"Accorde à ma maman un bref repos, Seigneur. Réveille-là, fais-lui un café et renvoie-là tout de suite ici. C'est ma maman, tu as compris? Ou tu la ramènes ici-bas, ou tu me fais venir là-haut. Choisis. Mais dépêche-toi. On va dire que maintenant, je ferme les yeux et que je les rouvre, tu as décidé? Ainsi soit-il."
Il est dans ma nature de ne pas considérer les défaites comme irréparables. Les films que je préfère sont ceux où le héros perd tout, mais arrivé au bord du gouffre il recule d’un pas et commence à remonter.
Je l’imaginais aux prises avec l’un des problèmes que la Maîtresse nous avait donnés pour les vacances. Un enfant parcourt trois kilomètres et tous les deux hectomètres il perd deux billes : au bout de mille neuf cents mètres, combien de billes aura-t-il perdues ?
Je détestais les hectomètres. Et cet enfant idiot qui n’arrêtait pas de perdre ses billes, mais continuait sa promenade comme si de rien n’était.
Peu à peu, je déplaçai mes livres d’études vers le bord de ma table de travail et les remplaçai par des manuels de développement personnel.
Sois le maître de ton destin.
L’art de conquérir ses amis et de dominer les autres.
La névrose peut être vaincue.
Comment chasser l’angoisse et commencer à vivre.
Une veuve avec deux enfants qui travaillait par nécessité, mais qui paraissait mue par un élan de profonde gentillesse. Sa dignité donnait de la noblesse aux gestes les plus humbles et lui conférait de l’autorité. Avec elle maman redevenait enfant.
Les si sont la marque des perdants. Dans la vie, on devient grand malgré.
La nausée qu’il éprouvait devant l’amour s’était étendue à ses succédanés et l’avait transformé en un propagateur d’illusions qui concevait les rapports sentimentaux comme des forêts d’où il fallait s’enfuir juste avant d’y être englouti. Le désir d’une âme sœur gisait à bout de forces dans le coffre de sa mémoire, mais refaisait parfois surface pendant la lecture d’un roman et devant les spectacles gratuits offerts par la nature.
Ce n’est pas simple d’être un orphelin au pays des fils à maman. Certes, c’est aussi le pays de ceux qui se prennent pour des victimes et la perte précoce de l’un des parents, si elle est rendue bien visible, peut devenir une auréole ou apparaître comme un certificat d’impunité. Mais il faut être taillé pour le rôle de victime.
La vérité doit être dévoilée peu à peu, car l’homme a l’affreuse habitude de salir ce qu’il a du mal à comprendre.
Je n’ai jamais supporté ceux qui pleurent sur leur sort. Même la nuit, je ne pleurais pas. Je croyais encore qu’un matin je me réveillerais et que je verrais maman au pied de mon lit avec sa robe de chambre sur les épaules. Je ne voulais pas qu’elle trouve un oreiller trempé de larmes.