Mathieu Rigouste : L'enférocement policier | Interview à l'occasion de la réédition de son livre "La domination policière" chez La Fabrique, le 22 octobre 2021
Le mot "police" à lui seul contraint chaque fois qu'il est prononcé et par sa seule existence. Toute la police est violence jusque dans ses regards et ses silences.
Le camp d'internement pour étrangers illégalisés est un espace d'exception permanente, un laboratoire où toutes sortes de matériel et de techniques de violence peuvent être testées et combinées sur les corps des internés : des corps sans droit en attente d'être déportés.
La peur constitue un outil politique fondamental pour les classes dominantes. C’est une technique de gouvernement, une machine de légitimation sur la chaîne de production du contrôle.
Il est vain, stérile et absurde de critiquer l’idéologie sécuritaire sans attaquer système économique, politique et social qu’elle protège et propulse.
Les grenades définies par leurs fabricants et les institutions qui les emploient comme “lacrymogènes“sont en réalité des armes toxiques, interdites dans le droit international de la guerre mais pas en situation de “maintien de l’ordre“ domestique. Les grenades dites de “désencerclement“laissent penser qu'elles sont uniquement défensives alors qu'elles sont employées pour attaquer et blesser.
-- Qu'est-ce que la police , quelles sont ses fonctions ?
-- Tout dépend de ce qu'on appelle la police . Je pars de la définition selon laquelle , parmi d'autres institutions participant à la reproduction d'une société inégalitaire , la police est celle qui utilise la violence et la coercition pour maintenir l'ordre social , économique et politique . Pour maintenir la domination de classe , de race et de genre .On peut ainsi trouver des formes de police dès le début de la formation de tout état ..... La police plonge ses racines dans la phase D'accumulation primitive du capital , pendant la génèse du capitalisme et du colonialisme .... Dès le début , la police est conçue pour protéger l'économie de marché .
En septembre 1995, la Revue historique des armées a consacré un numéro entier à la guerre d'Algérie. Pour fournir des outils permettant d'analyser les attentats terroristes qui frappaient alors la France, elle publiait pour la première fois la "Directive générale sur la guerre subversive" du général Massu pour la bataille d'Alger. Et, en septembre 1998, le colonel Frédéric Guelton, un spécialiste du renseignement, publiait dans Défense un article intitulé "Une école de guerre psychologique. Algérie : 1956-1961". La revue présentait l'article en rappelant que l'armée française redécouvrait tardivement l'action psychologique en Bosnie, tandis que les Américains, "ardents pratiquants des Psyops (psychological operations)", considéraient les Français comme "les maîtres en ce domaine depuis... la guerre d'Algérie"
La fabrication médiatique de la “banlieue“comme “problème d'intégration ethnique et culturel“ devient un appareillage idéologique fondamental pour masquer les structures politiques, économiques et sociales de la ségrégation policière.
Cette mise en scène macabre marque une étape importante dans le déploiement de la machine médiatico-sécuritaire française : la célébration du rétablissement de la force souveraine de l'État sur le territoire et la population, par la destruction physique et symbolique d'un bouc émissaire post-colonial, a amorcé un engrenage déterminant, qui normalisera progressivement l'idée d'une « purge » nécessaire de l'ennemi intérieur global. Et elle a posé les bases d'un rituel associant l'internement et l'expulsion de ceux que l'État désigne comme les « indésirables de la mondialisation » et la mise en scène publique de leur bannissement.
La transformation de la violence policière est liée au développement d’un marché mondial de la coercition. Ce phénomène est porté par de puissants complexes industriels, médiatiques et politico-financiers qui tirent profit de la prolifération des guerres policières en vendant des doctrines, des techniques, des équipements et des armes de coercition. Ces marchandises sont expérimentées, rénovées et leur excellence est mise en scène dans les laboratoires intérieurs des grandes puissances impérialistes. Elles peuvent ensuite être vendues aux États et aux entreprises du monde entier.