beaucoup à un poulailler, reprit-elle. Elle n'aime ni le changement ni la différence et ne l'accepte pas facilement. Si une poule perd ses plumes ou si elle est blessée, les autres l'attaquent à coups de bec, parfois jusqu'à la mort."
Je ne risquais pas de devenir folle. J’étais folle.
(Succès du livre, p.185)