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Citation de sl972


sl972
14 février 2016
Mourir en guerre dans un pays en pays. Car c’est la paix. Aucune guerre militaire à l’horizon européen, pas de guerre civile non plus, pour en retrouver les accents il faudra patienter encore dix-neuf ans et voir, incrédules, le temps du monde basculer et entraîner 200 000 à 300 000 personnes dans les abîmes des mécanismes haineux entre Ljubljana et Skopje. Les ressorts de l’affaire étaient autrement tordus, et chacun de méditer sur la dissolution des empires ou de relire Thucydide. Dix ans de guerre européenne en pleine paix, de quelles fictions avons-nous habillé tout cela pour laisser ces béances à nos portes alors qu’elles étaient dans la maison ? Comme était dans la maison, officiellement depuis 1967 en Allemagne, 1968 en France, 1969 en Italie, officieusement partout depuis la fin de la guerre, la volonté farouche, arc-boutée sur le déni qui lui était opposé, de ne pas se payer des mots de la paix officielle, un mensonge d’une taille inédite : guerre froide pour tout le monde, chaude pour les Algériens de 54 à 62, les Coréens en 53, les Vietnamiens de 54 à 73, j’en passe, sans compter que, ayant abandonné aux délices des régimes communistes la moitié orientale du continent, l’autre moitié n’en recensait pas moins deux bonnes vieilles dictatures fascistes officielles, celles de Salazar et de Franco, qui avaient traversé la guerre sans sourciller et n’allaient pas tarder à s’évanouir, l’une deux ans plus tard dans un lancer d’œillets, l’autre trois ans après dans son sommeil taché de sang, et une plus jeune installée à Athènes en 67 pour sept ans. Pax americana. Au milieu de tout ça on va relever la tête, le gant des oppressions aimables, le défi des raisonnements pervers, et tout ça finira, j’aurai alors vingt ans, les rues pleines du sang des chiens dont on a transpercé les côtes, le cœur et la raison, mais si bien bitumées qu’on pense avoir rêvé.
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