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Citations de Mathieu Larnaudie (38)


Il y a dans ces restaurants de bord de mer, dès lors qu’ils ne se satisfont pas d’être des bouis-bouis de bout du quai et affichent la prétention d’un standing amélioré, un doux mélange de kitsch contemporain, impersonnel –idem sur toutes les côtes –et de vieille auberge maritime, de tanière où se donne en partage l’archaïque nourriture des hommes tirée de leur hostile et chère adversaire abyssale.
C’est dû aux poissons que l’on y fait griller, qu’on dirait tout juste extraits de l’étendue obscure qui prend sous les fenêtres, sautés aussitôt dans l’assiette après un bref détour par les cuisines où les ont vidés, préparés et mis à cuire des mains candides et chevronnées, répétant des gestes sans âge ; c’est dû aux huîtres qui sortent de leurs casiers trempés à quatre cents mètres de là, aux coquillages ramassés sur les plages d’à côté par d’autres mains calleuses, gercées, entaillées de cicatrices dans et malgré leurs gants de protection. Une caravelle ou un chalutier vogue à l’intérieur d’une grosse bouteille sur une étagère. Les serviettes sont tire-bouchonnées dans les verres à pied ; on les retire pour verser le vin blanc qui accompagnera les bulots, les crevettes.
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Mathieu Larnaudie
J'éprouve une vraie mélancolie, presque une souffrance, à l'idée de n'avoir qu'une seule vie à vivre. Or, écrire est la seule façon que j'ai trouvée pour essayer de remédier à cela, pour échapper à ce que tout me destinait à être et pour me donner les moyens de vivre plusieurs vies.
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La fidélité des affections sidère ceux qui les éprouvent autant que ceux qui les réclament ou les suscitent. (Gallimard nrf p. 89)
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On dit que les gens qui vivent sous un volcan ou sur une faille sismique ont une perception différente du temps, qu’une sorte d’urgence existentielle les habite et les pousse. Ils ont intériorisé l’imminence permanente de la catastrophe, l’idée qu’à chaque instant tout peut s’arrêter, tout peut être recouvert de cendres ou glisser vers les entrailles de la Terre ; ils vivent en conséquence, en sursis, en suspens
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Chaque phrase prononcée par ces jeunes gens semble ainsi rigoureusement contrôlée. Car les Senghor n’ignorent pas que les mots sont l’autre matière première du pouvoir. Il y a ce que l’on peut dire et ce que l’on tait, chez les uns ce qu’on laisse filtrer tout en prenant l’air de ne pas y toucher, chez d’autres le soi-disant franc-parler habilement calculé. On connaît les exigences de la communication politique, des discours formatés, des éléments de langage. Mais c’est un talent plus saisissant encore que d’être capable d’une telle maîtrise dans des situations moins officielles. Quand, me demandais-je parfois en dialoguant avec eux, quand se relâchent-ils vraiment, quand fendent-ils l’armure ?
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La légende dorée n’a pas son envers sombre – on ne sait quelle légende noire qui en serait le récit alternatif et antagonique, une autre histoire plus ou moins secrète, et forcément plus réelle parce que souterraine, honteuse, exsudant le scandale, les blessures et les vices, tout ce qu’il est soi-disant préférable de taire et qui passe donc pour le fond véritable des choses mais qui fait couler bien plus d’encre encore, excite la chronique, éperonne notre désir, attise sans jamais suffire à l’assouvir notre soif de spectacle avec plus de violence que les versions officielles, enchantées.
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On devinait encore, au loin, les spectres de béton qui imprimaient une densité supérieure de noir sur le noir de la mer – à moins que ce ne fût le sentiment de leur présence, le fait de savoir qu’ils se trouvaient là, quelque part à l’horizon, qui me faisaient croire en distinguer les contours sur le fond uniforme de la nuit. Nous connaissons tous, je suppose, ces moments d’attraction hypnotique qu’exerce la mer lorsqu’on la contemple : le spectacle a beau nous en sembler immuable, la répétition du ressac lancinante, morne, ses variations immédiates peu perceptibles à l’œil, on peine à s’en extraire, on demeure médusé, encollé à sa monotonie, comme si une force magnétique nous y aimantait. Tout conscience du temps paraît s’être dissoute à travers l’infinie dormance océanique ; et dans l’obscurité, quand seules les oscillations les plus rapprochées de l’écume et les miroitements infimes du rivage parviennent jusqu’à notre regard, cette sensation narcotique n’en devient que plus intense encore.
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Les tueurs désormais ne se cachent plus dans l’ombre, derrière les projecteurs et les enchevêtrements de la machinerie ; ils ont appris à évoluer en pleine lumière, et l’art d’exhiber leur mâchoire.
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...il y a ceux pour qui l’adjectif “oubliée” ne renvoie pas tant aux défaillances de leur propre mémoire ingrate qu’au constat que la renommée de l’actrice ne leur est même jamais parvenue.
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A force d’être traitée comme une malade, vous finissez par agir réellement comme telle.
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Toute l’image réside alors en son regard : il aimante le nôtre ; ses yeux sont noirs, profonds, à la fois sévères et vifs ; ils évitent résolument l’axe de la caméra, ne le croisent que par accident pour ainsi dire, chassent sur le côté, reviennent vers Edwards sur qui ils ne restent jamais longtemps fixés ; et lorsqu’ils se détournent ou se relèvent, discrètement mais très distinctement, une flamme y brille, que nous connaissons. Cette lueur ne nous trompe pas. C’est de la fureur. Le fleuve qui court dans ses veines n’est pas tari. Sa colère est intacte.
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Quoiqu’on ne sache jamais vraiment qui se mire en qui, si l’image précède le modèle ou l’inverse, si ce sont les héros des films noirs qui s’inspirent des barons de la pègre enrichis par la prohibition (cet âge d’or qui, hélas, vient de prendre fin à peine trois ans plus tôt) ou les bandits eux-mêmes qui s’ingénient à se conformer le plus scrupuleusement possible au portrait fantasmé que Hollywood brosse d’eux, cette accointance vestimentaire lui confère – croit-il – une certaine prestance un peu canaille, une autorité virile.
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Mafieux et malfrats vivent et meurent dans un monde à part, où règne leur loi propre ; eux aussi sont les tenants d’une loi sauvage, une autre certes que celle que le producteur représente – mais ce dernier croit volontiers que la sienne n’est pas la moins aiguë ni la moins cruelle.
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Il commente à l’emporte-pièce les nouvelles du monde (le monde restant généralement circonscrit à quelques kilomètres alentour), les ragots du jour amplifiés à sa guise et tordus selon les besoins de son éloquence particulière – mais, après tout, faire subir des torsions à la réalité est son métier. Les autres studios, un par un, en prennent pour leur grade. Quand il rit, son corps est secoué par un tressautement qui fait crisser le cuir de son fauteuil et l’oblige à s’agripper aux accoudoirs. Il dispense à la ronde ses anathèmes et ses congratulations ; dans l’assistance, il compte bien sûr ses souffre-douleurs et ses favoris, qui tous connaissent leur partition, le personnage dont ils se doivent d’endosser les attributs, et s’en acquittent avec la docilité calculatrice dont est tissé le quotidien de toutes les cours – puisque les empires sont des théâtres : celles et ceux qui essuient ses remontrances ou ses sarcasmes savent aussi qu’ils ne sont pas les moins nécessaires ni les moins chers au cœur du patron qui, ainsi, assied son pouvoir à leurs dépens et, grâce à eux, rappelle chaque soir à ses visiteurs, aux réalisateurs, aux stars même que, s’il accepte volontiers sur les plateaux d’être relégué au second plan et de s’effacer derrière d’autres volontés que la sienne, ici, au cœur du sanctuaire, là où se prennent les décisions, dans l’œil du cyclone du spectacle, il est bien l’unique maître de la loi sauvage.
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C’est ici que les films sont écrits, négociés, tournés, montés, retouchés, et d’où ils partent à la conquête de la Nation, à la rencontre d’un peuple pour en irriguer les consciences et y véhiculer la bonne parole, celle bienfaitrice, qui commande aux bonheurs de l’american way of life et raconte les récits qui la fondent. Cette même année – l’homme au cigare connaît les chiffres – plus de cent millions de citoyens se sont massés dans ces salles noires qui, serties au cœur battant de chaque ville, sont alors, dit-on, les nouvelles cathédrales de l’humanité. La foule des spectateurs y vient pour son édification aduler la geste de saints dont une bonne partie est remplacée chaque saison, canonisée de neuf pour les besoins de la cause et pour la multitude, autrement dit pour nous qui trouvons notre extase à n’être plus rien d’autre qu’un simple regard, avidement dardé sur les icônes façonnées au secret du gigantesque sanctuaire où œuvre une armée de scribes, d’artisans, de casuistes et de peintres d’un genre nouveau, et dont l’homme au cigare et au borsalino est quelque chose comme, à la fois, l’intendant, l’ingénieur et l’archimandrite.
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La lumière n’exauce pas les corps, elle les massacre.
La main de l’éclairagiste qui agrippe la poignée du projecteur et, pour préparer l’entrée dans le champ de l’actrice dont il va illuminer le mouvement, fait pivoter sur son axe la caisse de métal d’où jaillit le faisceau aveuglant, cette main n’est pas moins cruelle que celle du tueur à gages qui pointe une arme à feu ou qui abat une arme blanche, ni moins impitoyable que celle du bourreau qui actionne le courant de la chaise électrique. Elle est l’instrument assermenté d’une loi sauvage : elle livre un être en pâture à notre regard.
Ni partenaire ni décor, rien ; le plus extrême dénuement ; l’image décharnée – réduite, comme on dit à sa plus simple expression : il nous faudrait ainsi imaginer une femme seule avec sa robe noire, les épaules et le visage diaphanes, préparés à scintiller, qui s’avance au centre du plateau, dans la crudité géométrique de l’espace découpé pour elle par la lumière. Elle se fige à l’emplacement exact que le metteur en scène lui a désigné, attribué, où il a pensé sa présence ; et les rayons comme des lames lacèrent sa peau fardée.
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Orgueilleuse et résolue, aguicheuse et lointaine, elle demeure sans passé, elle est là et cela doit suffire ; on est prié de s’en contenter. Le mystère qui l’auréole est bravache. Elle sait qu’elle est l’objet des convoitises, le centre des attentions de cette assemblée exclusivement composée d’hommes dont elle attise les regards qu’elle feint de ne pas remarquer, comme s’ils – ces regards – glissaient sur elle, ne la concernaient pas, n’étaient que la rumeur de la concupiscence ordinaire, inévitable, qui lui fait cortège où qu’elle aille et qu’elle a appris à négliger.
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On estimerait que grâce aurait été rendue aux boys et à leurs alliés autochtones, aux résistants du pays et puis, pourquoi pas, aux soldats ennemis, dont la plupart n'avaient certes pas demandé à être enrôlés pour servir de bouclier à la plus criminelle des tyrannies sanguinaires. Et avec tout ça, tant qu'on y était, dans les cœurs et les esprits du moins, grâce aurait peut-être été rendue aussi aux paysannes normandes que les boys avaient violées et engrossées sur leur passage dans les granges de la région (bien que d'elles, aucun discours évidemment n'aurait honoré la mémoire, ni même rappelé l'existence : de cette histoire elles étaient la tache aveugle, le vilain petit souvenir inavouable que chacun garde secrètement en tête lors des rassemblements de famille et que personne n'ose déballer de peur de troubler le repas, de contrarier les aïeux ennoblis par leur âge canonique, de gâcher la fête).
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Nous connaissons tous, je suppose, ces moments d'attraction hypnotique qu'exerce la mer lorsqu'on la contemple : le spectacle a beau nous en sembler immuable, la répétition du ressac lancinante, morne, ses variations immédiates peu perceptibles à l'oeil, on peine à s'en extraire, on demeure médusé, encollé à sa monotonie, comme si une forme magnétique nous y aimantait. Toute conscience du temps paraît s'être dissoute à travers l'infinie dormance océanique ; et dans l'obscurité, quand seuls les oscillations les plus rapprochées de l'écume et les miroitements infimes du rivage parviennent jusqu'à notre regard, cette sensation narcotique n'en devient que plus intense encore.
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On dit que les gens qui vivent sous un volcan ou sur une faille sismique ont une perception différente du temps, qu’une sorte d’urgence existentielle les habite et les pousse. Ils ont intériorisé l’imminence permanente de la catastrophe, l’idée qu’à chaque instant tout peut s’arrêter, tout peut être recouvert de cendres et glisser vers les entrailles de la Terre ; ils vivent en conséquence, en sursis, en suspens. France est descendue, remontée, de Seattle à Hollywood, à San Francisco, elle a longé la côte dans toutes les directions. Elle est allée maintes fois du volcan à la faille. Elle n’est pas pressée ; elle a tout son temps, les choses ont lieu qu’on le veuille ou non.
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